La marque sera-t-elle le héros de l’histoire ? #TheHeroTrap
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’interview de Thomas Kolster publiée par Eloïse Cohen, rédactrice en chef de e-marketing, et je souhaite réagir sur plusieurs points. Evidemment commencer l’exposé d’une « nouvelle » vision marketing en énonçant que le brand purpose est une absurdité (ou au mieux un concept que l’auteur a longtemps mis en avant et qui est devenu un lieu commun … ou presque), permet de captiver le lecteur. Dois-je pour autant, te dire d’emblée que le « piège du héros » est tout simplement une erreur de compréhension de ce qu’est la narration ? Ah bon ?

D’abord la critique de la recherche et de l’affirmation à tout va d’un why par les marques, ou même les entreprises à mission, peut nous paraître exagérée, tant il est vrai que de très nombreuses entreprises ne savent toujours pas quelle est cette mission et comment elle peut impacter le monde (et leurs clients). Il y a encore beaucoup à faire, et je me sens concerné, pour expliquer ce qu’est une mission de marque, y compris à des dirigeants, qui raisonnent encore majoritairement en termes de produit. D’autre part, le purpose d’une marque n’est pas de changer le monde, et je rejoins Thomas Kostler sur ce point. Quand bien même Pascal Demurger ou David Garbous (pour ne citer que deux personnalités engagées sur cette voie) affirment que leur entreprise envisagent son rapport au monde avec une responsabilité réelle, nous ne devons pas rêver : le monde ne changera pas sans nous. Just do it ! C’est là où je ne suis plus le raisonnement de celui qui prétend être en avance sur tout le monde (argument commercial pour vendre un livre ?). Justement, Nike, a toujours incité ses clients à se bouger. Sans eux, sans elles, le monde est immobile. Chez nous, en France, après avoir longtemps cru que c’était à l’Etat (providence ?) de changer le monde, nous avons rejoint cet optimisme béat placé dans l’entreprise capitaliste mais bienveillante (oui il est possible d’imaginer cela), et nous attendons désormais que le changement vienne d’elle.
Erreur là encore ! La marque a une mission : améliorer la vie de ses clients. Mais sa mission ne peut s’accomplir sans eux (nous décidons de changer #oupas). Le héros de l’histoire n’est pas la marque. Sur ce point, nous sommes d’accord : le piège du héros risque bien de se refermer sur les marques qui exposent une mission d’une telle noblesse (je n’ose écrire grandeur ici) que notre réaction sera au mieux de ne pas les croire (ce qui nous fait gagner du temps), et au pire de les challenger sur leurs engagements à toute occasion, trouvant un jour ou l’autre la faille que les ridiculisera (amis haters des réseaux sociaux, bonjour !). La marque qui affirme avoir pour mission de sauver la planète (ou toute autre ineptie populaire) prend le double risque d’être « so boring » ou démasquée (et qu’est-ce qu’un héros sans masque, me demanderas-tu ?). Le héros est, et doit rester, le client. C’est à lui de changer le monde, et c’est toujours l’humain (l’homme, mais plus certainement encore, la femme) qui s’en est chargé. Pourquoi ?

D’abord, rappelons que le monde change sans que nous en soyons nécessairement responsables. Comme l’indiquait un éminent glaciologue en commentant l’évolution de la mer de glace (ce glacier qui descend sur plus de 11 kms depuis le Mont-Blanc), il fut un temps où ce même glacier s’approchait de Lyon (de son emplacement, la ville n’existait pas) à moins 20 kms, de même que dans une vingtaine d’années, le glacier sera revenu à ses dimensions de l’époque du moyen-âge. Il y a eu entre temps, une période glacière « mineure » et cela n’est pas relatif à l’absence d’avions dans le ciel, ni à celle des camions qui empruntent le tunnel. Bref, l’homme est petit devant l’évolution. Mais il est malin et agile ! Ainsi, si les européens sont devenus « blancs de peau », nous le devons au cheval qui a conduit sur son dos des « asiatiques » fuyant et trimballant avec eux la peste, qui 50 000 ans avant JC, a éradiqué la population locale incapable de résister à ce virus mortel (l’histoire est-elle un éternel recommencement ?)… C’est cette agilité galopante qui symbolise notre capacité à évoluer.

