En essayant successivement de rentrer à l’exposition Brassai (pour l’amour de Paris) puis sans plus de succès à celle de Cartier-Bresson, hier après-midi, nous avons fini par atterrir dans une petite galerie du coté du Pont Neuf. Agréable détour, improbable itinéraire, né de la déambulation sans contrainte, à la recherche de rien de précis mais prêt pour une heureuse surprise, cette rencontre avec un photographe et son œuvre nous aura permis de débattre du rôle de l’image.
Ou pour être plus clair, la photo est-elle un instantané du lien entre la ville, le décor, les éléments d’architecture qui semblent la définir, et ses habitants, ses passants, ses individus anonymes ? Là où certains admireront le sens du détail, des lignes ou des perspectives, la capacité du photographe à rendre les contrastes entre nature et construction de l’homme, d’autres au contraire, seront plus saisis par l’expression des personnages (du personnage le plus souvent), et tenteront de capter un message.
Lecture émotionnelle ou analyse esthétique ? Comment choisir ? Faut-il choisir, d’ailleurs ?… Alors que nous débutons un débat contradictoire à propos de la photo d’un passage sous-terrain du métro dans lequel se projette une ombre de personne, Jean-François Baecker, l’artiste exposé, se rapproche de nous, intrigué. Il nous propose de nous mettre d’accord, et nous affirme qu’il y a bien l’idée d’un lien entre chaque personnage et l’univers dans lequel il est photographié, que la vitesse trop élevée avec laquelle nous parcourons les rues de Paris (encore plus les couloirs du métro), ne nous permet pas de saisir. Folie urbaine, et oubli de la beauté éphémère et anonyme, pourtant présente là, sous nos yeux !
Certes la vitesse est tueuse d’émotions ! Naturellement, aller vite c’est passer à coté de quelque chose, et donc prendre le temps d’une photo de ce quelque chose, c’est un accomplissement artistique que nous devrions saluer. Les émotions que nous percevons en regardant les photos de cette exposition, intitulée Expériences II, sont d’abord intuitives. En en discutant, nous les réfléchissons, nous les intellectualisons. Elles sont alors confrontés à nos référentiels culturels, à notre goût construit et nous les apprécions.
Il me semble que l’appréciation au sens du beau, est une justification a posteriori de nos émotions, d’une lecture intuitive. Est-ce ainsi que l’oeil du photographe fonctionne ? Est-il d’abord saisi par une émotion, par l’humain passant dans le cadre, avant de déclencher un mécanisme, avant de traiter la lumière, avant de choisir son développement puis son exposition ?
« Courir, courir et oublier ses sensations, ses sentiments. Peur de vivre dans un monde auquel je m’attends. Nécessité de recommencer à être surpris. Je ne veux plus que l’on me dise quoi penser, quoi montrer, que l’on me montre à quoi penser, alors je vais retourner rêver et croire en la simplicité ». Jean-François Baecker.
Merci pour ces émotions partagées…
Visitez la galerie du Pont Neuf et le site internet http://www.jfbaecker.com