Tu sais que certaines rencontres vont se produire. Tu le sens. Et puis un jour tu reçois un message privé sur ce réseau que l’on souhaite réserver à des collaborations professionnelles pour simplement te partager une réaction. Une émotion. Déclenchée par un message employé par une marque. Amusement, agacement, envie de dire quelque chose pour arrêter ça.
Alors Karine, que tu connais pour la lire avec attention, me propose un exercice qui me plait déjà : écrire un texte à quatre mains. Ou plutôt se compléter l’un l’autre. Une écriture singulière pour une pensée collective autour de mots que nous aimons ou que nous ne supportons plus. Rien de prétentieux, tu le verras. Un bonheur simple de partager quelques mots ensemble. Pour toi.
Si tu aimes, n’hésite pas à le dire, à l’écrire, parce que nous avons probablement d’autres sujets à aborder, Karine et moi.
C’est là, juste en dessous :

J’peux pas, j’ai…rien de mieux à dire ? »
« J’peux pas, j’ai Grand Frais ». Ai-je bien entendu ? Il s’agit pourtant d’un nouveau spot radio, non? Cette chaîne de distribution de produits alimentaires premium aurait-elle ressorti une campagne de derrière les fagots? Une publicité basée sur une expression populaire que tout le monde aurait oubliée ?
J’peux pas, j’ai… football, hip hop, poney, bière, kamasutra… A l’époque, tout était prétexte à ne pas pouvoir. Et à s’en amuser.
Mais ça, c’était avant 😉
« J’peux pas, j’ai … » a été décliné à tous les modes, à tous les temps et… à toutes les sauces. Verbes, noms, adverbes, marques… Certains faisaient sourire, d’autres moins, en fonction du contexte.
« J’peux pas, j’ai… » a investi les lieux, telle l’odeur du curry dans un vol New Delhi – Paris. Jusqu’au moment où le personnel au sol doit ouvrir la porte de l’avion à l’arrivée pour être pris de dégoût par la surabondance de la vague nauséabonde. On s’habille « J’peux pas, j’ai … », à coup de t-shirts, vestes et autres sous-vêtements. On mange « J’peux pas, j’ai… » dans les assiettes, les mugs et autres ustensiles de cuisine. On étudie avec des « J’peux pas, j’ai… » sur les classeurs, les trousses et les agendas.
J’peux pas, j’ai…pas tout compris. Ce spot radio pour cette chaîne de produits frais premium, c’est du recuit? Une blague d’agence ? Un tic de langage du stagiaire ? Je m’en remets à Patrice. Tu peux, toi?

Du coup (1), Karine, je peux…
Je peux te dire que nous avons des intersections évidentes dans notre lecture des codes de la communication. Nous écrivons, nous racontons, avec des mots choisis, des mots qui sortent de nos esprits et non d’un placard à punch line surannées.
Alors quand tu croises un j’peux pas j’ai, tu n’en crois pas tes yeux, et tu partages cet état de surprise dégoutée avec moi. Merci. Parce que l’utilisation de codes exploités à outrance, révèle la pauvreté d’imagination et le désespoir du créateur de contenu qui souhaite toucher une cible large. Il ne peut pas faire autrement.
Il a un rendez-vous avec ce qu’il croit être une culture de marque et qui n’est qu’une mauvaise cuisine à base de fond de frigo ou de restes de la veille. Rien de frais, c’est certain. Rien d’audacieux, rien de surprenant non plus. Un caddie qui déborde d’un foutras de bonnes intentions, malheureusement périmées.
Si certains croient encore que la culture se construit autour d’éléments de langage recyclés, nous devons leur dire qu’ils sont dans le zéro. Et même moins. Le langage surgelé n’est pas comestible lorsqu’on le passe au micro-ondes. C’est en créant un nouveau langage, de nouveaux codes, de nouveaux réflexes dans la conversation qu’une marque peut espérer créer une culture.
C’est difficile ! Oui ! C’est compliqué à mesurer sur l’instant. Oui encore. Tout le monde n’y arrive pas… Et si toi, tu ne peux pas, demande de l’aide. Karine peut. Et peut-être que moi aussi…
#onenparle
(1) Si tu crois que je ne t’ai pas vu venir… Je sais bien que tu n’en peux plus, du coup. Alors vois-tu, c’est exactement le même ressenti que nous éprouvons à propos de certaines expressions que chacun préférerait voir disparaitre dans l’oubli collectif. On se capte plus tard, du coup ?…