A force de faire des recommandations sur l’importance de la présence des candidats sur les réseaux sociaux « professionnels », et sur la nécessaire production de contenus pertinents, j’ai l’impression de parle de personal branding ou (pourquoi pas) du marketing de soi ! Il me semble plus cohérent de laisser la parole à une experte en la matière : Marjorie Di Placido, fondatrice de Human’iT.
Suite de notre entretien / conversation autour de la place de l’émotionnel dans le recrutement en format interview :
Comment s’assurer que les valeurs du candidat et sa personnalité correspondent à celles de l’entreprise cliente ? en quoi l’intelligence émotionnelle du recruteur est-elle essentielle ?
La première chose à faire c’est de connaître son client. C’est lui qui est en demande, donc il faut comprendre les enjeux du recrutement, les raisons, les objectifs. Puis il faut s’intégrer à la structure, vivre quelques heures au sein des salariés existants ou du contexte professionnel pour cerner l’activité, le besoin. Je crois qu’il faut être simplement à l’écoute, et pas uniquement des mots, mais de l’atmosphère, du contexte économique de l’entreprise, social. Une fois tout cela décelé, c’est un bilan entre les besoins exprimés et les besoins ressentis que nous dressons et qui font ressortir « le profil idéal » à recruter. Sachant que nous sommes des humains, il est impossible qu’un profil corresponde à 100% au profil défini, le parcours de vie pro ou perso sera propre à chacun et c’est en cela que ce métier est passionnant. L’intelligence émotionnelle du recruteur est déterminante dans la qualité du recrutement. Si vous êtes enfermé dans les standards et process d’un recrutement lambda, vous ne rencontrerez que des profils qui seront comme vous : rigides, fermés, standardisés. Or, ce que nous voulons quand nous recrutons, c’est trouver « La perle rare ». Ce candidat qui saura faire toute la différence. Qui sera force de proposition, qui va s’investir pour votre entreprise, partager, échanger, adhérer. Si vous n’arrivez pas à humaniser votre recrutement, l’émotion ne ressortira pas de vos entretiens alors que c’est bien souvent le savoir-être qui permet à deux personnes de travailler ensemble longtemps, bien plus que le savoir-faire.
L’IT est-il un secteur où l’émotionnel a encore une place ? Pourquoi ?
Bien sûr ! Il a sa place, simplement il faut aimer comprendre les autres pour que ce aspect puisse ressortir. Dans l’iT, comme dans l’univers digital/numérique les candidats sont des passionnées, souvent des introvertis, scientifiques, geeks, bref des profils solitaires, habitués à répondre aux attentes grâce à de formules/ process appris sur les bancs des grandes écoles. Les machines ou le code ne laissent pas la place à l’émotionnel mais uniquement aux résultats, aux compétences, voilà pourquoi on se dit toujours que ces profils sont difficiles à gérer, pas sociables etc… ce qui est FAUX !Ces profils sont avant tout recrutés pour leur savoir-faire, encore plus que dans tous les autres domaines. Mais le savoir être est extrêmement important et s’y intéresser donnera bien plus envie à un profil de venir chez vous que dans une grande structure réputée pour ses missions intéressantes mais dans laquelle le boss ne vous connait que par votre numéro de dossier … D’ailleurs de plus en plus de profils deviennent très regardants sur leur futur employeur. Les questions sur l’entreprise changent. Ils parlent d’équipe, d’évolution, de place au sein de la structure. L’aspect social reprend donc sa place. Les startups ont bien compris cet enjeux, elles mettent en avant cet aspect de leur société bien plus que l’aspect financier ou l’aspect technique du recrutement. Il n’est pas rare de lire des annonces décalées pour séduire le profil, cela pourrait ressembler à cela » petite startup sympa basée à paris, recherche « tel profil » pour complèter son équipe de geeks passionnés – Profil fun, sachant faire les mojitos et portant la barbe de 3 jours recherché » . En bref, on cherche à séduire l’humain avant tout. Pour l’iT c’est pareil. Beaucoup de profils sont sollicités par des SSII (enfin ESN maintenant) et comme l’image de celles ci n’est pas bonne, elles redoublent d’efforts pour attirer des candidats trop rares sur le marché. Je travaille à l’heure actuelle avec l’une d’entre elles qui par exemple propose tous les ans un voyage « surprise » à ses salariés. Ambiance assurée 🙂
Peut-on être un fidéle à des candidats « coup de coeur » et dans quelle mesure peuvent-ils à leur tour devenir fidèles de Human’iT ?
Le recrutement c’est avant tout une rencontre humaine. Un échange, un dialogue, on apprend l’un de l’autre. J’évoquai le fait que les candidats se remettent en question parfois, mais de notre côté, c’est au quotidien que nous nous remettons en question grâce à eux. Parce qu’ils vont nous en apprendre chaque jour sur des épreuves, des défis, sur eux, sur nous. Quand vous partagez avec un profil une même mission de recrutement, des liens s’établissent. Nous recommandons ce profil pour tout ce qu’il représente, nous le défendons auprès d’un client, nous négocions pour lui un salaire, des avantages, des évolutions de poste. Nous faisons un suivi avec lui, à un jour, un mois, 3 mois et un an. Forcément cela rapproche ! Nous les suivons, les voyons évoluer, progresser et atteindre leurs objectifs. C’est tellement bon de savoir que nous y sommes pour quelque chose quelque part. Je crois que les choses se font naturellement. Ce contact reste car les profils savent que nous prenons du temps pour eux, pour savoir ce qu’ils deviennent, pour nous assurer que le poste ou les évolutions répondent à leurs attentes. Ils reviennent vers nous automatiquement. En parallèle, nous proposons aux profils que nous suivons depuis longtemps ou pour lesquels nous avons un « coup de coeur » spécifique, de travailler avec nous, comme consultant externe (avec accord de leur entreprise). Ces candidats sont contactés ainsi très ponctuellement en fonction de leurs compétences (1 à 2 fois dans l’année) pour former un binôme avec un consultant rh de chez nous et ainsi s’assurer de la qualité d’un futur profil recruté. Une manière de continuer à travailler ensemble et de maintenir ce lien qui a pu nous unir initialement.
Merci Marjorie pour ces réflexions qui devraient inspirer les étudiants en recherche d’un stage ou d’un emploi.
Lire aussi la première partie de l’interview sur la place de l’émotionnel dans le recrutement : ici –