Un soir à Paris, je rentre dans une petite boutique du Marais attiré par une accroche en vitrine : certifié par la NASA et « bullet proof » ! Oui, me répond immédiatement Maxime, le Brand Director, « nos produits sont conçus pour protéger les gens ; et cette protection est aussi bien contre le froid, jusqu’à -15 degrés, qu’à l’épreuve des balles selon les options que le client choisira. »
Ah !? Des vestes ou des blousons, ne sont pas des objets de mode mais des vêtements de protection. Il fallait y penser ! Ou comment le retour à la source, permet de valoriser le vêtement pour ce qu’il remplit comme mission prioritaire : protéger son propriétaire. Les technologies qui permettent des performances remarquables doivent-elles alors être représentées par la marque ? Evidemment les détenteurs de brevet, la NASA et les autres, apportent une réelle garantie de sérieux et de qualité à Inventive Citi. Les prix annoncés sont malgré tout abordables, en regard du service attendu, et c’est essentiel.
Mais alors pourquoi, remarquais-je après quelques minutes de découverte, aucun logo ne figure-t-il sur la manche ou la poche haute des vestes présentées ? « Parce que nous ne sommes pas une marque fashion », me répondra Maxime, tout en me précisant qu’il y a une réflexion en cours sur le marketing de l’entreprise. Le No Logo comme stratégie, me plonge dans l’interrogation et les souvenirs de lecture engagée, lorsque je ressors de la boutique pour aller dîner un peu plus loin…
Est-ce qu’un logo sur ma « doudoune » a une signification sociale et culturelle ? Doit-on l’afficher fièrement pour que les autres sachent dans quel monde j’évolue, quelles sont mes valeurs et combien je suis prêt à payer pour qu’ils le sachent ? C’est à l’évidence, une stratégie marketing courante, qui permet de construire son positionnement de marque et dans le même temps de rassembler sa communauté. Mais l’absence de marque est-elle une alternative stratégique pertinente ?
Analyse :
Si je ne vois pas une marque sur une veste, qui semble pourtant présenté toutes les qualités de fabrication de bon niveau, voire d’excellence, ne vais-je pas être suffisamment intrigué pour chercher à savoir pourquoi ? L’attirance par l’absence de la marque est-elle réelle ? Et ce non marquage publicitaire du produit n’est-il pas un message envoyé aux autres, signifiant que pour une fois ils ne « paieront » pas la marque ?
Et si finalement vous jouiez ce jeu ? Accepter qu’on vous demande « mais c’est quelle marque ta veste ? », est-ce possible ? Cela créerait une recommandation nettement plus forte que le simple logo distinctif qui semble devenu banal. Oui je sais, tout le monde ne porte pas une Canada Goose, ni une Fusalp… Encore que cela n’a pas plus d’impact que cela, lorsque j’en croise une dans un cocktail ou dans le métro…
Le sujet mérite la discussion et j’ouvre ici le débat : Inventive Citi (qui me semble être une vraie marque, avec des engagements forts) doit-elle s’afficher ? Ou au contraire, doit-elle jouer sur le mode mineur, la culture underground et compter sur la curiosité naturelle des humains pour être découverte uniquement par ceux qui auront d’abord compris ce qu’elle peut leur apporter ?
Voilà, cher Maxime, un vrai dilemme dont je ne doute pas que l’aspect business à développer soit une variable importante. Mais le choix des valeurs et de la mission de la marque peuvent aussi conduire à une stratégie totalement en rupture avec le marché. Et si ne pas « être à la mode » est un choix assumé, alors gardons les vestes vierges de toute signature !…
L’émotion n’est pas une marque.
PS : No Logo est un livre majeur écrit par Naomi Klein en 2000.