Lire Courrier International et son dossier sur l’économie du partage est une souffrance ! Oui carrément une douleur au moins aussi vive qu’une entorse de la cheville ou qu’une piqûre d’abeille ! Pourquoi ?
Certains admettent enfin, et avouent du même coup leur manque de vision, que les gens sont prêts à faire confiance à des inconnus pour monter dans leur voiture, louer leur chambre ou encore partager leur dîner, leur terrasse, leur tondeuse… Est-ce tellement difficile ? Admettre que l’humain a besoin de faire confiance à ceux qui l’entourent comme à ceux qu’il ne connaît pas encore semble impossible pour tous les théoriciens de l’économie, tous les journalistes intelligents qui décryptent pour nous le monde dans lequel ils ne vivent pas (visiblement). Et pourtant !
Avant même d’avoir des besoins matériels, chers défenseurs de la rationalité du consommateur, nous avons un besoin encore plus primaire : celui d’être connecté aux autres, un besoin social. Pour reprendre ici la citation de Mère Teresa qui conlut fort bien « Social » (livre indispensable de Matthew Lieberman) : « Life without other people is the worst desease that any human being can ever experience ». Sans l’autre, à commencer par notre mère, nous ne serions rien, et c’est précisément pour cette raison que notre cerveau est social.
Ainsi nous devons absolument faire confiance aux autres. Nous devons aussi apprendre à qui faire confiance. Il se trouve qu’un siècle de capitalisme libéré a fini par convaincre les consommateurs que les marques ne méritent généralement pas leur confiance et surtout que les messages publicitaires sont là pour tromper leur intelligence sociale. L’émergence de l’économie du partage, n’est qu’une révolte du client contre ceux qui tentent d’abuser de sa confiance ! Réjouissons-nous de ce que certains entrepreneurs aient changé de vision et pense d’abord à leurs clients comme à des amis, des voisins, des semblables.
Certes, on peut « se faire un peu d’argent » en louant son appartement ou en prêtant sa voiture (ce qui serait le résultat de la crise économique – une explication bien plus rationnelle ?), mais finalement n’est-ce pas avant tout se rendre mutuellement service ? N’est-ce pas un retour au bon sens que de partager ce que l’on a avec les autres ? Pour ceux qui pensent d’abord à ce que ça leur rapporte, en bon radin égoïste, j’ai également une bonne nouvelle : la récompense sociale a été mesurée comme très largement supérieure à un petit bonus en euros ou en dollars !
Oui ! Aussi incroyable que cela puisse vous paraître, se sentir bien socialement vaut très cher. Bien plus qu’une augmentation de salaire, bien davantage qu’une nouvelle voiture, être aimé et respecté, être intégré à une communauté délivre à notre cerveau sa dose de dopamine qui non seulement fait naître un sentiment de bonheur, mais nous rend meilleur (et améliore nos performances y compris intellectuelles). Voilà pourquoi nous sommes et resterons sociaux ! Notre survie en tant qu’espèce en dépend. Faut-il vous dire que la survie de la planète en dépend aussi ?…
Pour répondre à Christophe, sur le sujet de l’impression d’ingratitude exprimée par les consommateurs (cf l’étude ici), je terminerai en rappelant que la fidélité est évidemment sociale. Croire que l’on pourrait fidéliser avec des bons de réductions est une absurdité largement répandue, hélas !… La seule récompense qui pourrait nous rendre fidèle est sociale. C’est d’ailleurs celle qui vaut que nous accordions notre confiance aux autres.
Petite précision : les visuels sont de couchsurfing : une communauté de 7 millions de personnes qui accueillent des voyageurs (ou visiteurs) chez eux sans contrepartie financière, seul un repas doit être préparé par le visiteur.