Après une longue conversation avec mon ami Loïc sur l’avenir du Social Selling Forum, alors qu’il conduisait calmement vers Genève, j’ai découvert Victor Ferry (@RhetoricalCraft), spécialiste de la rhétorique. Merci à toi cher Loïc, car l’inspiration est vraiment là !
Et donc, Victor nous interpelle sur notre style, en nous en proposant quatre pour commencer : baroque, classique, romantique et réaliste. Brillamment exposé, chacun présente en effet avantages et sans doute, inconvénients. Aussi faudrait-il piocher un peu de chaque pour définir, pour affiner ce qui constituerait notre style personnel, que l’autre, le.la lecteur.trice ici, pourrait reconnaitre et attribuer facilement à l’auteur. Est-ce seulement possible ?
Au début de cette aventure de blog, j’ai clairement affirmé (et c’est toujours le cas) que ma vision du marketing était romantique. En ceci, je souhaite sortir d’une posture classique qui s’intéresse avant tout au produit et au bénéfice de l’entreprise, pour renverser l’équation et partir à l’envers (et contre tous), de l’humain, qui par ses choix et ses émotions deviendrait un client, puis séduit et amoureux de l’expérience, un client fidèle, prêt à partager sa préférence autour de lui. Mais j’entends dans le propos de Victor que le romantique est surtout épris d’émotions négatives, de tristesse, de mélancolie, de soupirs maussades ! Ah non ! Je ne suis pas d’accord ! Au contraire dans ce que je défends comme étant un marketing émotionnel, je suis résolument optimiste, passionné par la capacité de l’humain à créer des liens affectifs, à surmonter toute difficulté, à aimer, à jouer et à apprendre continuellement.
Pour autant, je suis convaincu que maitriser quelques notions de réthorique est indispensable au marketer d’aujourd’hui. Bien souvent, les fameux « éléments de langage » d’une marque ne sont pas assez précis. L’autre écueil (souligné par Victor) est le manque de style. Et là, j’aimerais que l’on dépasse la classification de base pour aller vers ce qui rend la marque remarquable. Une histoire bien racontée, c’est aussi une question de style. Bien sûr, il est courant de s’inspirer de celui de autres, de faire référence à tel ou telle auteur.e, et de se satisfaire de la citation comme d’un accessoire de mode.
Trouver son style, qu’il soit dans le texte ou dans la chemise ou la coiffure, c’est s’affirmer, c’est oser dire qui l’on est. Débraillé, élégante, verbeux ou torturée, souriante ou moqueur, le style compte. C’est d’ailleurs pour cette raison que je redoute les formats qui enferment, les injonctions qui préconisent d’inclure des hashtags ou des photos de chat, des images ou des mots d’enfant qui sont tellement touchant, les recommandations qui exigent une blague toutes les 3 minutes, parce qu’à la fin, tout le monde y va de sa vidéo confession pour nous raconter comment on en est arrivé là. Non, le style, votre style est au-dessus de cela ! Non ?
Beaucoup de marques manquent d’inspiration, trop d’agences se moquent du style et copient outrageusement ce qui a déjà fonctionné chez les autres, et c’est sans surprise que les consommateurs finissent par tout confondre et tout rejeter; « pas assez stylé » nous disent-ils ! Porter des Stan Smith est sans doute une tendance, mais est-ce un style ? Faire ses courses chez Lidl est malin mais est-ce un style ?
Comment pourrait-on passer du style à la culture de marque ?
Etre une marque, c’est être reconnue et partagée par une communauté. Pour des valeurs, pour un why, pour des produits qui font aimer la vie, mais c’est sans doute aussi une question d’expression de soi. Or s’exprimer, c’est donner une idée du style de personne que nous sommes. Adopter, aimer une marque, c’est exprimer une partie de nous. Autant le faire avec style !
Le romantisme dans le marketing me parait parfois un combat contre les moulins. Une donquichotterie inutile que les tenants du ROI et du fric dans les caisses, n’ont aucune envie d’affronter et esquivent avec aisance dans les diners en société. Penser à l’humain, penser à ce qui peut améliorer la vie des clients, n’est ni classique, ni surtout réaliste ! Le réalisme date des années 50 (1850 si l’on évoque le courant littéraire avec Zola ou la peinture avec Courbet, et 1950 en référence au nouveau réalisme dans le cinéma italien), de cette prise de conscience que la réalité peut être intégrée par l’art. Tandis que la vision romantique d’éloigne de cet impératif de réalité contraignante pour vagabonder vers des idéaux fantasmés. Il me semble que l’on devrait se plonger sans hésitation dans les eaux pures et transparentes du romantisme pour ce qu’il recherche et voit souvent le beau, bien avant de s’arrêter devant la réalité. Le principe de réalité tue les projets, les inspirations des entrepreneurs, de la jeunesse et des nations. Le principe du ROI tue toute tentative de romantisme dans le marketing… Bien sûr aimer les marques, aimer les autres, semblent pour certains une illusion de bisounours. Et pourtant, c’est notre besoin le plus ardent et le plus urgent.
Si vous renoncez au romantisme, inutile par la suite de vous plaindre d’un manque de style…
PS : avouez que les films romantiques de Woody Allen (dont les images illustrent ce post) ont quelque chose d’unique, un vrai style, reconnaissable entre tous…