Alors les vieux ça boome ? Dans la série on peut rire de tout à tout âge, il est rare de trouver un media qui donne la banane aux jeunes seniors. Pourquoi ? C’est la question que s’est posé mon ami Gaël, en entendant ces parents mais aussi leurs amis, lui relater comment ils sont submergés par les mauvaises nouvelles ou les reportages alarmants sur le choix de leur futur cercueil ou de la clinique qui traitera leur arthrose, en passant par les vendeurs de fauteuil roulant bientôt indispensable. Mais la vie des seniors est bien plus animée que cela ! En tout cas, elle devrait l’être…

Rencontre avec Gaël Muller, fondateur d’un nouveau media consacré aux seniors qui bougent encore : Senior Sessions.
Patrice : « Alors comment ça se passe, cette retraite bordelaise ? »
Gaël : « Je ne suis pas à la retraite. J’ai retrouvé une vie près des gens que j’aime et j’ai arrêté les aller-retours chaque semaine entre Bordeaux et Paris, pour avoir plus de temps. Tu sais, à un moment, tu as envie de t’arrêter de courir et de profiter des sourires des gens. Mes parents par exemple, je les ai vus plus souvent et c’est d’ailleurs en les écoutant que cette nouvelle aventure est née. »
Patrice : « Tu as toujours écouté les gens, mais pourquoi les seniors ? »
Gaël : « Ce qui m’a vraiment intrigué, c’est le traitement médiatique que nous faisons des seniors en France. Soit on leur parle avant qu’ils ne soient à la retraite, en mode tout savoir pour te préparer à ce changement de vie, soit on leur parle lorsqu’ils sont proches de l’Ehpad ou du cimetière, avec des sujets hyper anxiogènes. Pour celles et ceux qui sont en pleine forme, qui ont des tonnes d’activités, tu ne trouves rien. Un constat étrange, comme si la peur était le seul moteur de l’information. Alors qu’ils sont actifs et même plus actifs que d’autres et qu’ils aiment s’amuser, rire, et partager des bons moments. Et je n’ai pas envie que mes parents soient submergés par des messages négatifs; c’est ce qui m’a motivé. J’ai ensuite testé mon idée en réunissant un focus groupe de jeunes seniors, qui l’ont validé également. Aujourd’hui je lance Senior Sessions avec cette mission très claire de les aider à vivre et à partager des instants de vie magnifiques. Je leur donne des idées, des conseils et des bons plans directement sur un plateforme digitale sous forme de blog et alimentée par une newsletter hebdo. »

Patrice : « J’adore l’idée ! Mais quel est ton business modèle ? »
Gaël : « A la base, je ne fais pas cela pour l’argent. C’est davantage une mission sociale. Mais le modèle peut être très vite rentable car ce ne sont pas les seniors qui contribuent financièrement. Pour eux tout est gratuit, et parfois même ils y gagnent. Mes partenaires sont des marques qui veulent tester leurs produits sur un panel hyper qualifié. Je leur présente un panel sélectif auquel ils fournissent un produit ou une service gratuit et je leur fournis des résultats et une analyse qualitative. J’ai aussi des annonceurs qui peuvent sponsoriser une newsletter. Bref, je finance le modèle par les annonceurs. A terme, j’ai une offre très quali à proposer à toutes les marques qui veulent adapter leur offre à cette cible. Pour le reste, je recherche des bons plans auprès de partenaires, tels que des musées, des restaurants, des organismes touristiques, des associations, etc… Découvrir les bienfaits du Yoga ou participer à un atelier de cuisine spécial senior, sont des offres que tout le monde va me réclamer. »
Patrice : « Bravo ! Pour l’instant, tu démarres et comment est-ce que tu recrutes tes abonnés ? »
