Les étudiants sont un public fascinant (le plus souvent) et je tiens à nouveau à les remercier d’être une source d’inspiration. Dans ma réflexion marketing, j’ai cette semaine eu le plaisir d’entendre Christophe Duhamel, le CEO de Marmiton, me dire que sa mission est depuis l’origine de créer des liens entre les internautes (et aussi lecteurs) clients de Marmiton, entre tous ceux qui partagent la cuisine. Aussi vrai que la mission de Harley Davidson serait de créer des liens entre les passionnés de moto en version freeriders de tous les pays. A peu de chose près, c’est aussi la mission de l’enseignant ou du marketer que je suis : créer du lien, donner envie de partager ! Alors cette semaine, quand je lis dans HBR France que le potentiel est enfin considéré comme primordial au moment de choisir un collaborateur d’une entreprise, que cela prime sur l’intelligence et les compétences, j’ai envie de me lever (et même de bonne heure !).
Oui, les qualités que ce potentiel cristallise sont la curiosité, la perspicacité, l’engagement et la détermination. Oui, j’ai la curieuse impression que mon expression d’un marketing romantique, dont la mission serait d’améliorer la vie des clients, de faire aimer les marques, exige justement ces qualités… La perspicacité de mes propos, je la mets entre les mains de mes lecteurs (elle provient d’ailleurs de mes rencontres…). Mon engagement figure en titre de ce blog et de toutes mes prises de parole. Et la détermination ?…
Etre déterminé (toujours d’après HBR), c’est accepter les défis difficiles, relever les challenges qui s’offrent à nous. Un esprit Charlie pourrait s’y reconnaître non ? Hier, j’ai eu un moment de doute, quand certains gardaient les yeux rivés sur leur écran. Et puis finalement, j’ai poursuivi cette intervention debout. Pas question de me rasseoir, ou pire, de quitter la tribune ! Non !…
Mais revenons au fond de cette note : pourquoi debout ? Il me parait naturel d’être debout, de me déplacer, d’être en « mouvement » lorsque je parle pour deux raisons :
– le mouvement est perçu par l’oeil humain avant même l’image, et donc capter l’attention est sans aucun doute facilité par la présence physique de l’orateur. J’ai appris aussi que lorsque je me déplace, je véhicule de l’oxygène vers mon cerveau, ce qui pourrait améliorer mon éloquence (en principe).
– le mouvement crée la rencontre. Se déplacer, c’est aller vers l’autre (mathématiquement mes chances de rencontrer les autres augmentent avec ma faculté à me déplacer, à percuter leurs propres chemins…) et aller vers l’autre est essentiel dans l’expression des idées et dans la volonté du partage.
Faudrait-il en conclure qu’un « intellectuel assis ira toujours moins loin qu’un con qui marche » (comme le disait Michel Audiard) ? Je préfère penser qu’un homme qui parle debout est un homme qui s’engage et qui veut partager sa pensée. Et comme debout on voit plus loin, on pourrait aussi imaginer qu’être debout c’est regarder devant soi… Ce n’est pas non plus par hasard si TEdx (et d’autres conférences) impose à tous les orateurs de se tenir debout devant leur public (Steve Jobs a été admiré pour la qualité de ses interventions seul face au public). Le ‘stand up’ est un art difficile, exigeant davantage de l’artiste mais créant plus de lien avec son audience. En France, celui qui monte à la tribune, le tribun, est un orateur populaire et éloquent, tandis que l’origine du mot est à chercher dans les tribuns de l’empire romain qui étaient chargés de défendre l’intérêt du peuple (ou des officiers supérieurs des légions militaires romaines).
Certains sont morts debout pour leurs idées, pour la liberté et 4 ou 5 millions de français ont tenu à leur rendre hommage dimanche mais aussi cette semaine, en se procurant un exemplaire historique de Charlie Hebdo. J’espère que leur motivation ne se résume pas à un goût prononcé pour des dessins provocateurs (comme on le penserait trop facilement en lisant leurs posts sur Twitter ou Facebook). Il y avait bien d’autres choses à découvrir dans ce numéro 1178… comme ce texte d’Elsa Cayat (le divan de Charlie), par exemple :
La capacité d’aimer
« Je veux parler de la difficulté que l’être humain rencontre à s’ouvrir aux questions que pose l’autre dans sa différence, à faire une place à cette différence et, à partir de ceci, à reconnaître qu’il n’en fait aucune à la sienne : ni à l’écart entre ce qu’il veut et ce qu’il fait, entre ses désirs et ses ratés; ni à l’écart entre les réels qui causent ses peines et ces réels même. Il préfère nier les motifs qui se cachent derrière l’émotif, censurer l’émotion de crainte d’être surpris en flagrant délit de manque de maîtrise. Or cette attitude a une raison : la peur… »
C’est cet engagement à dire les choses et à les dire pour les autres que nous admirons ensemble aujourd’hui. Se lever pour partager des idées, qu’on ait raison ou tort, reste un privilège accordé à ceux qui en ont la volonté et l’énergie. Espérer que l’on vous écoute en restant assis me parait peu réaliste et respectueux. De la même façon, il me semble qu’une marque doit prendre la parole pour affirmer ses engagements et se mettre en marche. Aller à la rencontre de sa clientèle, de sa communauté, en dépend ; son avenir aussi.