A deux jours d’un événement, dois-je réviser ma pratique du tu ? Ou pas du tu (auras-dis AQueJohnny) ? Une chose est certaine, il y aura parmi les 3200 inscrits beaucoup trop de gens pour encore nous parler d’eux. Et si nous nous retrouvions face à face, toi et moi, sache-le, tu seras ma priorité. Dans son livre Je et Tu, Martin Buber, philosophe israélien né en Autriche et mort en 1965, définit la vie comme une rencontre. Nous n’existons qu’à travers l’autre, que parce que l’autre nous voit, nous entend, nous parle.
Et en BtoB ? J’aime penser que c’est exactement la même chose, et tu le verras sur la scène, ceux qui animent les débats sont d’abord là écouter les autres et pour les faire parler aussi. Il ne s’agit pas d’eux. Tout au plus peuvent-ils prendre du recul et introduire le sujet, les questions que l’audience aimeraient poser aux intervenants, en restant dans une neutralité de bon aloi. Le recours à la troisième personne (du singulier de préférence) installe cette distance naturelle et hygiénique entre eux et les autres, ceux qui parlent d’eux (avant tout).

J’aimerais te proposer ce défi. A toi Jean-Philippe, à toi Yann, à toi Thomas et aussi à Nicolas, Alexandre, Colin et Mohamed, de ne pas utiliser le Je et de faire place net au Tu. Qu’en dites-vous ?
Nous verrons ce que cela autorise comme éclairage sur des questions tournant de manière quasi obligatoire autour de l’efficacité commerciale et la génération de nouveaux clients. Liberté de parole, si Tu passes toujours avant l’avis d’un Je, qui ne peut être que subjectif et finalement sans intérêt pour un Tu toujours différent de Je.
Alors, lorsque viendra l’heure attendue de l’orateur le plus célèbre de Linkedin et de la ligne B du RER, ce moment où l’on nous clamera habilement un « marge ou crève » euphorisant ou immuno-déprimant, nous repenserons benoîtement à tous ces Je qui auront submergé nos conversations. A les écouter, il faudrait davantage parler de soi tout en écoutant les autres, malgré tout, afin de ne pas laisser passer l’occasion furtive de leur expliquer à quel point le Je peut les aider (et encaisser une grosse marge, faut-il le redire ?).
Trop de Je tue le Tu.
En BotB aussi, le Je parle trop, et trop fort. Il lui manque un peu d’humilité, de respect de l’intimité de la relation à peine initiée, et le temps limité qu’il s’imagine cause de cette envie débordante de s’exprimer, le rend par trop volubile Aura-t-il le temps de dire qu’il il est ? Pourtant, dévoiler son Je ne laisse que peu de chance au Tu. La rencontre selon Buber, est l’ouverture de nos sens, l’extra-ouverture même puisqu’il s’agit d’aller au-delà de soi, vers cet inconnu absolu que représente l’autre, tant qu’on ne le connait pas. Or il semble que la découverte d’autrui, cette ouverture au monde de la différence, est étrangère à toute comparaison, toute évaluation émanant d’un soi. Confronter l’autre à soi, est la probabilité la plus faible d’un nous.

Tu ressens alors cette envahissement par les Je, un peu comme si tu étais cette île éloignée de tout contact, préservée de tous les messages ciblés et scénarisés si finement que les explorateurs envoient à la mer, en ne doutant pas que l’un d’entre eux finira sur ton rivage, et qui un jour est piétinée d’un bord à l’autre de son sable immaculé. Un désastre écologique et humain. Un effondrement de tes barrières de corail, qui devenues pâles, ne retiennent plus la vie. Toi aussi, tu seras un Je performant, et tu accosteras fièrement là où d’autres Je se sont échoués. Magnifique épopée que cette course à l’île déserte qui illustre si bien l’océan bleu où nageront bientôt des milliers de poissons rouges… Il ne s’agit pas de nous. Il est davantage question de montrer la puissance des tenants du Je. Alors que chacun d’entre nous, ne rencontrera que quelques Tu, au plus une ou deux dizaine. Comment les reconnaitre sans les cibler ? Comment les connaitre pour ce qu’ils sont, d’abord des Tu ?
Si ton objectif lors d’un événement comme le BtoB Summit est la construction débutante d’un nous, il faudrait sans aucun doute concentrer ton attention, tes sens, sur le Tu. Et non pas sur ton Je.
Je-di sur une table ronde, il sera question des outils que nous avons adoré pendant ces deux années de plus ou moins confinement, et qui ont pris une place importante dans nos vies professionnelles. Webinar, événement virtuel, podcast, visio, pouvons-nous continuer à les utiliser ? Comment faire pour ne pas négliger le Tu dans un contexte ou le Je prend la parole à distance, non sans une certaine froideur ? Pourquoi ressentons-nous une vive frustration dans ce type de relation audio et visuelle ?
#onenparle #RencontronsNous