Pan ! T’es mort ! Je t’ai eu ! Alors tu te roules par terre et tu fais semblant parce que c’est le jeu. Tu ne pas jouer sans respecter les règles sinon plus personne ne voudra jouer avec toi. Simple à comprendre et compris par tous.
Pour autant, la plupart des « spécialistes » de Linkedin ont plongé dans le game : faire des sondages pour gagner en attention. Tu jettes une question à ton audience et tu obtiens des votes qui, fort heureusement, n’ont et n’auront jamais aucun impact. Ouf ! On respire ! Mais pour toi, c’est une arme. Tu comprends vite que tu pourras brandir comme une affirmation validée par ton conseil scientifique personnel, un résultat. Et ça, c’est indispensable lorsque tu souhaites confirmer ce que tu savais déjà. Bonne nouvelle non ?!
Avant tu invitais des gens à tester ton nouveau jus de fruits et ils te répondaient joyeusement que « oh oui il est délicieux ». Ca ne valait rien non plus, puisque tu les avais payé pour venir, sans compter qu’ils avaient bu un verre sur ton compte. Mais c’était la règle du jeu. Aujourd’hui tu rigoles des blagues à deux balles #oupas de ton boss, parce que c’est ton boss. Sinon pan, t’es mort !

Et maintenant on lance des sondages sur Linkedin à tout propos et chacun y va de son vote, certain de contribuer à l’intelligence collective. Parfois je me laisse aller à penser que je pourrais aussi répondre, exprimer mon opinion, faire la différence ou pencher la balance, dans un sens plus favorable à mes convictions, valeurs et autres certitudes prétentieuses. Et puis, un instant plus tard, je réalise l’absurdité d’une telle ambition. Pourquoi mon opinion serait-elle agglomérée à celle d’inconnus, pourquoi entrerait-elle dans le compteur des pour ou des contres ou encore des ni l’un ni l’autre ? Je ne vois pas l’urgence de comparer mon opinion avec celles de ces gens que je ne connais pas. Eux aussi.
En marketing, comme l’ont toujours su, à la fois Ford et sa voiture noire et Georges Marchais, même si ce n’est pas votre question, c’est ma réponse qui compte. Depuis, tout le monde croit que sa réponse est la seule et la meilleure possible. Pas moi ! Cele dit, je crois de plus en plus à la force de l’orthogonalité. Le zig du zag. Le chemin imprévu qui nous mènera à une destination oubliée. L’acquiescement à tout et n’importe quoi, cette obsession que nous avons de dire : « je suis d’accord avec toi » alors même que nous pensons « je ne suis pas d’accord », est ahurissante. De même le défi de tout nier, l’envie de de jamais croire à rien, ni en personne, tient du comportement suicidaire.
Pan, t’es mort ! Les sales gosses jouent encore à s’entretuer à grand coup de sondage. Tu vois vite que tu appartiens à la catégorie des losers (ce qui ne sont pas dans la case majoritaire) alors tu préfères penser que ta singularité exprimée dans l’urne, te transforme en rebelle d’un jour. Tu ne penses pas comme tout le monde, et ça c’est cool. Tu crois ?
Tout le monde n’est pas prêt à partir dans le zag. La majorité, la communauté fonce dans le zig ou par esprit de contradiction prend l’exact opposé, se met ainsi à courir aussi longtemps que possible en arrière, à rétrograder vers un passé embryonnaire mais confortable.
Or ce que je trouve passionnant, ce sont les chemins qui prennent un angle droit. Et j’ai l’impression qu’il n’y aurait pas de création sans cette orthogonalité de pensée, seule propice à nous emmener aura part. Prenons l’exemple de la rencontre. Si nous sommes d’accord sur tout, si nous sommes 100% compatibles, c’est certainement la promesse d’une douceur ouatée qui nous mènera sous la couette, mais où irons-nous ensuite ? Nulle part puisque nulle ambition divergente. Si à l’opposé, nous sommes la polarisation absolue des personnalités, il sera difficile d’éviter l’écrasement ou plus exactement l’écartèlement de l’un ou de l’autre, dans le sang et les larmes. Et encore, le plus fréquent des scenarïi est que nous ne nous rencontrerons jamais, partant chacun dans la direction opposée, tournant le dos à l’autre.
Reste alors l’idée de partir à l’orthogonale. Nos liens se tendent, chacun espère que l’autre fera un pas vers lui, déviant ainsi légèrement de son axe fort, et que si nous sommes éloignés un temps, nous nous rapprocherons le temps d’après. Jamais totalement alignés, jamais non plus à l’opposé, nous avançons en dodelinant, tiraillés l’un par l’autre, attirés aussi, sans vraiment savoir où nous arriverons ensemble. Magnifique expérience !

Alors, si tu m’as suivi en zigzagant jusqu’ici… tu comprends l’inutilité du sondage. Te mettre dans une case, c’est renoncer à faire un bout de chemin avec les autres (ceux des autres cases). C’est aussi retrouver sous ta couette des tas d’inconnus que tu n’aurais pas choisis. C’est peut-être ton truc, mais pas le mien.
Etienne Klein, explique merveilleusement pourquoi nous en sommes là. Pourquoi nous posons des questions en forme de sondage, en espérant à la fois caser des gens loin de nous et en attirer quelques uns dans notre lit. Apprendre c’est accepter de confronter ce que nous croyons savoir avec ce que savent les autres. C’est apprécier à sa juste valeur notre orthogonalité pour mieux arrondir les angles ensuite et trouver de la rondeur dans nos divergences de vue.
Le marketing doit séduire les gens qui cherchent un chemin différent, il ne doit pas leur proposer de faire demi-tour.
PS : Si tu n’es pas d’accord, vote 1 ! Pan t’es mort !