Quand je me pose cette question, vous vous doutez déjà de la réponse… non ? Ok, je vous aide un peu ! ROI ou créativité ? Ah, là, ça devient plus clair…ou pas.
J’aime lorsqu’on me propose un défi à l’intelligence émotionnelle. On voudrait me faire croire que l’on peut opposer l’originalité à l’efficacité et que lorsque je prends une décision, lorsque je fais une recommandation, je pense d’abord à être l’un ou l’autre. Pourquoi pas !
En réalité, je ne suis jamais dans un état prédéfini. Mon obsession de l’imprévu, si j’ose écrire cela, m’empêche donc d’industrialiser toute pensée, de rationaliser toute démarche, bref, je n’aime pas être un processeur. Dans une conversation d’hier, je me suis laissé aller à cette confidence : je n’ai jamais recyclé la moindre idée. Absurde gaspillage, me répondrez-vous peut-être. Et surtout, manque d’efficacité, que je ne peux contester et que d’autres auraient beau jeu de railler sous le prétexte imparable que si une idée ne plait pas ici, il te restera toujours la possibilité de la présenter ailleurs. Certes !
Seulement, il m’est impossible, par nature, de considérer qu’un problème posé par une personne (au sens de l’individualité qu’elle est), puisse être perçu et traité de la même manière que ce même problème exprimé par une autre personne. Lorsque j’évoque comme impératif l’exclusivité, il faut que je vous avoue que j’en applique le principe dans chaque situation et en particulier pour mes clients. Rien n’est jamais égal par ailleurs, n’en déplaise à mes chers économistes avides de macro ! Tout est singularité et différence, pour ce qui me concerne. Ce que je pense aujourd’hui, n’est jamais ce à quoi j’ai pensé hier (en termes d’idée, de solution, de réflexion). Est-ce à dire que je suis original ?
L’originalité est un concept supérieur. Etre original n’est pas un objectif sauf pour les Narcisse en mal de reconnaissance, comme celle qui affirme ne pas vouloir être imitée, copiée par ses camarades… Etre original réside surtout dans la capacité à voir ce que les autres ne voient pas, comme l’explique, Schopenhauer, philosophe de la représentation :
« Le monde est ma représentation. — Cette proposition est une vérité pour tout être vivant et pensant, bien que, chez l’homme seul, elle arrive à se transformer en connaissance abstraite et réfléchie. Dès qu’il est capable de l’amener à cet état, on peut dire que l’esprit philosophique est né en lui. »
— Le Monde comme volonté et comme représentation – Arthur Schopenhauer – 1815
A partir du moment où je considère ce que je vois comme une représentation unique du monde, c’est ma Volonté qui prend le dessus sur la réalité, autrement dit sur ce qui semble être commun. J’en déduis (mais vous pouvez me contredire) que mon originalité n’est que l’expression de ma volonté. Si je commence à me demander ce que les autres en pensent, ce qu’ils voient tous ensemble, et que j’imagine une réponse comme étant dictée par la raison, je gagne en efficacité ce que je perds en originalité. Si tant est qu’être efficace serait induit par le plus grand nombre ; c-a-d l’acceptation (et ou l’application) d’une solution par un grand nombre de personnes.
Dans le monde des start-ups, comme dans celui des entreprises nées entre la toute fin du 20ème siècle (fin de l’ère industrielle) et nos jours, il me semble que la prime revient à l’originalité. Curieusement, les idées qui émergent sont le plus souvent celles portées par un(e) visionnaire (quelques fois deux ; extrêmement rarement plus de deux). D’Elon Musk à Michel & Augustin, les originaux sont des individualités fortes. C’est pourquoi leur vision n’a jamais été celle des autres. Comme Kandinsky, Munch ou d’autres artistes d’avant-garde, ils n’ont jamais cherché à être compris du plus grand nombre, au départ. Peut-on pour autant, mettre en cause leur efficacité ? Aurait-on dit à ces gens innovants qu’ils étaient « fous », ou pourrait-on soutenir aujourd’hui qu’ils n’étaient pas raisonnables ?
Etre efficace est raisonnable. Aucun doute là-dessus. Etre original ne l’est pas, sauf à vouloir créer la différence… Une différence volontaire et assumée ! D’ailleurs, on oublie trop souvent que si A entraine B, non A n’entraine pas forcément non B… Ah ! (dirait le poète japonais) !
Ce qui débouche sur l’interrogation pour le monde du marketing : ne pas être original, peut-il être raisonnable ? Lorsque vous devrez être remarquable souvenez-vous que, pour Schopenhauer, « l’application de la raison à l’art ne revient, le plus souvent, qu’à plaquer des généralités sur un domaine fait de nuances innombrables. »
Merci Arthur !
Très bon article de qualité.
Vivement recommandé.
Félicitations !