« I never really understood my own creative process until I started teaching. I also didn’t know how much I knew. » déclare George Blacklock professeur du Chelsea College of Arts dans le livre « To fast to think » de Chris Lewis. Cette réflexion suivie de plusieurs autres inspirations autour du rôle des professeurs dans le développement de la créativité des jeunes gens, me renvoie à mon cours de vendredi.
Alors je demande, après avoir passé 2 heures à analyser la campagne Leclerc / Star Wars, au sujet de rébellion, que pourriez-vous proposer d’autre pour une campagne en 2017 ? J’ai aussi cité le discours passionné de Seth Godin sur l’importance de considérer son métier comme le ferait un artiste, donc en tentant des actions qui pourraient échouer. J’ai prévenu, en quelque sorte, qu’il fallait oser, proposer, réfléchir à voix haute, se détacher du jugement hâtif de la salle (ou même du prof). Rien n’a été suffisant pour éviter les idées qui n’en sont pas ! La première piste fut d’associer l’enseigne avec un autre gros film, comme, pourquoi pas, le nouveau Avatar qui sortira fin 2017. Interdit ai-je annoncé froidement ! Pas de cinéma cette fois, il vous faudra trouver un autre terrain de jeu !
Ah ! Je sais bien que le problème n’est guère nouveau. Nous manquons de créativité, et particulièrement en situation de groupe, de réflexion collective. Pourquoi ?
Une des analyses proposées par George, repose sur notre volonté de « finir le travail ». La force de l’artiste, au contraire, est de se décider à ne pas « terminer » son oeuvre. Il y a chez lui, un instant de doute, un moment d’interrogation, qui correspondent exactement avec ce qu’il avait en lui, ce qu’il révèle dans son travail, sans pour autant juger le résultat. En quelque sorte, l’œuvre d’un artiste est à eu près toujours inachevée. Il ose, parce qu’il a confiance en son art, nous présenter ce que nous aurions certainement voulu améliorer, affiner, continuer, et à la fin censurer faute d’en être parfaitement satisfait.
Ce lâcher-prise intellectuel est exigeant. Il demande une confiance en soi importante, suffisante pour s’émanciper du jugement des autres. Après tout, l’œuvre d’art n’est que l’interprétation que chacun en fera.
Aussi lorsque j’imagine une nouvelle action marketing, au lieu de me précipiter pour une copie plus ou moins fidèle de ce que je sais avoir déjà été fait, puis-je me libérer de cette recherche de finition et autoriser mon imaginaire à dire n’importe quoi ? Nous avons tous arrêté de dessiner, lorsque nous avons eu l’âge de ne plus dessiner ce qui ne ressemble à rien. Or c’est justement ce qui ne ressemble à rien que nous appelons créativité !
Si nous devions montrer nos dessins d’adultes, nous en aurions honte. Il se passe exactement la même chose dans la tête de mes étudiants, qui face au « professeur », n’osent pas sortir quoi que ce soit, qui ne saurait être accepté par la communauté qui les regarde et attend d’eux un minimum de sérieux et de rationalité. Du coup, on en restera à Miss France et au calendrier de l’avent !…
Vivement 2017 !