Intuitions
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La philosophie dans le marketing #tadikoi #6

Pendant ce temps-là, des lycéens ont planché sur un sujet dont la beauté ne nous aura pas échappé. D’autres se bousculaient aux portes de l’innovation, agglutinés devant les performances toujours plus formidables de l’intelligence des machines, autour de la Porte de Versailles. Certains m’interrogent aussi sur ce qui nous sépare encore de la machine, d’autant plus que Yann Le Can, ce chercheur français au service de Meta, déclare dans la presse que l’on approche doucement mais surement de la reproduction d’une intelligence du niveau de celle des bipèdes qui ont envahi la planète.

L’art nous apprend-il quelque chose ?

Avant tout, posons là les principes de la réflexion philosophique : quel sens donnons nous aux mots ? L’art et le concept d’apprentissage. Tu le vois tout de suite, cher.e lecteur.trice, il y a de quoi faire.

Commençons par ce qui me semble le plus évident, en passionné de la pédagogie que je suis, l’idée d’apprendre. C’est ce qui fonde notre humanité et a fait de l’humain, au fil des dizaines de millénaires, une espèce « savante ». Nous avons appris. Nous avons transmis. D’abord à nos enfants, puis aux enfants des autres, pour garantir la survie de l’espère et son amélioration progressive. Plus tard, parce que nous croyons moins et nous savons plus, ce qui nous rend plus conciliant. Apprendre est un moteur de vie. Dès que je perds le goût d’apprendre, je plonge dans les limbes de la nostalgie ou de la dépression. Burn out. Nos étudiants ne mesurent pas assez le bonheur d’apprendre. D’autant moins désormais que les machines « apprenantes » portent ce doux message qu’elles apprennent tout plus vite et mieux que nous. Définitivement. Perdre son temps à apprendre des choses que la machine sait déjà aurait-il un sens aujourd’hui ? Que dire pour demain ?

J’aime apprendre. Des autres, de celles et ceux qui m’entourent, me rencontrent, sont différents de moi (autant dire tout le monde par définition de notre singularité). Tout le temp. Pas seulement quand j’étais à l’école, ni quand j’écoute une conférence ou me rends sur un salon sur fréquenté, mais partout. Apprendre est une règle de vie quotidienne. Etre moins bête aujourd’hui qu’hier. Alors, est-ce que l’intelligence artificielle mise à toutes les sauces peut avoir comme objectif de nous éviter d’apprendre. Ne te fatigue pas, demande à ton Chat. Et justement, mon Chat aurait eu la note acceptable de 11/20 mais pas terrible face au rendu du philosophe (Enthoven revendique le 20). Normal finalement ! Rappel pour les commentateurs énervés, avoir 11/20 en philo ferait les beaux jours de très nombreux candidats.

Mais reproduire, copier, ou tout ce qui s’en approche nous apprend-il quelque chose ? Dans les civilisations anciennes, les égyptiens par exemple, nous dit Jacques Attali, dans son livre sur l’histoire de l’éducation, apprendre consistait d’abord à imiter, à faire comme le maitre, et dans le cas probable d’un échec était sévèrement punis. Imitation, punition. Apprendre de nos jours, heureux, est, ou devrait être, un épanouissement. Aucune sanction ne devrait être nécessaire, puisque chaque fois que nous savons quelque chose, nous en sommes enrichis. La connaissance se partage mais ne diminue jamais. Ressource inépuisable de l’humanité, de notre planète, nous pourrions apprendre à l’infini. Mieux encore, cette connaissance augmente chaque jour un peu plus et un peu plus vite. Nous découvrons, nous prenons connaissance de nouvelles espèces animales ou végétales, de nouveaux horizons sous-marins ou de nouvelles planètes, nouvelles étoiles, de nouvelles idées de jeux, de nouveau styles, design, ou produits. Parcourir les allées de Vivatech est épuisant, tant il y aurait à apprendre de chaque stand, de chaque start-up, de toutes les innovations.

On nous promet de parler toutes les langues sans les apprendre, de piloter un genre d’hélicoptère personnel sans apprendre à voler, d’utiliser un robot pour tout ce que nous ne voulons plus faire ou ne savons plus faire. La machine le fera à notre place. Alors que nous restera-t-il ?

L’art !

