Lundi prochain, commencera une nouvelle aventure en mode radio : je serai l’un des trois co-host d’une room intitulée : Vidéo Canapé !
Drôle de nom pour une drôle de rencontre initiée par des belges (ou presque) qui m’ont très gentiment proposé de faire débat autour des vidéos qui nous inspirent et qui changent nos vies (à la marge ou fondamentalement). Et, bienveillance ou tentative de séduction, le premier sujet dont nous parlerons est justement l’intelligence émotionnelle, évoquée dans une conférence par Bernard Flavien (si tu veux un raccourci vers ce contenu, va vite en bas de cette page pour y cliquer sur le lien… #ahahah).
Or, tu t’en doutes, toi qui me lit avec constance (et non il ne s’agit pas ici de savoir si Constance est dans ton lit… ta capacité à imaginer des scènes insolites m’étonnera toujours…), je ne suis pas d’accord avec tout et parfois même pas d’accord du tout ! Sacré Bernard !

Alors, quel est le point de discorde sur lequel nous pourrions débattre des heures ? Oui Bernard, la peur nous fait parfois prendre des décisions, notamment celle de fuir le danger, ou. de protéger les autres quitte à nous sacrifier. Oui la peur de la sanction, de l’échec, nous « oblige » à agir, à écrire la nuit pour rendre une copie, une présentation ou même un manuscrit dans les délais. Oui la peur du rejet par l’autre, par la communauté, nous incite vivement à faire comme les autres, et même à justifier l’achat de nouvelles Stan Smith par le fait qu’elles sont produites à 50% en matériaux recyclés… Le consommateur n’est pas à une justification ridicule près ! Mais devrions-nous appeler cela de l’intelligence ? (ne se comporte-t-il pas comme un con-somatique?)
De la même façon, lorsque Bernard nous explique que nous ne pouvons agir que sur la gène, celle qui empêche le plaisir, il me semble que le déni de la joie, ne se justifie pas. Car Daniel Kahneman, pour ne citer que lui, a largement démontré que notre cerveau reptilien et en conséquence, nos intuitions, nos réactions émotionnelles, nous conduisent à de mauvaises décisions aussi. Or nous pouvons apprendre à notre cerveau à distinguer ce qui est bon de ce qui est mauvais pour nous, et pour les autres. Nous pouvons lui indiquer quand il doit mettre en place un marqueur somatique positif #oupas. Ainsi quand je courre 10 kms, il y a à la fois une impression de fatigue, de lassitude intense, qui m’indique une souffrance morale et physique, mais aussi un sentiment de plénitude, d’accomplissement d’une performance, qui peut me procurer un plaisir, une joie certaine. Dès lors, c’est l’interprétation que je décide de privilégier, qui marque l’événement comme positif ou négatif. Positif, je recommencerai volontiers ; négatif ce sera sans doute mon dernier footing !..
Tout est donc question d’interprétation des signaux émotionnels que notre corps envoie à notre cerveau pour traitement. Or notre cerveau ne croit pas indispensable de tout traiter – les fameux 10% – et nous réagissons sans nous en rendre compte à certains signes extérieurs (ainsi nous évitons le bus qui nous aurait écrasé sans même l’avoir vu – nous n’avons jamais eu conscience de sa présence au sens du visuel mais notre cerveau l’a vu néanmoins – il a préféré un circuit court de décision nous donnant l’ordre de ne pas traverser).

