La discussion est passionnante ! La norme est pour l’entreprise une réelle opportunité de progrès et sans doute ne le dit-on pas suffisamment, ainsi que Fatma Bensalem me le confiait hier en aparté d’une réunion consacrée à l’innovation en matière d’expérience client. Car avant de se plonger dans le coeur de la réflexion, il me parait indispensable de rappeler que les normes de qualité ont une visée d’excellence dans les pratiques, les attentes aussi bien à ‘l’interne (pour les collaborateurs) qu’en direction du public (les clients et utilisateurs de services et de produits).
Nous sommes sans cesse dans la comparaison entre ce qui est « normal » et ce qui ne le serait pas. Nous avons construit nos vies sur ce concept de normalité, autrement dénommé dans le contexte républicain par l’intégration. Et ce paradoxe de l’humain du 21ème siècle qui vit ses expériences de consommation à l’identique de ses expériences sociales, est justement de passer constamment d’un désir de singularité, d’unicité (je suis moi et personne d’autre) au besoin d’appartenance, cher au marketer, qui l’incline à suivre la tendance, la mode et les influenceurs en tout genre. La tentation d’affirmer sa différence et dans le même temps, d’être accepté par une communauté, relève de la schizophrénie comportementale dans un monde où le contrôle de l’image de soi (le selfie) grignote sans cesse la bienveillance originelle de l’Homme.
Alors pourquoi une norme dans l’expérience client ? et comment l’imaginer, la mettre en oeuvre ?
Les débats de la commission de l’AFNOR sont en cours et je ne saurais vous en dévoiler la teneur ici. En revanche, j’ai quelques amis qui élaborent des stratégies, prodiguent des conseils et imaginent des parcours ou des expériences clients optimisées, et j’ai l’envie de les challenger : est-ce simplement possible ?
Je ne suis pas un farouche partisan de la normalité. J’aime trop l’impertinence et l’inattendu pour cela. Je crois que l’excellence d’un Apple Store, pour reprendre cet exemple, tient à quelques principes d’une évidence sans doute trop voyante pour être comprise : là où sont les humains, là où on leur apprend quelque chose, d’autres humains souhaitent les rejoindre. Plus l’on met de personnes à la disposition, au service bienveillant de ceux qui voudraient leur poser des questions et obtenir des réponses, et plus les gens viennent dans ces boutiques. Evidemment, ils peuvent aussi jouer avec les smartphones ou les ordinateurs exposés ! Ceux qui interdisent l’usage du matériel exposé, l’essai, la démonstration, sont tout bonnement des grands malades !
Voici une clé de normalisation : n’importe quel magasin devrait me proposer une expérience qui m’apprend quelque chose et qui me permet de jouer (de tester, d’essayer pour voir, pour ressentir, pour évaluer). Bien sur que j’aime me vautrer dans un canapé ou sur un matelas chez un marchand de meubles ! Tout comme je devrais pouvoir goûter un dessert ou un vin dans un restaurant ; et pourquoi pas tester mon kayak en conditions réelles avec un moniteur pour m’en expliquer les finesses de maniement (comme chez…) !
Toute marque est une expérience et l’intensité des émotions que nous ressentons en la vivant, en la consommant, détermine notre future préférence et notre envie de recommencer. La fidélité du client dépendant de ces deux ressentis précieux.
La norme de l’expérience client doit sans doute intégrer une mesure de ces ressentis souvent non exprimés. Il ne s’agit plus de quémander une note de satisfaction globale, suite à l’achat d’un produit ou d’un service, mais davantage de prendre en compte les ressentis émotionnels du client. Je crois qu’une des erreurs des responsables de l’expérience client réside dans la mise en place des outils de mesure. Ils se trompent d’objectif ! Naturellement, la mesure de la satisfaction restera et permettra encore à certains de comprendre l’immensité des chantiers visant à l’amélioration des expériences et des parcours client qu’ils proposent. Mais l’essentiel est ailleurs : il faut donner les moyens à chaque client d’exprimer son ou ses ressentis émotionnels !
Pourquoi ?
A la fois pour lui montrer que l’on s’y intéresse, qu’on essaie réellement de le comprendre dans son fonctionnement le plus « intime », et pour lui donner l’occasion d’exprimer en même temps sa singularité et son appartenance à une communauté. J’ai vécu un moment magique mais mes émotions sont les miennes. Exactement comme lorsque je prends mon assiette en photo pour la publier sur Instagram : elle est unique mais elle rassemble ceux qui aurait l’envie ou eu la chance de la déguster. Si nous étions 10 à table, chacun aurait pris une photo différente du même plat !
Le succès du film Le Grand Bain, me semble une excellente illustration de ce principe : les acteurs réunis sont extrêmement différents et forment pourtant une équipe soudée et étonnamment sympathique. Alors qu’individuellement leurs failles, leurs échecs, leurs misères quotidiennes nous touchent au plus profond de notre humanité, leur performance chorégraphique nous rend heureux et presque fiers de les avoir encouragés jusqu’au bout ! Chacun d’eux exprime ses angoisses et sa passion. Chacun de nous s’identifie et ressent le désir d’être ce pilier qui les fera sortir la tête de l’eau. Apprendre et jouer dans cette piscine, avec cette bande de mecs paumés, est festif et joyeux.
L’expérience client devrait s’inspirer de ce succès : créer la surprise, valoriser les différences et permettre aux clients d’apprendre er de jouer, est un impératif pour les marques. Pourrait-on en déduire une sorte de norme ?
Pourrait-on faire entrer les ronds dans des carrés ? #oupas
J’attends vos réponses…