Comment te le dire d’un coeur brulant, chère Delphine ? Je n’envisage plus la fin d’une année sans lire tes mots. Certes, je pourrais modérer mon propos ici, afin d’éviter à mes lecteurs.trices d’imaginer un début d’histoire entre nous. Mais je tiens, une nouvelle fois, à souligner à leur attention, la qualité du travail que tu accomplis avec « Un bien grand mot« , recueil des mots d’une année comme nous n’en vivrons plus.
Ainsi tu nous fait voyager entre la décroissance, la culture woke (au passage merci de citer Barak Obama pour son analyse plus que pertinente de ce phénomène social), passant de la crise d’identité à la solastalgie comme on vogue du nucléaire à la décroissance. Vraiment, le parcours d’un mot à l’autre, d’un mois à l’émoi d’une année enfouie par la vacuité de nos conversations quotidiennes, me laisse ébloui.
Quel talent inouï pour contracter ce temps de bavardage en quelques pages essentielles ! Merci !
J’aurais pu te l’écrire de façon plus nuancée. Sans doute. Aurait-ce été plus doux, plus élégant ? Alors se pose la question de l’at de la nuance. Vois-tu, je suis convaincu que le choix des mots, seul, nous permet d’exprimer la subtilité de nos pensées. Pour autant qu’elles soient intelligibles, nos impressions du monde, nos réflexions sur les moments de vie que nous percutons de notre présence rarement souhaitée, nos discussions animées autour de sujets que nous ne maîtrisons guère, exigent de nous quelque vocabulaire. Sans un minimum de mots à notre disposition, aucune éloquence, ni aucune nuance ne sont accessibles. Nous serions engagés certes, mais pauvres en analyse, comme en dissertation. Et pour reprendre les propos d’Hannah Arendt, nous serions plongé dans « l’indécence devenue tristement ordinaire« .
Note de la rédaction : si tu n’as pas eu le plaisir de lire l’édition 2021, ces derniers mots sont ceux de Delphine pour le mois d’avril (cf https://www.unbiengrandmot.fr)

Mais ton ouvrage est une source d’inspiration pour de multiples raisons. Avant tout, partager notre vision du monde, nos combats, nos espoirs et nos amours (de la vie, du client et même de l’autre), est une forme d’expression. Là, où se pressent les partisans de l’image, de la vidéo vite tournée, de la reprise instantanée du hashtag tendance, celui qui prend la plume choisit d’aligner, d’arranger, d’harmoniser les mots qui chantent sa pensée. Nul doute que les mots seront ensuite soumis à interprétation. A la critique aussi. Virulente parfois. Un mot plus haut que l’autre et tout un vacarme envahi aussitôt l’espace et se répercute dans le temps comme autant de ricochets sur la marre.
Alors faut-il nuancer son propos ? Faut-il le polir pour qu’il soit plus largement accepté ?
Je crois comme toi (tu voudras bien m’excuser pour cette affirmation sans justification) que la force des mots provient de leur acceptation par ceux et celles qui les lisent. D’un mot à l’autre, nous voyageons. Nous nous laissons porter vers un horizon incertain, guettant la dernière phrase comme l’enfant espérant un dernier tour de manège. Certain qu’il y aura un mot d’explication, fébrile à l’idée que tout puisse s’arrêter trop tôt.
La nuance est vapeur. Elle enrobe le propos, l’assouplit comme un ravioli chinois. J’aime, au contraire, cette idée d’être cru, parfois tranché même. Et pourtant, il faut, tu as raison, faire l’éloge de la nuance, en ces temps de dénonciations haineuses, de calomnies pitoyables, de joutes verbales minables qui envahissent la toile et pourrissent notre lien social. Je retiens la leçon. Je tenterai à l’avenir de faire preuve de davantage de nuance, lorsqu’il s’agira d’exprimer un désaccord.
Mais pas pour dire combien j’aime ! Non ! Pour cela, je continue de croire que mon coeur est brulant et qu’il s’embrase pour la beauté de la vie et des rencontres qu’elle m’autorise.
Merci Delphine et vivement les mots de 2022.