Ce que nous sommes encore, dirait Marc. Oui. Il me semble que tout ce qui nous reste est dans l’incertitude. La connaissance au sens de ce que nous savons déjà, se trouve stockée sur les serveurs de ceux qui manipulent la data et, par conséquent, la connaissance générale. L’artiste leur échappe encore. L’artiste ose faire autre chose, et demeure capable, génialement, de surprendre. C’est d’ailleurs ce que nous souhaitons éviter de la machine : qu’elle nous réponde à côté. Nous exigeons d’elle qu’elle soit parfaite dans sa réponse, puisqu’elle n’est pas humaine. L’art, au contraire, ne répond pas à nos questions. L’art nous interpelle et nous pose question. La relation est inversée. Alors que nous essayons d’apprendre aux machines intelligentes à ne pas se tromper (voir comme nous sommes déçus lorsque cela se produit !), nous croyons que l’artiste qui ne surprend pas par l’impertinence de sa proposition, n’est pas vraiment un artiste et qu’il nous déçoit. Déjà vu ! Curieux paradoxe de notre cerveau humain. Nous apprenons par surprise, beaucoup plus joyeusement que par imitation.

L’art est ce que nous n’imaginons pas nous-même. Ce que nous nous pensons incapable de produire. Là où être un artiste n’est pas donné à tout le monde, connaitre la liste des rois de France, ou ne plus faire une seule faute d’orthographe, est à la portée de toutes les intelligences artificielles. Nous pourrions sans doute apprendre tout cela, mais quelle fatigue ! Quelle perte de temps ! Quelle pauvreté émotionnelle et intellectuelle, maintenant que gagner le prix de la meilleure rédaction reviendra qu’à celle ou celui qui aura proposé le meilleur prompt !

L’art ne s’apprend pas.

C’est ce qui le rend inaccessible pour le commun des mortels. Ce n’st pas faute de vouloir. Regardons un instant le marché des « loisirs créatifs », celui de l’écriture de romans personnels sans avenir, des expositions locales de tableaux de peinture sorties de la cave et soyons certains que chacun espère bien être considéré comme un artiste. Noblesse de l’art. Et pourtant si peu d’élus. dirait Matthieu, dans un sens de la formule qui n’envie rien aux créatifs de Buzzman.

L’art est une source de lumière. Infinie. Nous pourrions apprendre de l’art, et ne pas uniquement nous contenter d’être éblouis, touchés, ou dégoutés. L’art n’est pas seulement beau. Il est l’interprétation inattendu du monde dans lequel nous vivons. Il est une autre vision, une autre vérité. Suffisamment dissonante pour nous poser question. L’art est une émotion. Et c’est lorsque nous ressentons une émotion que nous apprenons. La surprise précède alors la joie. Est-ce que nous apprenons mieux du beau ? Je le crois mais n’en suis pas certain, d’autant que je ne dispose pas d’études académiques sur ce sujet. (Note pour le.la lecteur.trice qui n’est pas là pour me noter : Ah tu vois, là, je rationalise mon discours et tout de suite, cela t’ennuie…).

L’art devrait nous apprendre à être autrement. Nous apprendre à être quelqu’un d’autre, plus libre, plus épris de beauté, d’inattendu. Le voulons-nous. Finalement sommes-nous désireux de nous affranchir de la prétendue connaissance qui dore notre blason, pour partir nus de tout savoir en expédition artistique ? L’art n’est pas comparaison, il s’agit évidemment de découverte.

Christophe Colomb est un artiste. Air France une compagnie aérienne. De qui apprenons-nous davantage ? Si nous n’apprenons rien d’une œuvre peut-on en conclure qu’elle n’est pas artistique ?

La question s’applique-t-elle au marketing ?

Si l’on se focalise sur les « créateurs de contenu » qui on envahi la toile, sans réel palette de talent, ni même les pinceaux qui pourraient servir au grand barbouillage. Ou est l’art dans le marketing lorsque la plupart se contente d’imiter, de copier et de refaire ce qui se faisait déjà ? Question de départ : le marketing pourrait-il créer de la valeur ? Etre un artiste du marketing, est-ce encore possible dans ce monde fasciné par l’automatisation ? Automation entend-on partout. Or l’exclusivité est indispensable à toute relation émotionnelle, avec les clients. La marketing de masse est révolu. Pourrait-il laisser la place à un travail plus artistique au sens de la surprise personnalisée ?

Mais le marketer a-t-il envie d’apprendre ? D’apprendre à créer plut^t qui utiliser des outils qui lui permettent de mieux faire ou de faire davantage qu’avant ?

L’art est une intention. Apprendre aussi.

Vouloir l’un est sans doute vouloir l’autre.

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CEO Eforbrands Consultant / Speaker / Formateur / Auteur du Marketing Emotionnel Fondateur du Club du Marketing Emotionnel - Intervenant pour les MSc MBA Inseec Paris et l'ISCOM en marketing émotionnel, stratégies de fidélisation, relation client... Auteur des livres : Tout savoir sur Le Marketing Emotionnel aux Editions Kawa - nov 2013 La Fidélité, du chaos à la zone de confort aux Editions Kawa - Janv 2017 Marketing ZERO avec Philippe Guiheneuc, chez 1min30 publishing - juin 2021 Fondateur de Eforbrands et de LePartenariat Rédacteur du blog marketingemotionnel.com

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