Tu reviens de loin. Si comme moi tu as pris l’avion pendant 12 heures, tu te dis certainement que ton bilan carbone n’est pas excellent cet été. Mais la responsabilité du touriste se limite-t-elle à ses déplacements ? Est-on responsable parce qu’on a choisi d’arpenter les massifs pyrénéens en espérant apercevoir un quadrupède mangeur occasionnel de moutons et pourtant si charmant qu’on aimerait un faire un gros câlin ?
La question du tourisme, c’est avant tout la masse. Le nombre. Le volume. Des tonnes de gens qui se déversent au même endroit, pour y admirer la même chose, et l’envoyer illico sur leurs comptes sociaux, afin de signifier aux autres qu’ils y étaient. Les photos de vacances, cet instant où tout va bien, ce message envoyé qu’il y a de très jolis « place to be » là où nous sommes partis. Parce que si tout le monde se presse ici, le lieu en devient automatiquement une source de husiness local. Or dans les recommandations de GreenPeace tu liras qu’il faut favoriser l’économie locale. Et donc, tu seras ravi d’acheter un bibelot fabriqué artisanalement dans une usine chinoise, pour le rapporter à ta belle-mère. Tu seras également joyeux comme un singe, quand tu rouleras installé à l’arrière d’un tuk-tuk pétaradant dont ls gaz d’échappement te feront frissonner les narines. C’est tellement exotique ! Note bien que tu aurais pu faire le même trajet en véhicule électrique, mais ça c’est tout de suite mondialiste comme attitude.
Et puis un jour tu seras sur la plage. Presque tout seul. Si peu de gens sur une si grande plage, face à une mer si bleu émeraude, ça fait du bien. Oui mais pourquoi le jardinier de ton hôtel, ne ramasse-t-il pas chaque matin tout ce que la marée montante a déposé comme détritus plastifiés ? Et d’où viennent ces canettes, ces emballages plastiques de tout et n’importe quoi ? De l’ile d’en face ? Revenu chez moi en bord de Seine, je regarde l’employé municipal remplir son sac transparent avec tout ce qui a été jeté hier soir, par terre, à l’occasion d’un petit verre entre potes au coucher du soleil. Les mêmes gens, les mêmes effets. Inutile de prendre l’avion, ça commence près de chez toi.

Ce n’est pas le tourisme qui doit être responsable, c’est l’humain.
Evidemment quand des promoteurs achètent les meilleurs post d’un ile pour y construire de magnifiques resorts au tarifs prohibitifs, ou plutôt réservés à une élite peu encline à partager, ils interdisent la beauté du lieu à la plupart de ceux qui voyagent pour cela. Le luxe dans le tourisme est rarement responsable, si ce n’est pour nous inciter à conserver notre serviette de bain une journée de plus, ou pour nous proposer du café bio au petit déjeuner.
Plus loin de l’aéroport, il y a déjà moins de complexes hôteliers, les plages sont beaucoup moins fréquentées (pour l’instant). Alors on construit, on a construit beaucoup et puis tout à coup, l’offre dépasse la demande, et c’est la désolation. Plus rien n’est entretenu, des villas sont en ruine, la nature reprendra ses droits mais sera marquée par ce béton inutile et ses investissements hasardeux. La perspective du gain rapide a berné le vendeur de cartes postales et c’est trop tard pour effacer son nom sur la plage…
Alors, un jour je rencontre Benjamin, un canadien installé en Thaïlande, sur un marché dominical, qui harangue la foule en espérant promouvoir des actions positives en faveur de la responsabilité des touristes. Sensibilisation, engagement et envie de partager des convictions fortes, sont audibles dans un discours porté avec le sourire. Nous voilà plongés dans la discussion autour de la responsabilité des uns et des autres, convaincus ensemble que chaque geste compte. Pour le voyageur occidental, la Thaïlande est un pays où le plastique et les véhicules à moteur carboné sont omniprésents. Comment réduire la propension à tout emballer dans du plastique jetable ? Comment inciter à moins de déplacements polluants ? Comment inviter les touristes à prendre part à ce combat titanesque ?
Comme j’aime les gens engagés, je soutiens l’effort de Benjamin. Je prends 2 ou 3 photos et je lui promets de t’en parler. Car oui, nous sommes responsables, nous les touristes. L’organisation The One for Nature, éduque et incite à transformer le plastique en ressource, pour être enfin responsable. Nous devrions agir au lieu de simplement contempler, voire de piller. Mais comment communiquer pour faire changer les choses ? Quel message adresser à ceux et celles qui sont venus se faire plaisir, avant tout ?
Je me demande si le tourisme responsable ne débute pas chez toi, avant de partir. Parce que lorsque tu n’es pas chez toi, tu es nécessairement chez les autres. Or ce que tu ne voudrais pas voir advenir chez toi, tu devrais également l’exclure ailleurs. Le tourisme ne consiste pas à faire tout ce que tu ne fais pas d’habitude, dans un lieu lointain où, crois-tu naïvement, personne ne te regarde. Tout ce qui se passe à Las Vegas ne restera pas à Las Vegas ! Ta responsabilité, tu la trimbales avec toi, partout et toute ta vie.
La masse va-t-elle tuer le tourisme ? Allons-nous tous continuer à voyager pour finalement, avoir l’horrible sentiment d’entrer dans un parc d’attraction faussement exotique ?
Si tu me lis ici, tu connais mon goût pour le voyage. Si j’aime voyager, c’est d’abord pour la rencontre, et la recherche du beau. Il y a tellement à apprendre de ces belles personnes rencontrées là-bas. Il y a tellement mieux à faire que de se ruer tous ensemble au même endroit.
Le tourisme responsable est “un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil”, selon l’Organisation mondiale du tourisme


