Tous ces stands qui se serrent les uns contre les autres et qui voudraient m’expliquer le Big Data et la data science, c’est trop ! Certes, je suis venu pour être surpris par ma non connaissance du sujet, mais tout de même ! Et puis, oui vous pouvez me renseignez, et c’est heureux, car sinon pourquoi auriez-vous dépenser ce budget, ou pourquoi me parlez-vous ?
Mais il y a toujours des rencontres inattendues, y compris dans cet univers prédictif et analytique. Je m’émerveille de la fascinante absence de diversité dans ce monde, lorsque dans le virage de retour, mon oeil fantasque s’arrête, tel un bon chien de chasse, sur un message court et émotionnel : Positive Thinking Company. J’ai bien fait de venir ! je demande aux deux charmantes personnes ce que ce « mindset » signifie et quelle est donc cette entreprise qui pense positivement. La première réponse n’est pas d’une limpidité minérale, mais je persiste et l’on me présente très rapidement un « expert » qui va m’expliquer ce que « neurochain » et « positive thinking » peuvent apporter au Big Data… #oupas (à propos de ce hashtag que d’autres utilisent désormais pour me tagger dans leurs conversations, je tiens à vous informer qu’un monsieur très sérieux m’a assuré que le mot pouvait être interprété par un algorithme intelligent comme une marque d’impertinence, voire d’humour… oui, je sais, cela vous laisse rêveur, vous aussi…).
Bref ! Entrée en scène de mon nouvel ami, Frédéric, qui va faire preuve d’une belle patience et d’une formidable bienveillance pour me donner les clés de la compréhension de son projet. La « neurochain » ou l’intelligence collective va permettre aux entreprises de réconcilier toutes les données de leur écosystème, y compris avec le monde extérieur (celui des clients et des réseaux sociaux par exemple). Sur le mode de la confiance, de l’absence d’autorité et du bon vouloir des uns et des autres, nous aurions ainsi un accès à l’ensemble des informations qui émanent de l’activité de l’entreprise. Pourquoi pas ?
Mais malgré tous mes efforts, je reste perplexe sur le lien que je pourrais établir entre ce kakémono « neurochain » et le reste du stand. Comment vous dire que ce manque de cohérence, d’alignement entre les discours, crée un dissonance rédhibitoire qui m’interdit la compréhension de la valeur pourtant indispensable à ce stade de l’histoire. Si je ne comprends pas, c’est que ce projet « neurochain » est à part et simplement porté par la Positive Thinking Company, dont l’objet est précisément de réunir des start-ups ou des projets innovants en conservant leur ADN tout en les incluant dans le « mindset positif » fièrement revendiqué. Ok ? Mais pourquoi est-ce que l’histoire racontée par l’entité englobante n’est-elle pas audible au niveau de chaque projet (ni dans le discours ni même dans la communication) ?
Frédéric me déclare avec malice que si les gens ne comprennent pas son sujet, c’est plutôt une bonne chose puisqu’il n’aura dans ce cas à parler qu’aux seuls connaisseurs et potentiels clients. Certes, il n’est pas idiot de filtrer les visiteurs sur un stand de salon, de manière à s’éviter les passants curieux, qui comme moi, prennent du temps mais ne rapportent aucun budget. La limite de ce filtrage réside dans l’impossibilité pour l’exposant de prédire quel est mon pouvoir de recommandation ou même de communication. Comment pourrait-il imaginer que je vais en faire un article de blog ? Ou bien que je pourrais le présenter à mon ami Xavier, organisateur des Sommets du Digital, ou encore, que je pourrais le recommander à quelque marketer en recherche de solutions pertinentes autour du Big Data ?
Parce qu’il était imprévisible de me rencontrer sur ce salon, parce que rien ne laisse entrevoir que je peux parler de Big Data dans mes cercles d’influence lorsque je porte un badge marketing émotionnel, doit-on en conclure que je n’ai pas besoin de comprendre ?
En ce qui me concerne, je crois que 80 à 90% des clients de toute entreprise, ne sont pas des « experts » ni même des techniciens du sujet, du produit proposé. Ils sont majoritairement comme moi : ils n’y connaissent pas grand chose. Et ce serait peut-être justement pour cette raison qu’ils s’adressent à des experts, qui devraient éviter de leur tenir un discours incohérent. Ne croyez-vous pas ?
Heureusement, ma conversation avec Frédéric est très agréable, et sa curiosité aidant, nous abordons cette ambiguïté. Il est très ouvert à la discussion et comprend que ce défaut d’alignement peut interloquer le visiteur, le privant en conséquence de certains contacts. Je suis à son écoute et je tente de le suivre dans sa démonstration vulgarisée de l’intérêt de la « neurochain ». Il y a moyen de rapprocher nos visions et c’est ce que l’humain bienveillant à la faculté de mettre en oeuvre. A plusieurs l’humain est toujours plus intelligent ! Ouf ! N’en déplaise aux intelligence artificielles, la connexion émotionnelle entre humains reste essentielle.
Il n’est pas exclu que nous soyons tous les deux dans le même écosystème !… #oupas