Alors la marque doit se concentrer sur sa seule mission : nous aider à affronter les évolutions du monde dans lequel nous vivons (et que nous modifions au gré de nos comportements plus ou moins conscients). Faire de son client un héros du quotidien est un pari gagnant. D’ailleurs, c’est le principe même de l’histoire qu’elle doit raconter. Au lieu de se gargariser sur les performances de son produit, elle devrait mettre en scène, communiquer, ce qui dans l’expérience positive de son offre, rend son client meilleur. Ce qui, pour prendre l’exemple du BtoB, ne se limite pas à une performance (obtenir un meilleur résultat qu’hier, du genre +3% de transformation des leads) mais illustre l’impact positif généré (le low digital qui permet de moins consommer d’énergie en utilisant internet, par exemple). En BtoC, nous voyons bien la différence entre ceux qui communiquent sur le « manger mieux » (au sens d’une alimentation à la fois plus sympathique et respectueuse de notre corps) et ceux qui nous inondent de leurs messages pour l’agriculture responsable (tiens à propos, cette année verra la pire récolte de blé en France depuis 50 ans ; doit-on penser que c’est une une conséquence d’un moindre recours aux engrais polluants et du confinement ou plus certainement du climat ?).
Si nous constatons que 10% des collaborateurs d’une entreprise s’engagent et que cela suffit à créer le changement, nous serons d’accord aussi pour dire que ce sont les micro-actions de chacun d’entre nous qui changent tout. Le héros du quotidien, c’est l’infirmière (infirmier), c’est l’éducateur.trice, c’est le vendeur.se conseiller.e qui est là, disponible chaque jour, pour nous ou nos enfants. Les marques leur ont dit merci, ont souhaité les valoriser (pour une fois). Mais à nouveau, elles oublient que rien ne changera sans un engagement fort de leurs clients. Nous avons toujours eu besoin de croire. Croire en nous et surtout dans des héros, qui nous représentent lorsque les temps sont durs.

La marque doit créer des héros. Elle doit aussi les mettre en avant et souligner leurs progrès, partager leurs aventures, leurs passions, avec tendresse et impertinence (parfois). Elle doit nous les faire vivre, nous faire rire et pleurer (pas trop souvent). Ces gens qui dorment à l’arrière d’une Skoda, sont émouvants, drôles et pourtant si proches de nous ! Ils sont touchants de simplicité et de vérité. #TuTesVuDormir est un épiphénomène qui remet la marque à sa place : elle est là pour nous. Après nous avoir rappelé que nous étions moches dans les années 90, la voilà qui se moque de nos attitudes désarticulées à l’arrière des bagnoles ! Quelle audace ! Restons positifs !
Le héros de la marque c’est nous !
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Ce sont aussi bien les collaborateurs que nous aimerions transformer en ambassadeurs que les clients qui améliorent leur quotidien et change ainsi le monde (pas à pas). Evidemment il conviendra de leur expliquer pourquoi. Pourquoi changer, pourquoi être différent, pourquoi évoluer est la seule manière de rester une espèce vivante sur cette planète. Changer d’histoire, c’est renouveler la croyance dans la marque. Mais quelle que soit cette histoire à laquelle nous avons envie de croire, ne perdons pas de vue que notre client est le seul à pouvoir l’incarner, la vivre et l’aimer.

Ecrivons de belles histoires ensemble ! Si les marques nous inspirent, nous évoluerons dans le bon sens, et la planète aussi. Serons-nous les héros de demain ?
PS : je dois t’avouer cher.e lectrice.teur que je n’ai pas encore lu cet ouvrage #TheHeroTrap et que tu devras donc prendre ma réaction avec prudence… Si tu l’as lu, n’hésites pas à proposer ton analyse en commentaire.
PS2 : si tu as cliqué sur cet article parce que tu as aimé le « jeune héros aux petits bras musclés » qui l’illustre, dis-le moi ! J’adore cette fraicheur d’esprit ! #bisous