Oui je sais bien qu’il y a des jours comme ça !… Oui, ce n’est pas forcément la même expérience pour tout le monde ; il est donc absurde de généraliser. Nous sommes d’accord… mais !
Marianne qui défend notre service public chéri (et parait-il, envié du monde entier), me l’annonce en couleurs : elle a pris 5 engagements clairs pour me (vous) rendre un meilleur service. Bien ! Moi qui tente d’expliquer en quoi l’engagement est essentiel au marketing, j’en suis ému d’avance…
Et puis, il y a la vraie vie, et je vais pouvoir mettre Marianne à l’épreuve ! Sympa !
Contexte de l’expérience : je viens aux services des impôts de mon domicile, demander un certificat de résidence fiscal pour ma fille (ainée), partie pour un VIE d’un an aux USA. Un document que j’ai pu voir sur le site impôts.gouv.fr, qui tient en une page recto avec mention de ses noms, adresses et qualité, assorti d’une petite signature de l’administration compétente. Un vrai jeu d’enfant, me dis-je, confiant, en arrivant à 9h45, afin d’éviter ceux qui ne peuvent pas faire autrement que de débuter leur journée en passant par la case impôts.
Un accueil courtois : premier point ! Rien à dire, puisqu’une personne vient à ma rencontre dans la file d’attente pour s’inquiéter de l’objet de ma visite, et m’indiquer de prendre un numéro, puis d’attendre là-bas. Tiens, j’ai tiré le numéro 13 ! Est-ce bon signe ?
Des horaires adaptés : adaptés pour qui ? on peut se poser la question, puisque les visites sont autorisées de 8h45 à 12h puis de 14h à 16h sauf le mercredi qui est fermé (pour ceux ou celles qui auraient un jour libre pour garder leurs enfants par exemple). Et si tu travailles ?… bref !
Les 3 autres engagements sont : une écoute permanente, des informations claires et des délais garantis. Magnifique ou presque ! Quand le numéro 14 succède subrepticement au 12, je ne peux cacher ma surprise : pourquoi ? La dame de l’accueil sentant bien que « ça râle un peu dans le fond », vient à mon secours : « vous comprenez, depuis qu’on a supprimé des fonctionnaires, ça change tout le temps, les systèmes, donc voilà le résultat.. mais vous allez être reçu à un autre guichet parce que votre demande est particulière. » Ok ! pas de souci, je ne suis pas à un numéro près, dis-je au numéro 14, qui semble tout penaud de devoir me passer devant (non sans s’excuser… courtoise des vrais gens).
Viens mon tour et naturellement, je suis reçu par le même guichet que le numéro 14 ! J’ai envie d’en sourire avec la personne en face de moi mais je vais à l’essentiel et lui expose ma requête. « D’accord », me dit-elle, après avoir vérifié sur son écran et sur le livret de famille, que je suis bien le père de ma fille : « je vais lui envoyer le certificat à son domicile ». « Ah non ! », ai-je répondu un peu trop vite, avant d’ajouter : « je vous ai dit qu’elle vit à Seattle en ce moment et c’est pour cette raison que je suis venu le chercher moi-même. Et puis son domicile, c’est chez moi. » Et là, c’est le début de l’expérience, en fait. On me parle comme à un enfant de 3 ans. Je proteste et ça se termine par : « je vais vous adresser à mon supérieur ». Ok !