Gaël : « Le truc, c’est de bien comprendre que cela ne sera pas facile de les convaincre en postant des photos sur Instagram. En revanche, quand je vais sur un salon dédié aux seniors, nous avons le temps de la discussion et la transformation est vraiment très bonne. Donc, j’ai envie d’aller à leur rencontre, de les écouter, de leur expliquer pourquoi ce media est fait pour eux et d’accueillir de plus en plus d’abonnés à Senior Sessions. Il y a moyen de créer une vraie communauté de seniors actifs, qui n’existe pas ailleurs. C’est curieux mais c’est comme ça. »
Patrice : « Tu as lancé le blog et la newsletter il y a quelques semaines, quel est l’accueil de tes lecteurs ? »
Gaël : « J’ai un accueil extraordinaire ! Des taux d’ouverture qui montrent bien qu’il y a une réelle attente de ce type de bonnes nouvelles. Ils reçoivent la news le lundi pour bien débuter la semaine et être au top. Et puis je leur ai tous écrit individuellement pour avoir leur feed-back. Comme tu le sais c’est ma culture, j’aime écouter et tirer des leçons de ce qu’ils expriment. Ils me proposent des sujets, des activités, des questions sur lesquelles ils cherchent vainement des réponses, comme sur les pratiques digitales par exemple. Ca donne envie d’aller plus loin, et le sentiment que l’on va faire une longue route ensemble. Je crois que la communauté va croître mais je ne suis pas pressé et je n’ai pas vraiment d’objectif pour l’instant. Une chose est sure, le modèle est solide et peut suivre un fort développement. D’ailleurs, nous commençons sur Bordeaux, naturellement, mais demain nous irons à Paris, à Nice, etc.. L’idée est d’avoir des éditons régionales rapidement même si aujourd’hui nous donnons des informations à 80% au niveau national. »
Patrice : « Tu veux dire que tu n’es pas dans le modèle start-up ? Tu ne cherches pas à lever des fonds ? »
Gaël : « Je connais bien cet écosystème, puisque j’étais le co-fondateur de FanVoice il n’y a pas si longtemps. Tu imagines que je connais les mécanismes des levées de fonds et de la course au financement. Pour l’instant, je continue d’assurer mon business de consultant et je lance Senior Sessions avec Mathilde, une jeune collaboratrice que j’ai recrutée. Si demain, on doit se développer, le modèle permettra de recruter progressivement. La force de la communauté fera le reste. S’ils adhèrent au modèle, ils seront les premiers à recruter autour d’eux. Nous aurons comme mission de trouver les bons contenus et d’aller chercher les bons partenaires. On verra plus tard, si nous avons besoin d’argent pour aller plus loin. Mais il n’y a aucune urgence. Tout va bien comme ça. Si je suis revenu à Bordeaux c’est justement pour apprécier le temps de faire les choses. »
Patrice : « Et ce temps de partage que tu apprécies avec tes lecteurs, tu vas le préserver à l’avenir ? »
Gaël : « J’espère vraiment y arriver. C’est tellement gratifiant. Tu parles avec des vrais gens, que les agences de com et les marques ont laissés de côté. Aujourd’hui, elles ne savent pas comment leur parler. Mais si tu prends le temps d’aller à leur rencontre, tu découvres des passionnés, des gens généreux, qui aiment et osent s’éclater aussi. Comme dans le groupe de motards que je fréquente régulièrement. Il y a des jeunes, la catégorie d’âge moyen on va dire, et puis 25 ou 30% de seniors actifs qui aiment faire un tour de bécane. Alors ils ont envie de savoir ce qui anime les jeunes, de quoi ils parlent, quelles sont les blagues qui les font rire, les rappeurs qu’ils pourraient écouter ensemble, et ils me demandent à moi de les connecter. Je trouve ça génial. Rien ne peut remplacer cette proximité, cette volonté d’échanger, de partager des repères culturels. Donc oui, demain je continuerai d’aller sur les salons, les événements où l’on peut se parler. C’est essentiel pour comprendre les gens. »
Patrice : « C’est vraiment un beau projet. Je vais en parler dans les marques qui font du bien. Et puis, si tu veux, tu me donneras quelques idées de marque, aussi. Merci Gaël et vive les seniors actifs !
Gaël : « Avec plaisir ! Merci à toi ! »