Tu sais que cette sensation de revenir au point de départ, est parfois déprimante. Elle peut être comprise également comme l’impérieuse nécessité de se retrouver, de reprendre là où tout avait commencé. Une boucle qui se boucle, un cercle qui se referme. Alors chaque fois qu’un mois se termine, chaque réunion à laquelle tu présentes des résultats, fussent-ils bons, te renvoie vers la ligne de départ. Et maintenant quoi ?
Si tu considères le prochain départ comme un nouveau voyage, c’est sans doute que le chemin n’est pas terminé. Avouons-le c’est ce que nous espérons tous. Toujours garder en nous ce désir de repartir. Oui mais serait-il possible que le voyage nous conduise là où nous étions il y a longtemps, déjà ? Je n’évoque pas ici simplement une destination, un lieu, comme cette école fréquentée en tant qu’étudiant, cette entreprise où nous avions débuté et qui nous accueille désormais comme un consultant ou un conférencier. Je pense au voyage intérieur. Celui qui te donne gout à la prise de parole dans un podcast, alors que tu as testé ta voix à l’époque des radios libres, celui qui te fait monter sur l’estrade, alors que tes profs avaient davantage vu en toi un élève médiocre et brouillon, voire timide. Celui qui te fait travailler sur un programme de fidélité d’une marque dont tu es client depuis 40 ans. Il y a tous ces moments où tu retrouves ta trace d’avant, comme le font les éléphants qui n’oublient jamais la route qu’ils ont empruntée. Cette sensation de boucle temporelle plus que spatiale, est un émerveillement pour l’humain des temps digitaux. Pendant qu’il fait des efforts immenses pour suivre le rythme des innovations technologiques, il aspire à se retrouver là où il a toujours su qu’il devait être.

Etrange phénomène que la visualisation du monde comme un gigantesque amas de cercle, parfois qui s’entrecroisent, souvent sont concentriques, tous suivant des trajectoires orbitales mystérieuses sur lesquelles se balade notre véhicule personnel. La force de Simon Sinek, oui tu le connais maintenant, ne réside pas tant dans l’idée du Why que dans cette représentation graphique en cercles imbriqués. Le Golden Circle. C’est cela la magie du concept. Comprendre que l’on fait le voyage d’un cercle à l’autre. Que le voyage vient de l’intérieur et se propulse vers l’extérieur. Ceux qui se focalisent sur leur why, sont une nouvelle fois aveugle à la dynamique. Tant que l’on a une perception vague de ce pourquoi l’on fait les choses soi-même, comment imaginer que les gens situés en périphérie de notre cercle intérieur (notre ADN pour le dire en mode communicant) puissent avoir envie de l’aborder. Une fois posée cette représentation circulaire, il est plus facile de comprendre que selon l’angle sous lequel tu regardes le cercle tu en auras une image différente. Une histoire originale naitra de cette intersection entre ton véhicule et le bord du cercle, que tu pénétreras comme un spermatozoïde téméraire pour en féconder le récit.
Ce qui nait de ce choc entre cercles, la dynamique des cellules, des particules élémentaires, définit le parcours, l’itinéraire que tu suivras plus tard. Aussi, il est tout à fait possible que ta trajectoire, à l’instar de la grosse lune de ces dernières nuits, te ramène vers l’origine. Si Colomb n’avait pu revenir vers sa reine, aurions-nous eu l’envie de nous projeter dans une course vers l’Amérique ?

En marketing aussi, tu devrais laisser les cercles s’éloigner puis se rapprocher dans des mouvements imprévisibles autant qu’inévitables. Tandis qu’un individu croise ton cercle, le choc de la rencontre dévie, modifie sa trajectoire initiale. Tu imagines alors différentes tactiques pour augmenter ton pouvoir d’attraction et capturer ainsi tous ceux qui se sont approchés un peu top près du noyau. Tu les fais rentrer dans ton fameux tunnel de conversation avec l’avidité d’une araignée, les laissant s’agiter pour se dépétrer de ta toile gluante. Pour certains cela fonctionne et tu t’en gargarises volontiers dans tes reporting d’acquisition. Mais pour la plupart, leurs trajectoires les emportent vers l’extérieur, et tu les considères comme perdus dans l’espace. Ils ne reviendront pas te dis-tu. A tort !
C’est seulement qu’ils ont besoin d’autres espaces, d’un autre temps, avant de revenir vers le camp de base. Un jour, ils seront de retour vers toi. Ou pas. Leur courir après, les retargetter pour utiliser cet horrible mot qui te permet de croire qu’après avoir manqué ta cible une première fois tu pourrais poursuivre l’effort en tirant sur elle davantage de flèches (toi qui est gamer tu le sais, si tu rates ta cible, tu es probablement mort), est vain. C’est sans doute là que tu t’épuises, que tu abimes ton why jusqu’à te travestir, à devenir un genre de n’importe qui. Laisse les tourner joyeusement dans la galaxie. Fais confiance à la dynamique sociale qui mettra sur leur route un autre cercle prompt à les remettre sur ta voie.

Evidemment que tu n’as pas le temps. Ton voyage est trop court. Tu pars, tu reviens, on ne sait ni d’où ni pourquoi. Tu es cette balle attachée à un élastique dans laquelle on frappe avec une raquette jusqu’à l’épuisement, avec la joie non feinte née de la certitude de ne jamais la perdre. Tu rebondis. Sans liberté, sans imagination, sans talent, tu ne seras jamais une pelote claquant sur le fronton ocre, ni cette balle volant par dessus les arbres pour rouler avec grâce jusqu’au bord du trou n°18, ni ce ballon porté dans l’en-but dans un ultime plongeon à la fin d’une course folle. Tu oublies que pour éprouver le sentiment d’avoir boucler la boucle, il faut partir sans élastique.
Alors seulement, tu dessineras des cercles autour de toi. Et tout ira bien.
PS : merci Jean-Ange et Olivia pour ce voyage circulaire.