J’ai rencontré récemment Nicolas Delattre, associé co-fondateur de Perceptio Media, une start-up lilloise, qui apporte un outil innovant au monde du marketing. C’est d’abord un outil ScanSense, mais surtout de nouvelles méthodes d’analyse du comportement des consommateurs notamment face à une campagne, un message, un packaging et pourquoi pas une vitrine de magasin. Perceptio Media s’appuie sur la recherche en neurosciences et proposent donc aux marques d’intégrer les réactions émotionnelles de leurs clients, à leur perception réfléchie, voire mémorisée (donc rationnelle) des discours descendants, qu’il s’agisse d’une affiche, d’un spot de pub ou d’une vidéo storytelling (ça fonctionne aussi très bien avec une bande-annonce de film !).
Qu’écrit Perceptio Media pour expliquer cette innovation marketing : « Par ailleurs, il est scientifiquement prouvé que l’émotion joue un rôle prépondérant dans l’ensemble des comportements humains, de la perception à la prise de décision et la mémorisation. L’émotion permet une mémorisation plus efficace de votre communication et confère à vos packaging une préférence décisive au moment de l’achat. Emouvoir et faire vivre des expériences permet d’engager une relation positive et différenciante avec vos clients. »
Pour aller plus loin que cette argumentation, j’interroge Nicolas lors d’une rencontre passionnante :
PL : Nicolas, peux-tu nous décrire le schéma décisionnel du consommateur et le dispositif technique développé par Perceptio Media ?
ND : « Il s’agit de se concentrer sur ce que le cerveau humain reçoit comme informations et sur sa capacité à les décoder. On a une superposition d’une perception purement sensorielle, d’une attention au sens de l’activation des mécanismes de réflexion, et bien entendu d’une émotion. L’ensemble de ces composantes nous conduisant à une décision. Ce qui nous intéresse dans la méthodologie c’est d’enregistrer simultanément le niveau d’attention et la perception émotionnelle. On installe une caméra face à l’individu testé, qui va scruter son regard, et plus précisément la pupille (dilatation et mouvement) et aussi un capteur au bout du doigt mesurant l’électro-sudation (relayant donc nos émotions). Voilà pour les données que nous recueillons. S’ajoute à cela, un entretien en face à face pour qualifier les perceptions et confronter le ressenti conscient avec les signaux inconscients émis par notre corps. »
PL : « Concrètement, mesure-t-on de fortes différences entre les individus ? Quelles sont les écarts mesurés entre leur compréhension intelligente du message et leur perception émotionnelle ? »
ND : « D’abord, il est évident que selon les individus les réactions peuvent être très différentes. Dans l’exemple d’une campagne publicitaire pour une marque automobile pour un monospace, les femmes et les hommes ne voient absolument pas la même chose ! Ils ne regardent pas les mêmes zones de l’image, leur regard ne suit pas l’évolution du plongeur dans le même timing et évidemment leurs émotions divergent totalement. Si l’on analyse les résultats plus en détail, on se rend compte que l’oeil ne regarde pas forcément la marque ou qu’à un moment où l’individu ressent une vive émotion (positive ou non), il ne regarde pas le message et par exemple, ne peut pas le mémoriser ni l’associer à la marque. On note aussi que notre capacité d’attention est très fluctuante et déconnectée de nos émotions. Ainsi dans une campagne pour une marque cosmétique, on s’est rendu compte dans les entretiens que le moment fort émotionnel n’était perçu que de manière inconsciente : aucun participant n’était capable de s’en souvenir précisément ou de l’exprimer ! Etonnant non ? »
PL : « Quelles implications pour les marques qui sont justement en recherche d’attention ? »
ND : « Premier point, les différents case studies que nous avons déjà analysés, démontrent qu’il y a souvent trop d’informations dans les messages ou que celles-ci sont mal ordonnancées, et que leur compréhension exige un effort cérébral souvent contradictoire avec la perception émotionnelle de l’individu. L’autre point clé, c’est bien entendu le rôle majeur de nos émotions dans le ressenti et l’adhésion face au discours de la marque. C’est un indicateur fort de l’impact et de la mémorisation qui peut d’ailleurs être négatif au final, sans que nous en ayons pleinement conscience ou sans que cela soit clairement exprimé en face à face. Il faut donc manier avec beaucoup de prudence les signaux émotionnels que les marques veulent générer auprès de leurs cibles. Trop d’émotion peut même brouiller le message et tuer une campagne ! Au niveau de l’attention, on constate toute la difficulté de créer et surtout de maintenir une attention qui engage une réflexion ou une compréhension. L’oeil est distrait, incroyablement habile à ne pas voir ce que nous ne souhaitons pas voir, comme un logo par exemple. Un beau visuel peut parfaitement ne pas être associé correctement à la marque, soit par manque d’attention, soit par rejet émotionnel. »
PL : « Merci Nicolas ! J’imagine que vos clients font de belles découvertes lorsque vous analysez leurs campagnes et que le champ d’étude est très vaste. »
ND : « Absolument ! Et nous n’en sommes qu’au début ! »
Il est clair que ces méthodes innovantes ne vont pas remplacer du jour au lendemain d’autres formats d’études, mais loin d’être une contradiction, elles sont avant tout une nouvelle vision, et elles apportent une connaissance bien plus fine de l’individu client et de ses réactions face aux marques. Dans un contexte aussi difficile pour elles, les marques ne peuvent continuer de nier l’importance de l’émotionnel dans nos décisions.