Interpréter, c’est choisir une intention. Si j’ai l’intention de progresser en course à pied, et par conséquent de suivre un plan d’entraînement, j’interprèterais tous les signaux, y compris ceux fournis par ma montre connectée, comme positifs. Si j’ai couru par « obligation », sans réellement y croire, alors tout sera matière à critique négative et à l’abandon de la pratique. Procrastiner est le mécanisme préféré de notre cerveau paresseux. Alors, oui je rejoins Bernard, lorsqu’il explique que laisser du temps à notre cerveau pour y réfléchir, est une sage décision de l’humain. En prenant son temps, nous gagnons en ouverture d’esprit dans l’analyse de nos ressentis. Nous faisons l’effort. L’effort de changer de point de vue, de considérer celui de l’autre, de comprendre que certaines émotions sont dépendantes du contexte et de notre intention de départ. Ainsi nous construisons une réflexion en allumant notre Système 2, et nous corrigeons les éventuelles erreurs de notre Système 1. Si l’émotion nous met en action, elle est parfois mauvaise conseillère. La colère nous mène le plus souvent vers des impasses.
Quid de la psychologie positive ? Pourquoi faudrait-il accepte d’être dirigé par nos peurs ?
Dans l’étrange ordre des choses de Antonio Damasio, que Bernard ne cite pas dans sa conférence de 2016, simplement parce que cet ouvrage est postérieur, l’auteur de référence pour le décryptage des émotions, affirme que l’humanité a créé le langage pour exprimer ses émotions. Qu’un être humain a souhaité dire, se faire comprendre par un autre, au moyen du langage, ce qui a facilité la cohésion sociale. Nos liens, nos tribus, nos nations, se sont créées autour de notre capacité à exprimer nos émotions, puis à les raconter dans des histoires. Evidemment nos émotions négatives sont toujours plus sensibles puisqu’elles alertent sur la mise en danger de l’un de nous. C’est d’ailleurs ce que nous voyons tous les jours sur les réseaux sociaux : les réactions négatives nous semblent davantage visibles – elles envahissent l’écran et elles génèrent d’autres ré-actions en chaîne. Mais dire merci, écrire je t’aime, prendre soin des autres, sont des expressions au moins aussi cruciales de notre humanité. Nous sommes des êtres d’émotion et surtout de plaisir, n’en déplaise à Bernard, et selon les philosophes que nous évoquerons sans doute tous les lundi, comme Spinoza. Vouloir nous réduire à nos peurs et à ce qui nous gène, est possible en marketing, et de nombreux écrits insistent sur l’efficacité de la résolution des points de friction, à toute étape du parcours client, mais pourrait-on aussi admettre que nous visons la joie et la surprise positive ?

Si l’humain est devenu plus « intelligent » que les animaux qui l’entouraient, c’est aussi parce qu’il a appris à se faire plaisir. Ainsi le sexe n’est pas la seule reproduction, la musique n’est pas seulement le moyen de différencier un son naturel d’une structure sonore organisée et reproductible par différents instruments, et les vêtements de simples peaux de bêtes nous protégeant du froid. Le « beau » est né (dans nos cerveaux humains) de la capacité à comprendre nos émotions positives. Il n’existe pas ailleurs !
Apprendre, travailler, décider pour son entreprise, créer une offre ou un produit, peut parfaitement s’inscrire dans la recherche du beau. Et les designers industriels ou même d’expériences digitales, ont justement cette mission, magnifique de rendre beau ce qui est pratique. A eux et elles, de faire naître la joie dans l’objet, la surprise positive dans l’utilisation d’une App comme d’un logiciel.
Plutôt que de miser sur la peur de manquer (le triste FOMO) les marketers devraient jouer avec notre quête de plaisir, de joies partagées. Le plaisir de faire, de vivre un moment ensemble, d’être mieux, de manger mieux, de mieux nous respecter et de prendre soin de notre environnement. Féliciter, encourager ceux qui font le beau, le bien, les doers, les makers, au lieu de passer notre temps à réagir avant qu’il ne soit trop tard, avant la mort, avant la disparition.
Restons positifs et parlons-en lundi prochain !
#lovefirst
PS : après tout, tu peux très bien trouver le lien vers la conférence de Bernard Flavien tout.e seul.e ! La vie n’est pas un raccourci ! 😉
PS2 : je dis aussi te préciser que ce n’est pas Constance sous les draps sur la photo qui illustre cet article… une prochaine fois peut-être…