Quand tu te promènes dans les souks à Marrakech (mais ailleurs aussi), tu vis des expériences riches en émotion. Pas seulement parce que les couleurs, les odeurs, les bruits, et même les regards des marchands comme des passants sont troublants, mais aussi parce qu’il y a toujours un moment où tu cèdes à la tentation.
A parcourir des yeux et des pieds ce dédale infini d’échoppes et à répondre aux invitations d’un sourire ou d’une boutade, tu prends plaisir à jouer avec tes propres envies. Avouons-le, c’est autre chose qu’un tour le samedi dans un centre commercial, fut-il un parc d’attraction dans l’esprit !
Alors survient ce moment où tu écoutes une voix te guider vers un endroit inconnu et mystérieux, cette terrasse qui offrira une vue sur les teinturiers, ou bien celle de ce jeune garçon qui voudrait t’indiquer un meilleur chemin pour rejoindre le musée de la photographie. Il n’y a pas plus de malice ni de bienveillance dans l’une ou l’autre et tu n’as pas prévu de visite de ces endroits parce que tu prends ton temps et que tu connais déjà certains trésors de ce labyrinthe ocre. Et pourtant ! Pourtant, tu vas bientôt suivre celle qui t’intrigue ou t’inspire le plus et qui a su ouvrir cet imaginaire dans ta tête de promeneur.
Te voilà projeté dans l’expérience d’un parcours d’achat inattendu ! Tu grimpes quelques marches pour le point de vue que tu ne manqueras pas de fixer dans ton objectif, puis tu redescends pour mieux voir, être plus près des couleurs qui s’échauffent au soleil, plonger dans cette ruelle cachée du flot continuel des touristes. C’est précisément là, qu’ils t’attendaient, tranquillement, sans aucune hâte mais non sans espoir.
La magie du parcours que ces deux vendeurs très gentils et attentionnés vont te proposer, t’emmène presque sans aucun doute possible vers un achat. Tant de gentillesse et d’explications sur le métier, les différents matériaux et techniques employés, les qualités qui correspondent à des usages multiples et respectueux de la vie des gens, toute cette attention, tout ce temps pris pour discuter avec toi, vont finir de te donner confiance et d’attiser ta curiosité. Car tout n’est pas révélé, et rien n’est trop technique pour que jamais tu ne saches, ni te perdes dans la conversation. Le magicien du souk sait parfaitement te balader sans brusquerie et sans perdre le rythme. Tu l’écoutes et tu lui réponds en t’amusant, en jouant avec ta capacité à en rire, à rester dans ce détachement face à un enjeu pourtant commercial.
Plus tard, lorsque viendra l’heure de la négociation du prix pour ce plaid qu’il te plaira de lui acheter non parce que l’objet est indispensable mais parce que tu l’imagines comme la meilleure des récompenses, tu n’oseras pas être agressif ou même dur dans tes enchères. Tu respectes le marchand parce qu’il a aimé ce moment avec toi. Tu reconnais qu’il est sympathique et compétent. Tu voudrais lui montrer que ta générosité n’a d’égale que sa bonne humeur. Tu le payes avec le sourire et tu repars dans la foule agitée.
Naturellement, tu te demandes ce qui t’a pris ? Pourquoi cet achat, pourquoi avoir accepté ce prix finalement pas si bon marché ? Et surtout, cette sensation d’avoir fait le bonheur d’un marchand ne doit pas être altérée par une analyse rationnelle de ce non besoin absolu et de l’absence de transparence dans le prix. Il ne reste qu’une émotion !
Une belle émotion qui crée un très beau souvenir, que dès ton retour dans le monde gris d’où tu es venu, tu associeras à ce plaid pour qu’il réchauffe tes soirées. C’est sans doute parce que tu aimes les gens, que tu vis de telles rencontres. C’est évidemment parce qu’ils t’aiment aussi que tu as envie de partager tes expériences avec eux.
Le marchand qui aime les gens ne manquera pas de clients, ni de remerciements.
Rendez-vous sur la terrasse pour prendre le temps d’aimer la vie…