J’interviens souvent cette année pour expliquer pourquoi « l’amour des clients » devient un très net facteur de différenciation des entreprises sur leurs marchés (qu’ils soient BtoC ou BtoB n’y change rien). Mais il m’arrive aussi d’affirmer haut et fort, que l’on ne peut être aimé par tous ni même aimer tout le monde… Ce bon sens posé comme une pierre angulaire de toute stratégie marketing, il n’est pas inutile de s’interroger sur ceux qui ne nous aiment pas. Voire d’explorer le territoire dangereusement inconnu de ceux qui nous haïssent.
Qui sont-ils ? Et en quoi faudrait-il les considérer dans notre réflexion ?
Si j’en crois la vidéo publiée par Bianco, les « haters » sont une forme de tendance de notre monde moderne. Il devient presque de bon goût de haïr quelque chose, quelque(s) marque(s), et probablement quelques gens (au passage). La haine est devenue l’expression ultime de nos émotions. Il devient fréquent de « basher » une marque dès qu’elle ne respecte nos valeurs, nos codes, ou simplement dès qu’elle semble ne pas s’adresser à nous correctement (ni avec les bons produits). Prenons l’exemple célèbre de la marque espagnole Desigual, elle compte une incroyable communauté de « haters ». L’idée d’en faire un atout marketing est en soi un contrepied dans l’engagement. Si nos fraises sont désormais cultivées avec amour, pourquoi est-ce qu’il faudrait se targuer de dénombrer ceux qui n’aiment pas, voire ceux qui haïssent les fraises ?
Il me semble que la marque danoise de chaussures Bianco, apporte la preuve que l’engagement n’est pas un concept purement marketing que l’on puisse prendre à la légère. Ces campagnes sont engagées jusqu’à l’extrême, et le choc émotionnel provoqué (et ressenti) est certainement volontaire. Car nous autres, les êtres humains, nous réagissons aux messages émotionnels en fonction de l’intensité qui les caractérise. Il n’y a pas seulement la tonalité de l’émotion qui rentre en ligne de compte, il y a sa puissance. Une émotion forte impactera donc plus fortement notre cerveau et notre mémoire.
Cultiver ainsi son engagement de marque permet aux clients de savoir pourquoi ils l’aiment, en opposition émotionnelle aux autres. Or il est clair que nos civilisations nourries à la consommation de masse, cherchent leur identité. Etre identitaire pour une marque est une sorte de pléonasme et pourtant rare sont celles qui émergent comme de réelles marqueurs culturels. Même Amazon, marque préférée pour son service client irréprochable, n’est pas le reflet d’une culture (me semble-t-il). On se souvient des années « underground » et c’est plus dans cet esprit que les marques engagées doivent imaginer leur message. Pour elles, la voix de l’engagement extrême est un cri d’existence singulier. Un appel identitaire fort que seuls les plus liés émotionnellement par les valeurs et l’histoire, peuvent recevoir et intégrer. Patagonia est peut-être à ranger dans cette catégorie, mais a-t-elle des « haters » ?
Il n’est pas question pour moi d’encourager les marketers d’aujourd’hui à cultiver la haine ! Soyons clair, je préfère de loin prôner l’amour des clients. Toutefois, pas d’amour sans engagement, me parait être une vérité qui ne peut plaire à tout le monde. Aimez ceux qui peuvent vous aimer en retour. Laissez les autres vous haïr si cela leur permet de vivre sans vous. Concentrer vos forces pour être plus fort sur vos valeurs et créer la différence, est une option gagnante à long terme. Car l’engagement émotionnel est durable s’il est puissant à l’origine.
Je n’aime pas ceux qui ne m’aiment pas, pourrait-elle devenir une signature de marque ?