Je n’avais pas réalisé que c’était un concept innovant, jusqu’à ce que l’une de mes interviewés me fasse la remarque judicieuse : « quand on lit le texte, on n’a pas forcément le souvenir d’avoir dit ça – c’est plutôt votre interprétation que vous mettez dans nos réponses.. » Ah !
Aussi, je dois vous prévenir (après coup certes, mais pouvais-je le faire avant ?) que mes interviews sont la retranscription artisanale de ce que les gens me disent lorsque j’ai une conversation en face à face avec eux ! Et je dois aussi vous prévenir, vous que j’aime rencontrer et écouter pour apprendre, que vos mots seront ‘traduits’ par ma plume. Cela changerait-il le sens de vos propos et de nos échanges ? Je ne le crois pas… Ecouter c’est déjà aimer ce que l’on va entendre…
Finalement, toute interview devrait être émotionnelle ! Il s’agit de bien écouter ce que l’autre dit, et de l’enregistrer avec son cerveau et non pas à l’aide d’un quelconque outil très nettement plus fiable quant à l’exactitude des mots mais tellement pauvre lorsqu’il s’agit de comprendre le contexte émotionnel du langage employé. Ainsi je ne prends que rarement des notes, je n’ai recours à aucun enregistreur, et je m’en remets donc à ma mémoire émotionnelle (en existe-t-il une autre ?). C’est sans doute plus exigeant, au sens où je me mets dans l’obligation de porter une attention extrême à la communication verbale ou non, de la personne qui me parle.
C’est aussi moins strict et moins rigide ! Et c’est tant mieux non ? C’est en tout cas la seule manière de faire dire ce que l’autre a envie de dire et non ce que j’ai envie d’entendre… C’est la différence entre l’interview qui confirme ce que pense l’intervieweur et le partage d’un ressenti qui nous aura permis de nous rapprocher. C’est de l’affectif ! Le romantisme de mes souvenirs plutôt que le réalisme de vos déclarations…
Ainsi parfois, ce que je perçois n’est pas tout à fait politiquement correct ou lisse comme un communiqué de presse régurgité par le journaliste prudent mais paresseux. Si cela vous semble léger, c’est en tout cas authentique, et respectueux de la sincérité des échanges. C’est le plus souvent un témoignage admiratif de ce que les projets exposés sont novateurs ou créateurs de valeur. C’est ce qui me donne envie de partager cet enthousiasme avec mes lecteurs ! Sans cette part d’émotion, je ne crois pas que les conversations seraient les mêmes, ni d’ailleurs qu’elles seraient lues…
L’interview émotionnelle autorise autre chose qu’un exposé, qu’une présentation ou encore qu’un discours de marque. Elle est humaine et imprévisible ! Et pour tout vous dire, je ne prépare jamais les questions ! Comment voudriez-vous que j’en connaisse les réponses ?
Pourquoi voudriez-vous lire dans mes interviews ce que vous pensez avoir dit (plusieurs fois et à tous) au lieu d’y découvrir ce que j’en ai pensé (et que vous n’aviez pas imaginé) ?…
Très intéressant, cependant comment faire une interview sans préparer les questions ?
En arrivant l’esprit ouvert et concentré sur l’autre… en conservant l’envie d’apprendre et d’être surpris, sans chercher à confirmer ce que l’on croyait savoir de l’autre avant la rencontre…