Quand tu as commandé un joli tapis pour ton salon, tu l’attends avec impatience ! Tu le sais, puisqu’encore pour quelques semaines, ton salon est aussi un cinéma, un théâtre, un restaurant pour deux personnes, et le seul magasin ouvert 24/7 où tu puisses acheter des meubles (un jour quelqu’un m’expliquera pourquoi je peux aller acheter des géranium et des plants de tomates pour mon jardin mais pas les fauteuils (de jardin quand même) dans le même magasin… bref !
J’aime cette idée que lorsque l’on te livre, tu saches à quelle heure de la journée cet heureux événement se produira. Oui avec le télétravail, nous sommes souvent chez nous mais bon… avouons-le le créneau proposé entre 7h et 19h semble daté du moyen-âge lorsqu’on imagine le e-commerce en 2021. Justement, VIR est un spécialiste de la livraison des objets lourds comme les meubles et est équipé d’une technologie de géolocalisation qui permet de suivre le camion et ses livreurs minute par minute, tout au long de la tournée. Cool non ?
Si ton tapis est prévu à 14h18, il y a de très fortes chances pour qu’il soit livré dans le créneau à quelques minutes près – et même cet écart minime est visible sur une application, en temps réel. Le dernier kilomètre parfaitement maîtrisé, garantit une belle expérience client.
Oui mais qu’en est-il de l’expérience collaborateur ?
Le livreur chez VIR, supporte-t-il ce traçage permanent et ultra-précis de son parcours ? Ne se pense-t-il pas victime de flicage ? Comment pourrait-il prendre le temps d’une pause café, ou un stop au bar-tabac soit pour y commenter le résultat d’un match perdu par le PSG ou pour y acheter son paquet de clopes ? (Note de la rédaction : mes exemples ridicules ne sont aucunement une critique des préférences ou comportements des livreurs… et d’ailleurs, les livreuses existent-elles et vont-elles chez Séphora entre deux livraisons ?…).
Je te pose cette question de la cohérence des expériences entre les clients et les collaborateurs. On me répond souvent par la symétrie des attentions : ce qui est bon pour ton collaborateur est bon aussi pour ton client. Admettons #oupas que ce concept puisse s’appliquer, comment l’expliquer aux collaborateurs ? Désormais, sa tournée est remplie au maximum et il n’a plus une minute à perdre, au point qu’il refuse de prendre un café avant de reprendre sa route, s’excusant et vivant ce refus poli comme une réelle frustration (qui propose encore un café à un livreur ayant sué pour installer un canapé flambant neuf dans le salon ?)… Il est suivi, son chef d’équipe sait exactement où il se trouve et pourquoi il a pris du retard ; l’excuse classique des bouchons de la circulation, devient quasi impossible à exposer en défense.
Ma vision d’un business responsable me porte à croire (et c’est une croyance forte) que le temps maitrisé doit générer davantage d’efficacité et de rentabilité pour l’entreprise. Autrement dit, cela devrait profiter aussi au collaborateur en augmentant son salaire (ou en améliorant ces conditions de travail) et pas seulement au profit de la société, donc aux actionnaires. En cherchant quelques renseignements pour documenter cet article (oui il m’arrive de vérifier ce que je tente de te transmettre ici), j’ai découvert que VIR, entreprise familiale depuis 35 ans, a été rachetée récemment par un groupe soutenu par des investisseurs. Alors, l’interrogation est réelle. Mon livreur tracé et géolocalisé dans toutes ses actions, ses mouvements, ses pertes de temps, deviendra-t-il désagréable ? Au contraire, vivra-t-il mieux son expérience professionnelle parce que les clients qu’il aura livrés seront tous contents et le remercieront ?
Nous devrions penser aux humains lorsque nous améliorons l’expérience du client par la technologie. Il me semble que mon tapis a pris beaucoup trop d’importance et que mon insupportable impatience entraine quelques désagréments collatéraux. Or la livraison n’existe pas sans le livreur ! Et si finalement l’imperfection de l’humain perturbe un peu le délai de livraison, pourrais-je l’accepter au lieu de râler et de contribuer ainsi à la course à la perfection, qui nous rapproche pas à pas de l’automatisation de tous les métiers.

Au fait, mon livreur m’a gentiment remis mon tapis dans les bras, signalant son passage à l’heure prévue. Bravo ! Malheureusement, n’ayant pas le temps de le transporter jusqu’à mon salon, ni d’ouvrir l’emballage, il ne s’est pas rendu compte que ce n’était pas le bon tapis… J’ai eu beau l’appeler sur son portable, il m’a gentiment répondu que ce problème n’était pas le sien et qu’il n’avait absolument pas la possibilité de revenir chez moi le récupérer pur un futur échange. Amusante expérience non ?
Quelle idée de livrer parfaitement à l’heure le mauvais tapis ? A quoi cela peut-il servir ?
PS : évidemment, la prochaine fois, j’irai dans un magasin… en vrai ! et toi ?