Tu rentres dans la boutique Lacoste avec l’envie d’une chemise avec un crocodile dessus, parce que tu les as usées celles-là. Alors, tiens pendant l’heure du déjeuner pourquoi ne pas profiter des soldes… Ah non, pas toi !?… ben si !

Il y en a eu des chemises dans ta vie.

Je me demande comment on peut s’attacher à une chemise, plus qu’à une autre. Est-ce une histoire dans nos têtes qui la distingue, en y accrochant des bribes de dialogue, des regards furtifs, des sourires polis ? Est-ce parce qu’elle nous donner le sentiment d’avoir plu, un soir d’apéro chez des amis, d’avoir troublé, une fois enlevée dans la pénombre ? Est-elle la sobre représentation d’une apparence professionnelle qu’on voudrait sans tâche ?

Choisir un vêtement dans un dressing, est une projection dans la journée qui s’ouvre ou la soirée qui se propose. L’une ou l’autre s’aborde avec un peu de confiance, un instant d’éclat dans le miroir ou de modestie dans la démarche. Ni vraiment rassuré, ni pour autant gêné. Le col, les boutons, le tissu encore frais.

Et ce crocodile alors, il signifie quoi pour toi ?

Tu veux que je te dise ? Le tennis, le sport, le passé, le défi, les morsures de l’âme, la beauté de la nature, la marque. C’est dans ta tête que ça se passe. Tu imagines ce que tu veux, lorsque tu associes l’emblème d’un mousquetaire de légende, à la personne qui le porte sur sa chemise, près du corps et près du coeur. Une belle énergie dirait Denery. Ce que nous imaginons de l’être tient parfois à des détails, à des signaux interprétés selon nos propres désir et sensibilité. J’aime les marques qui font sens. J’aime aussi les belles histoires. Alors, j’en profite pour te demander pourquoi, dans les films, les femmes portent la chemise de l’homme avec qui elles ont passé la nuit, le lendemain matin, comme ça, avec une nonchalance qui fait rêver… Fantasme ?

Et tu as des souvenirs précis pour chaque chemise que tu portes ?

Tu crois ? Je n’en suis pas certain. Après tout, chaque jour est une nouvelle histoire, et une chemise différente. Jusqu’au moment où tu réalises que beaucoup se répètent, se ressemblent dans ta vie. Tu prends le même métro, montes les mêmes escaliers, croises les mêmes personnes à la terrasse des mêmes restaurants au déjeuner, parles aux mêmes clients pendant des mois, regardes les mêmes séries le soirée et t’endors du même côté du lit. Similarités. Alors comment faire la différence ? C’est une question obsédante du marketing. Toujours créer la différence, toujours être remarquable.

Un jour on a découvert dans l’algorithme, qu’il suffirait de quelques datas pour deviner quelle sera la couleur de ma prochaine chemise achetée. Ce jour là, les histoires seront-elles déjà écrites ?

Si les histoires étaient écrites à l’avance, que resterait-il de la vie ?

Je ne donnerai pas ma chemise pour le savoir. Ni pour une bière d’ailleurs. A propos, quelle chemise mettras-tu le dernier jour ?

Si nous nous souvenons des belles histoires, celles que nous avons aimées, nous y associons le plus souvent un objet, une chemise aussi, parfois.

Je n’ai pas acheté de chemise Lacoste aujourd’hui. Pas ma taille. Peut-être pas le style que j’imaginais me séduire. Faut-il parler de séduction lorsque l’histoire n’a pas encore de début ? Toutes les histoires que j’ai aimées ont une fin.

Fin.

PS : si je devais te parler d’expérience client, je te dirais que rien dans l’attitude des gens de cette boutique ne m’a vraiment retenu, ni semblé de nature à créer le désir d’acheter quelque chose… Aucune histoire à te raconter…