Et si c’était l’Odyssée ? Et si ce voyage devenait mythique ? Tu te prends à rêver que la destination qui se rapproche sera tellement belle que tu n’auras plus envie de la quitter. Pourtant tu n’as encore rien vu. Rien senti, rien embrassé du regard et de tes bras tannés par le soleil et le sel. Tu respires l’air et quelque chose te laisse imaginer que tu n’es plus si loin…
Alors tu penses à ce moment où tu toucheras au but. A cette délivrance d’un poids qui charge ta barque depuis le premier jour, car enfin tu y seras. Ouf ! Sans cet objectif lointain mais séduisant, tu ne serais pas parti, tu le sais. Ou plutôt, le penser te rassure. Déjà tout ce temps que tu voyages et voilà que tu ne sais plus compter les jours. Mais si désormais tu es plus proche de l’arrivée que du départ, alors tu n’as plus le choix et tu vas parvenir à destination. Tu ne doutes plus de cela. Tu t’interroges maintenant sur ce que tu y découvriras. Parce que la vraie question qui te taraude est celle de la réalité qui se dressera devant tes yeux et qui aura justifié tous tes efforts. Ou pas.

Le marketer est assis au milieu du voyage. Le jour où il parvient au but, se pose-t-il cette même question ? A-t-il conscience des efforts fournis, des moyens engagés, pour un si fragile résultat ? Comment fera-t-il pour justifier ses actions, le calcul du ROI est-il suffisant ? Tu le constateras aisément la plus grande majorité des actions mises en oeuvre par le marketer n’ont guère fait progresser la marque vers un avenir plus souriant. Certes, il s’est employé à mesurer un résultat aussi faible et contestable soit-il, mais rarement il aura pris conscience de la pauvreté de sa conquête. Il y parvient coûte que coûte et se demande pourquoi tout ça pour ça. Car ce n’est pas le tout petit pourcentage de progression sur un indicateur souvent caduque qui permet d’affirmer que la trajectoire est bonne. Que la destination est proche. Ah les vents contraires, ah le contexte de crise imprévu, ah les misérable errements des concurrents qui brouillent les pistes. Tout est à trouver quelque part dans une explication extérieure pour cela qui n’avance pas.
Mais voilà que le voyageur se projette plus loin encore que sa destination. Qu’en rapportera-t-il ? Quels trésors merveilleux pourrait-il proposer à ceux qui l’attendent lorsqu’il en reviendra ?
Tu imagines en effet, que le voyage aura un retour. Une odyssée qui promet à Ulysse de retrouver Pénélope et son fils Télémaque sur leur île d’Ithaque après ce long voyage vers Troie. Et tout le génie d’Omère dans ce deuxième poème, est de nous instruire au voyage vers l’intérieur. Comme le dit si bien François, avec qui nous discutions voyage et narration, hier, le héros revient transformé par son voyage. Cette transformation qu’il cache parfois aux yeux des siens (dans le cas d’Ulysse, il faut se souvenir qu’il est parti depuis 20 ans et qu’il a souffert mille épreuves), lui apparait pourtant flagrante, lorsqu’il prend le temps de s’examiner en toute humilité.

Ce qui m’intrigue dans le récit du voyage, c’est cette volonté que nous avons d’imaginer quelque chose d’extraordinaire à rapporter avec nous. La prise de Troie justifiait-elle 20 langues années d’absence et de souffrance pour Pénélope ?
Aussi lorsque tu t’approches de la destination, lorsque tu penses au voyage de retour, il est essentiel que tu te concentres sur ce que tu vas rapporter aux tiens. Oui, il s’agit bien de la valeur créée pour ta communauté, tes clients, tes collaborateurs. Ils ont accepté que tu partes, mais ne revient pas les mains vides. Si tu as grandi, si tu t’es révélé dans ce voyage, il serait généreux de ta part de leur en faire profiter, qu’ils aient eux aussi accès à cette richesse que tu as découverte. Mais le marketer se soucie-t-il vraiment de cela ? Est-il doté d’un courage suffisant ? Peut-il penser au bien-être des clients avant même de se focaliser sur les résultats de ses actions ?
Evidemment Ulysse raconte ce qu’il veut. C’est un récit de 20 ans d’aventure. Ce qu’il présente, ce qu’il illustre de personnages peu communs, ses dialogues avec les dieux, tout est éblouissant. Tout donnerait envie de le suivre jusqu’à Troie. A condition qu’on le trouve nettement plus beau (intérieurement) qu’il n’était au départ.
Je ne vois pas l’intérêt du voyage autre part. Et parce que je souhaite en rapporter quelque chose et montrer à qui voudra, que je ne l’ai pas entrepris pour rien, je m’interroge constamment sur ce que je vais découvrir à destination…
Bientôt !
Pour l’instant, je te laisse méditer à la valeur créée par tes actions.
#onenparle
PS : tu peux remonter le voyage dans le temps – 3 autres escales t’attendent…
PS2 : merci François pour ce retour vers l’Odyssée…