Aviez-vous le temps ? Aurez-vous le temps ? Et puis ce temps qui nous sépare déjà de ces beaux moments de partage, lors d’un Social Selling Forum à Aix en Provence, et qui nous invite à aimer ou commenter des témoignages du passé… Forcément, ce temps que nous prenons à nous remémorer le temps passé ensemble est un temps social. Non ?
Et surtout cette notion humaine mais impalpable qu’est le temps dépend-elle dans son appréciation de notre état émotionnel ? Sommes-nous tournés vers le temps passé ou davantage enclin à imaginer le temps avenir ? Ce temps devant nous, ne nous incite-t-il pas à l’action, au mouvement ? Ou alors cette perception n’est-elle pas le fruit des signaux électriques qui nous parcourent, qui nous transportent d’une émotion à l’autre vers une décision, vers un être ou un faire dans le présent ?
Sandrine s’interroge, et nous interroge tous sur Linkedin, en qualifiant de « toxique » cet état émotionnel qui nous pousserait à l’action. Je lui réponds ici que nos actions s’inscrivent dans le temps. Particulièrement dans le temps des autres, vers qui elles sont dirigées, majoritairement.
« Il faut se persuader qu’il n’y a rien en dehors du devenir, que ce devenir n’est pensable qu’éternel. Il doit toujours pouvoir s’ouvrir et se rouvrir à nouveau, et dans un éternel retour, recommencer. », nous indique sagement Christian Globensky dans « Comment on devient Bouddha – selon Nietzsche ». Ainsi, lorsque nous prenons la parole sur un réseau social, lorsque nous impliquons notre communauté (et au-delà de notre premier cercle ceux qui nous découvrent), nous nous projetons dans ce devenir incertain autant qu’intemporel. Qui nous lira, qui commentera ou aimera notre propos, qui le partagera demain lorsqu’il sera enfin devenu un vestige de notre pensée d’aujourd’hui ?
Faut-il seulement se poser cette question ? Y réfléchir, n’est-ce pas retarder ce passage à l’action qui nous fait douter de nous et des autres ? Car que savons-nous du temps, et a fortiori de l’avenir ? Curieuse rencontre entre le questionnement des social sellers à propos du temps qu’il faut consacrer à son expression sur les réseaux et parallèlement au temps qu’il faudra pour que quelqu’un s’intéresse à eux et devienne plus tard encore leur client, et ma lecture du moment : « Presque rien que presque tout » de Jean d’Ormesson. Oui, cher.e lecteur.trice, l’académicien est une référence devenue phare de ma pensée romantique. Toi qui a assisté à l’une de mes conférences sur l’amour du client, tu te souviendras de la citation de clôture :
Mais dans ce livre existentiel qui se veut un roman sur le tout, il y a quelques pages consacrées au temps. J’en retiens quelques extraits et je les propose à la sagacité de tous :
« Rien ne nous est plus proche ni plus familier que ce temps plein de mystère… Le temps est composé de trois parties inégales. Deux sont énormes et pour ainsi dire infinies, ou au moins indéfinies : le passé et l’avenir. la troisième est minuscule jusqu’à l’inexistence : le présent. On pourrait d’ailleurs soutenir qu’aucune de ces trois parties n’a vraiment d’existence : le passé, parce qu’il n’existe plus; l’avenir, parce qu’il n’existe pas encore ;le présent, parce qu’il est à chaque instant, et malgré sa permanence, en train de s’évanouir… »
Alors nos coachs émus par la nouvelle que le présent est le seul temps dans lequel nous vivons, nous rappellent avec force qu’être social c’est sans doute vivre au présent et arrêter tout à la fois de regarder derrière soi et d’anticiper les résultats d’une quelconque décision. Prendre la parole, écrire un article doit-il se vivre au présent ? Ces actions concrètes et visibles, destinées à toucher les autres, soit pour se connecter soit pour leur révéler qui nous sommes, sont-elles mesurables dans le temps ?
« Le moment où je parle est déjà loin de moi »
A titre tout à fait personnel, je ne crois pas au temps. Je vis avec celui des autres et la dépendance que je ressens parfois face au défilé inexorable des minutes et des jours, ne m’inspire aucune nostalgie. J’ai dit, j’ai fait cela hier et je ferai sans certitude autre chose demain. Ecrire ces mots dans cet article aura ou n’aura aucune incidence sur le cours des choses. Il n’y a pas d’autre intention que de partager mon présent, soit pour qu’il devienne une trace dans le passé, soit pour qu’il inspire à l’avenir l’un.e de mes lecteurs.trices et qu’un jour peut-être, nous en faisions un sujet de conversation.
Or si toutefois ce texte est lu, il génèrera inévitablement des émotions. Ce sont ces signaux émotionnels qui déclencheront la suite, en vous incitant à l’action. Vous réagirez, vous aurez peut-être envie de commenter ou de répondre, de m’interpeler ou de m’oublier. C’est aussi mon objectif ! Etre social, c’est provoquer une réaction émotionnelle chez l’autre ; en espérant qu’elle soit suffisamment positive pour qu’il agisse dans votre direction, qu’il vous contacte ou qu’il vous suive.
La question du temps est alors simple à résoudre : nous n’en n’avons guère. Il est urgent de vous dire maintenant ce qui nous fera nous rencontrer demain. Demain deviendra si vite hier, que nous ne devrions pas y trouver refuge pour ne pas nous exprimer tout de suite. Il est toujours trop tard et le lapin d’Alice vous l’a toujours dit : je suis en retard !
Etre ému par l’autre est naturel et vital. Emouvoir c’est par ricochet mettre l’autre en action. Si l’intention est bonne, nous sommes dans la bienveillance. Quoi que vous fassiez sur Linkedin, faites-le maintenant, avec la solide intention de déclencher une réaction émotionnelle positive, mais sans aucune certitude, ni même une prévision, sur ce que l’avenir nous réserve…
Il n’y a pas de meilleur moment pour être social.