Comme beaucoup d’entre vous, je prends le métro plus souvent que je ne suis invité à une party avec Roger Federer ! C’est dommage peut-être, même si j’aime bien l’idée qu’il y aurait plus de gens intéressants à rencontrer dans les rames RATP traversant Paris que dans un villa suisse. Mais Roger, que j’admire depuis quelques années déjà comme phare incontestable du tennis mondial, nous invite à découvrir sa cuisine, celle où il s’est mis en tête de réaliser pour ses convives un plat de pâtes. Sympathique non ?
Oui Roger est un influenceur du monde du tennis, une icône célébrée dans le monde entier et qui refuse de s’arrêter de jouer, attisant les regrets et la jalousie de tous ces jeunes besogneux qui n’ont pas le début d’une once de son talent. Mais peut-il nous aire aimer les pâtes ? Quand aurions-nous vu un type élégant comme un suisse bien élevé, sortir de la poche intérieure de sa veste un paquet de Barilla ? Je ne sais pas si tu sais cuisiner, cher Roger, mais j’ai comme un doute en pensant à ces 20 dernières années pendant lesquelles tu as sillonné la planète, volant de tournoi en tournoi (voilà que tu viens de soulever ton 100ème trophée), hébergé dans les plus beaux hôtels et nourri soit par tes diététiciens, soit par les meilleurs chefs. Mais je n’ai pas l’intention d’acheter des pâtes parce que tu saurais mieux que moi, les préparer, et je ne crois d’ailleurs pas qu’un plat de pâtes soit de nature à enflammer une soirée !… Désolé !
Même si l’histoire est joliment racontée, si les images sont belles, vous en conviendrez, l’engagement est bien trop faible pour déclencher cher une quelconque réaction positive, dans l’esprit des potentiels consommateurs. Tout au plus, serions-nous contents de partager un moment avec notre Roger préféré (plus de 4 millions de vues sur Youtube confirme que nous aimons Roger, lequel compte 12 millions de followers sur Twitter et près de 6 millions d’abonnés sur Instagram)…
Mais dans le métro parisien, il se passe des choses bien plus grave à mes yeux de marketer émotionnel. Certaines marques continuent d’envahir les murs via des affiches 4×3 avec l’espoir que les voyageurs pourtant tous collés à leur écran, lèvent un court instant la tête et les aperçoivent. Alors leur message est court. L’image prime, certes, mais le texte peut et doit nous intriguer, nous arrêter dans nos trajets, ce qui relève de la gageure absolue, tant nos courses sont effrénés dans les couloirs glauques et souterrains.
De temps en temps, je m’arrête pourtant et je prends une photo d’une affiche. Depuis hier, je suis choqué par la nullité de la campagne des jambons d’Aoste. J’aime pourtant le jambon et cette marque représentative d’une vallée que j’ai jadis traversée avec bonheur. Mais comment peut-on nous dire qu’il faudrait être égoïste devant notre tranche de jambon ? Comment peut-on magnifier l’attitude et le comportement qui conduit tant de personnes aux malheurs de la solitude, précisément sur des quais où règnent la défiance et le manque d’empathie ? Je trouve cette campagne ridicule. Elle n’a aucune chance de nous convaincre de grignoter un bout de jambon en solitaire reclus dans un studio ou une chambre de bonne, affalé dans un vague canapé élimé, attendant sans grand espoir qu’un sms vienne réveillé l’écran de notre smartphone dépressif.
Halte au moche marketing ! Une marque doit créer une différence, mais être remarquable ou tenter de s’afficher dans un message décalé, ne signifie pas qu’il est possible de dire n’importe quoi. La première idée de l’être humain, son premier besoin, c’est justement le partage. La cuisine italienne (faut-il rappeler que la pizza est le plat le plus consommé en France, quand le couscous est notre plat préféré ? Deux plats que l’on partage évidemment…), est une invitation au partage (ce qu’heureusement Barilla a compris depuis longtemps). Le partage est une valeur humaniste. Une vraie valeur que l’on peut exprimer de mille manières, sur laquelle peuvent s’appuyer de très nombreux combats, comme, par exemple, le lancement de la compagne de printemps des Resto du Coeur.
Alors, de grâce, messieurs les publicitaires, faites preuve d’un peu plus de déontologie, de respect de l’humain, et ne nous prenez pas pour des jambons ! Merci !
De Jean-Paul
Bonjour Patrice
Merci pour la pertinence de tes analyses.
Juste une toute petite rectif . . . Tu dis »Aoste – // – une marque d’une vallée que j’ai jadis traversée avec bonheur » . . . Je crois qu’il faut préciser ou rappeler à tes lecteurs que la marque française Aoste n’a rien à voir avec le Val d’Aoste en Italie et encore moins avec ses fantastiques jambons . . . d’Aoste.
Aoste en France est une petite commune de l’Isére, qui permet à cette marque française de jouer sur l’ambiguïté.
CQFD