Le storytelling dans son expression la plus épurée, la plus noble, ce serait une histoire que le consommateur se raconte, vit, mémorise à partir de ses propres fantasmes, de ses expériences, de ses héros, de son imagination. Ainsi lorsqu’il restitue un sentiment fort comme l’amour pour une marque, c’est nécessairement qu’il la croit, au sens religieux de la croyance, il en est par conséquent devenu fidèle.
Une marque peut-elle contribuer à notre bonheur quotidien, à créer du lien social ? C’est ce qu’affirme avec succès Coca-Cola depuis plus d’un siècle et l’occasion de célébrer la bouteille la plus connue au monde, est aussi celle de la campagne Together aux visuels innovants, puisque sans marque, et sans produit.
Décryptage avec Nicolas Lautier, directeur de la création de l’agence Ogilvy et Mather Paris @Ogilvy_Paris :
Patrice : Cette campagne fortement émotionnelle, implique la mémoire affective du lecteur / spectateur / consommateur – Est-ce une volonté de ne pas « adresser » les « indifférents » (ceux qui ne « verraient » pas la marque) ?
Nicolas : Cette campagne Coca-Cola est de part l’essence même du brief un peu différente de toutes les autres campagnes auparavant produites par la marque. Ici, nous cherchons à célébrer les 100 ans de la bouteille. La boisson n’est donc pas le héros principal de la campagne. Coca-Cola est une marque iconique, et cette iconicité ne se limite pas seulement au produit en tant que tel. La marque a un univers fort, une couleur forte, un produit fort – évidemment – mais aussi un packaging très particulier. C’est ce packaging, la bouteille en verre appelée Contour, qui est le centre de cette campagne.
A travers cette série de prints/film nous avons voulu rendre hommage à l’iconicité et à la pureté du design de la bouteille – ce que nous avons tenté de réaliser en gardant un visuel très design et pur – mais aussi rendre hommage au fait que cette bouteille traduit la philosophie de la marque. Une sorte de « Happiness is in your hand ». L’idée de rapprocher les gens. Pour en revenir au côté épuré de la campagne – sans logo, sans produit, sans signature mais 100% Coca-Cola – elle s’adresse effectivement à notre mémoire, au côté populaire de la bouteille et de sa forme. Elle est, paraît-il, une des seules bouteilles que l’on peut reconnaître dans le noir.
Patrice : Coca-Cola fait partie des marques « clivantes » : beaucoup l’aiment, beaucoup la détestent – « Peace and Love » est-elle une tentative de réconciliation ?
Nicolas : Ce que nous avons voulu transmettre à travers cette campagne est un prolongement de la « philosophie » Coca-Cola : le bonheur. Rassembler les gens autour de l’amour et de la paix était pour nous une des manières les plus iconiques et universelles de mettre en avant cette notion de bonheur. « Happiness is in your hand » aurait pu ainsi signer cette campagne.
Patrice : Faire disparaître le produit et la marque des visuels print, est-ce laisser le lecteur / consommateur se construire sa propre histoire ? Est-ce le stade « intelligent » du storytelling ?
Nicolas : Peu de marques peuvent se permettre de type d’exercice. Cela s’adresse aux marques qui sont rentrées dans la culture populaire, qui ont un produit iconique et un fort passé publicitaire. L’idée de faire « disparaître » la marque et le produit pour mieux le révéler est une manière de mettre en avant ce côté populaire. Une marque se doit de raconter des histoires, son histoire, que ce soit à travers son produit, son identité ou bien même son packaging. De là à dire que c’est le stade « intelligent » du storytelling, ce serait un manque cruel d’humilité. Je pense juste que, parfois, la simplicité peut ramener un peu plus d’intelligence. L’expression même du « Less is more ». Il est parfois important de ne pas trop prendre le lecteur ou le consommateur par la main.
Merci Nicolas pour ces réponses limpides et inspirantes. J’espère que ces valeurs fortes seront appréciées de la communauté Coca-Cola, comme un témoignage de confiance, une volonté de poursuivre Together sur le chemin du bonheur !