D’habitude et parce que je crois à la clarté des mots lorsqu’ils sont simplement employés à bon escient, je n’emploie pas trop ce langage. Je tiens d’un article publié sur e-marketing.fr, la question du lien entre les insights issus du social media et l’amélioration de la fidélité des clients. Elle m’interpelle, parce qu’en réalité le titre peut attirer l’attention et qu’il est rare que la fidélité soit mise en avant. Or lorsqu’on lit complètement l’article, on découvre que l’artifice a fait long feu…
Explications :
La définition de la fidélité client pour débuter et situer le débat, selon l’auteur :
La fidélité décrit les consommateurs qui restent fidèles à une marque sur une longue période de temps. Ces derniers ont une préférence marquée pour cette marque due à la qualité supérieure de services et produits comparés à la concurrence. Cette fidélité est souvent basée sur un lien émotionnel qui s’est développé au fil des années. Cette connexion émotionnelle se gagne via une qualité produit constante, une excellente expérience client et les valeurs de marque…
Stop ! Arrêtez le massacre ! A peu près chaque phrase du texte cité ci-dessus est à la fois incohérente et sans rapport avec la seule définition de la fidélité qui vaille, i-e, celle que les consommateurs donnent volontiers : la volonté de recommander la marque (celle que l’on préfère).
Détails de l’analyse :
- qu’est-ce qu’une longue période de temps ? un concept ? une durée de vie ? à partir de combien de temps serait-on considéré comme fidèle ? Et surtout, si j’achète une marque depuis 20 ans, suis-je davantage fidèle que celui qui l’achète depuis 6 mois ?.. Depuis quand l’amour se mesure-t-il en temps ?..
- « une préférence marquée due à la qualité supérieure…comparée à la concurrence » est une corrélation erronée.La préférence n’est jamais objective ! Je ne préfère pas Apple à Samsung parce que ses produits seraient de meilleure qualité… Rien de ce que je préfère ne pourrait prétendre à être supérieur à tout le reste (sauf éventuellement à mes yeux mais c’est une autre histoire).
- il n’existe pas de lien émotionnel – on peut parler de connexion, et bien sûr de ressenti émotionnel. Il faudrait évoquer ici un lien affectif. L’auteur pourrait-il écrire qu’on aime la marque et que ce sentiment se développe ou s’érode avec le temps ?
- enfin, la connexion émotionnelle n’a aucun rapport avec la qualité constante des produits et surtout elle ne se gagne pas ! Elle se crée à l’initiative de la marque ou du client : elle est le résultat d’une intention bienveillante et d’une attention à l’autre qui initie toute rencontre.
Et les insights social media ?
Déjà que lorsqu’il s’agirait d’expliquer un vocabulaire pourtant simple sur la relation affective que nous entretenons avec une marque, le résultat n’est pas brillant, lorsque je parviens à entrer dans le vif du sujet, ce jargon qui me pose question, je redoute une déception plus grand encore. Il faut vous dire cher lecteur que la data ne révèle rien du tout. C’est à vous de l’interpréter et d’y trouver une source d’inspiration. Pour tous ceux qui pensent encore qu’il suffirait de cumuler de la data pour trouver la réponse, je suis navré de vous détromper : tout dépend, en fait, de votre capacité d’analyse. Comme l’expliquait déjà Maria Konnikova, si vous pensez comme Watson, vous ne serez jamais Sherlock Holmes !..
Evidemment l’idée de remonter de l’information auprès des clients qui évoquent leurs expériences est une source de progrès pour la marque et peut, par conséquent, lui indiquer comment améliorer et enrichir cette expérience au bénéfice du client qui lui en sera reconnaissant plus tard, devenant ainsi fidèle ou plus fidèle encore. Mais trouver l’information intelligente, ce signal faible cher à mon ami Philippe, n’est pas donné ni immédiat. La satisfaction ou par effet miroir l’insatisfaction sont des données brutes. L’insight est ce qui motive ce jugement positif ou négatif et que l’on pourra transformer en expérience. Encore faudra-t-il pour le découvrir, poser (se poser) les bonnes questions ou écouter les bonnes réponses ?
Or force est de constater que les media sociaux sont les plus gros pourvoyeurs de bullshit à l’heure actuelle. D’ailleurs, les internautes ou sociaunautes le savent parfaitement, et se méfient naturellement de ce que les media sociaux fournissent comme information. Dès lors que l’on écoute les conversations sur Twitter, Facebook ou Snapchat, on doit s’attendre à être submergé par la médiocrité et le « fake ». Comment la marque pourrait-elle en extraire un insight ? Ne devrait-elle pas avant cela, s’assurer d’avoir construit une communauté autour de ses valeurs et de sa mission ?
D’où l’importance de revenir ici sur la notion de tribu. Une tribu est constituée de fidèles par définition (croyance et fidélité). Une tribu qui génère une conversation utile à… la tribu. Elle est animée d’une intention bienveillante, parce que sa mission est forcément le bonheur de ses membres. Aussi avant d’aller à la pêche à la data, avant de commencer à vous prendre la tête sur la signification des données, il faudrait vous concentrer sur la tribu émettrice. La connaissez-vous ? Est-elle clairement définie ? Avez-vous fixé des règles d’admission ? Oui je l’espère ! Car si vous réduisez les bruits de fond parasites, sans doute entendrez-vous quelque chose d’intelligible…
Qui parle de votre marque et pourquoi ?
PS : si par bonheur, vous avez trouvé un insight marketing dans ce texte, n’hésitez pas à le partager… merci !