Rogue One sera-t-il un échec à la hauteur du précédent épisode de la saga Star Wars ? Evidemment, nous les fans, nous espérons bien que non ! Quant à ceux qui comme E. Leclerc ont misé gros sur leur partenariat pour la sortie du film, ils comptent sur de belles retombées et on peut les comprendre…
Au passage (en caisse), on vous remettra des jetons à collectionner et vous pourrez gagner un voyage à Shanghai (ben tu comprends pour l’instant, partir sur l’étoile noire c’est encore un peu compliqué…) ! Quelle force et quel super pouvoir ont-ils été déployés pour aboutir à ces mécanismes promotionnels ?.. bref !
On peut, en revanche, trouver plutôt habile la production des films mettant en scène un client « habité » par la force et son parcours en magasin – une mini saga qui claque !
Mais mon message du dimanche est-il à destination de ceux qui planchent sur des idées de partenariat ? Faut-il voir un quelconque lien entre les valeurs de l’enseigne la plus populaire en France et le combat contre l’empire ? L’engagement de Michel-Edouard est-il comparable avec celui d’un Jedi ? Pour aussi sympathiques que soient les personnels des magasins dans la série de films, je ne suis pas certain qu’il y ait cet esprit de rébellion chez E.Leclerc.
Et d’abord rébellion contre qui ou contre quoi ?
J’ai l’impression que l’impertinence n’est pas la rébellion. Pas plus que la morale ne serait à confondre avec l’éthique. Nous évoquions ce sujet brûlant lors d’une discussion sur le partenariat entre les marques, et il est apparu à tous que l’alignement sur les valeurs de marque n’était pas toujours respecté. Alors faut-il juger de l’éthique d’une marque sur chacune de ses actions, ou bien considérer une période de temps plus longue afin d’effacer les quelques encoches épisodiques au bénéfice d’une ligne globalement respectée.
Si nous revenons au cas des centres E.Leclerc, on ne pourra contester que le combat pour le prix est une valeur de fond de commerce. Est-ce un combat éthique pour autant ? Devient-on un héros du 21ème siècle en défendant le pouvoir d’achat comme il y a 40 ans ? La constance est-elle nécessairement symbole de l’éthique ? A quel moment dire la même chose qu’à sa naissance serait un signal de progrès ?
Je ne conteste pas qu’il soit obligatoire de ne pas changer de discours toutes les 6 semaines, comme semble nous le proposer Renault qui passe du rugby au handball (sans oublier le foot) selon le calendrier sportif, tout en mixant Bob Sinclair avec House of Cards. Mais pourquoi ne pas évoluer dans son engagement tout en conservant certaines valeurs fondatrices de la marque ou l’entreprise ? Etre un rebelle, c’est certainement s’inscrire en contre-pouvoir, dans une forme de contre-culture (que sons d’ailleurs les Jedi). Autant, je peux accepter l’idée qu’Apple soit encore considérée comme une marque rebelle (c’était son message face à la super puissance d’IBM en 1984 – un film référence à l’œuvre littéraire, dénonçant Big Brother), autant j’ai un peu plus de mal avec E.Leclerc.
Etre un rebelle, c’est aussi être éthique, par ailleurs. Martin Luther King, Gandhi, Nelson Mandela, sont parmi les plus grands rebelles du 20ème siècle. On peut sans difficulté affirmer que leur éthique a toujours été irréprochable, les conduisant au bout de leur route et inspirant l’ensemble de leur peuple puis du monde. Il y a pourtant eu des changements de discours, voire de méthode, au cours de leur engagement, de leur vie. On leur a reproché le moindre écart, la moindre entorse (y compris dans leur vie privée). Pourquoi ?
Parce que lorsque vous affirmez votre rébellion contre la pensée « main stream », contre le pouvoir en place, ou votre concurrent largement bardé de décorations et de prix, vous osez dire votre indépendance et votre liberté. Alors si jamais votre vision devenait une inspiration, si toutefois votre innovation trouvait sa place sur un marché inconnu, les tenants de l’opinion majoritaire, vous feraient bien vite remarquer que vous n’avez pas cette légitimité qui calme les jaloux.
Finalement, je pense qu’être éthique, c’est d’abord se détacher de la pression sociale et ne pas se déterminer dans ses actions en fonction de ce que pourraient en penser les autres. Il ne s’agit pas d’ignorer leurs réactions, ou leur opinion, ni même la morale usuelle. Il est question d’intégrité vis-à-vis de soi. Alors quand je déclare que j’aime l’impertinence, que j’en use (et parfois en abuse), c’est parce que je l’ai toujours été, et que la remise en question de ce que je sais comme de ce que je suis, est une voie libre vers la connaissance.
Si le succès n’accompagne pas si souvent le rebelle, cela n’enlève rien à la passion qui l’anime et qui nous le rend admirable. Nous avons perdu ce sens de la révolte que d’aucun qualifiait de romantique. Votre marketing pourrait-il rejoindre la rébellion ?
Il nous reste un espoir…