La « supérieure » en question va ré-entendre mon histoire et me répondre, à ma grande surprise, qu’il me faut une procuration pour obtenir le document. Pourquoi ? « Parce que c’est le règlement ». Ah !? Vous auriez pu l’écrire sur le site internet. « Pfff, votre fille est majeure donc c’est évident ! ».. heu ! évident pour qui ? quel rapport avec le document demandé ? Je demande alors à voir le règlement en question… (oui je peux être un peu chiant aussi… et j’ai tellement de « vécu » avec l’administration que je ne me laisse pas si facilement renvoyer dans ma niche). Bingo ! Après 30 minutes, j’entends : »bon d’accord, je vais le faire, à titre tout à fait exceptionnel, mais avant cela, allez me chercher le courrier de la banque ! » Vraiment ? Vous êtes certaine d’en avoir besoin ?…
Je reviens avec le courrier et « la supérieure » m’indique gentiment le bureau de sa collègue, « qui va vous le faire tout de suite ». Erreur ! La collègue, inspectrice de sa fonction et que j’appellerai ici madame C, me dit alors qu’elle ne peut pas le faire, sans un certificat de scolarité !.. Quoi ? « Monsieur, votre fille si elle est sur votre déclaration, c’est qu’elle est étudiante et donc, vous devez le prouver ! » Ah !… Cette fois, je n’y suis pas arrivé. Elle a été plus forte que moi (c’est la supérieure aussi) : « puisque vous me dites que ça fait 50 minutes que vous êtes là, vous devriez rentrer chez vous, m’envoyer le certificat de scolarité par mail, et je vous enverrai votre formulaire signé en retour ». Chiche ! « Quelle est votre adresse ? Avez-vous une carte de visite ? » Ben non, mon pauvre monsieur ! Ce serait trop facile ! « vous écrivez à l’adresse mail du centre et vous me rappelez si vous ne recevez rien.. » Mais bien sûr !… Sur ces entrefaites , la dame de l’accueil entre dans le bureau (sans frapper) et déclare : « j’ai trouvé votre formulaire mais il faut plusieurs jours pour qu’on vous le remplisse ». Ah ? tu crois ? ben non, en fait, ce n’est pas du tout celui-là et puis tu vois, l’inspectrice, là, elle m’a dit qu’elle le ferait aujourd’hui (je ne peux pas dire ça, je le pense et j’ai des picotements dans les mains)… Et puis, c’est inutile de me hurler dessus. « Non, elle ne crie pas, elle parle fort », me rassure, madame C. Ouf ! j’ai failli perdre mon calme !…
Je suis revenu (après un vif aller-retour vers mon domicile) avec le fameux certificat de scolarité, sur lequel madame C a jeté un oeil à peine amusé, avant de plonger dans son écran d’ordinateur pour vérifier ma déclaration d’impôts (non sans me lâcher : « je fais ça vite fait mais normalement ça prend beaucoup plus de temps »). Tu m’étonnes ! Silence et zen attitude ! Madame C remplit les 3 lignes du formulaire, presse le bouton print et dans la seconde, son imprimante crache deux copies. Elle les signe, m’en tend une. Madame C me demande alors (sans que je ne perçoive la moindre ironie dans sa voix) : « je peux garder le certificat de scolarité pour le dossier ? » … Ben oui, je crois l’avoir apporté pour ça, non ?… Allez, il faut partir maintenant, Patrice, sinon, tu vas la massacrer…
2 heures ! oui oui, 2 heures pour un papier rempli, imprimé et signé en moins de 2 minutes ! 4 personnes vues et 4 histoires différentes; autant de tentatives ridicules pour ne pas me donner un formulaire que j’ai finalement obtenu. Où sont les engagements de Marianne ? Faut-il croire, comme je l’ai dit dans un moment d’agacement (que mon lecteur me pardonnera) que ces personnes n’ont rien d’autre à faire ? Est-ce un jeu ? Celui de se refiler le contribuable un peu difficile de collègue en collègue, par exemple, sur le mode : c’est celui qui l’a à la fin qui a perdu !!??.. Est-ce pour justifier que les contribuables sont décidément bien insolents et pénibles ? Faut-il vraiment conserver ce système alors qu’un clic sur le site devrait pouvoir nous éviter ce délire ?
Je suis navré madame C. Oui vous avez certainement un ami ou deux parmi les contribuables qui osent vous dire merci (et soit j’ai assisté à plus belle arnaque en direct dans votre bureau, soit il y a réellement eu un appel d’un monsieur qui vous remerciait). Mais lorsqu’en fin de compte, je vous demande si vous pouvez me faire une copie du formulaire, et que vous me répondez : « vous vous la ferez vous-même », ne flirtez-vous pas d’un peu trop près avec l’abus de pouvoir et la provocation ?
Dans l’expérience, le client (et même le contribuable) aura toujours besoin d’écoute, de bienveillance et même parfois d’empathie ou de générosité. Ne pas le comprendre, c’est courir à sa perte, et sans aucun doute au non remplacement de poste. Ne pas tenir ses engagements, est une catastrophe économique et marketing. Ne pas former ses personnels à aller au-delà d’un simple discours, est une attitude suicidaire. Quand madame C, énervée par ma persévérance, me confie que « son boulot c’est de faire rentrer du fric dans les caisses de l’état », j’ai presque pitié d’elle. Elle ne le pense pas, certes, mais elle fait tout pour qu’on lui dise. Si les marques ne veulent plus entendre les clients les accuser des pires arnaques, elles devraient commencer par aimer leurs clients, quoi qu’il leur en coûte.
Marianne, fait un effort ! Aime-nous davantage !
Ca au moins ce sont des émotions, façon administration! – Guy