Tu peux demander à ton smartphone à la pomme, mais je ne suis pas certain qu’il identifie correctement la Siri en question. Oui dans ce message Siri n’est pas un homme mais bien une femme écrivain. Et l’auteure américaine de nombreux livres passionnants, et notamment de Un été sans les hommes, nous plonge dans son dernier essai dans l’esprit même de la littérature. Ecrire c’est beau, mais pas toujours simple. Ecrire bien, c’est mettre beaucoup de soi dans un texte qui ne prendra vie que sous les yeux et dans le cerveau de ses lecteurs. Fantasme de l’écrivain qui aimerait être lu par certains et pas par n’importe qui…
Alors lisons ensemble un peu de Siri :
« L’idée reçue est la grande ennemie de la pensée et de la créativité. L’écrivain qui tire son matériau des lieux communs de la culture contemporain est condamné à l’oubli, si célèbre soit-il de son vivant En tant que lecteurs, nous devons garder de ne pas plaquer ces mêmes lieux communs sur les livres que nous lisons. Ils peuvent nous aveugler. »
Tu reconnais là, la folie des pourvoyeurs de posts sans profondeur qui t’inondent de contenus commentant l’actualité. Tu comprends pourquoi ils ne survivent pas au temps plus d’une ou deux journées et sont engloutis dans les fonds vaseux d’internet.

« La grande force de la littérature réside précisément dans sa capacité d’évocation d’une existence particulière ou de plusieurs. C’est parce que l’illusion esthétique nous protège que nous sommes en mesure de faire l’expérience de nos récits intimes. En lisant un roman, comme en écrivant un, nous changeons de perspective et pénétrons dans le monde d’une autre personne pour voyager avec elle le temps d’un livre. »
Voilà qui devrait nous inciter à écrire la majorité, voire la totalité de nos écrits comme des histoires vécues par des personnages fictifs. Tu vois ici la force de la narration tant elle est porteuse de l’illusion qui nous lie dans le récit. Illusion d’être l’autre, de le comprendre, de vivre et de ressentir comme lui ou elle. Mais bien entendu, il faut le vouloir. Il faut l’écrire pour créer cette illusion et il faut parallèlement apprendre à lire avec cette volonté de sortir de soi.
« La vérité ou la fausseté d’une histoire est affaire de résonance – une résonance qu’il n’est pas facile de décrire avec précision mais qui est à l’œuvre entre le lecteur et le texte ; un résonance à la fois sensuelle, rythmique, émotionnelle et intellectuelle. Et si une telle chose est possible, c’est parce que nous ne sommes pas des rats mais des êtres imaginatifs capables de « sortir » d’eux-mêmes et de devenir, au moins pour un temps, quelqu’un d’autre, jeune ou vieux, en peine santé ou malade, une femme ou un homme. »

La beauté des mots de Siri m’impressionne. Evidemment, il s’agit d’une écrivaine. Pas d’un simple auteur de blog… Je le sais bien. Mais tout de même, cette confiance en l’humain est magnifique. Dans cette époque ou chacun est persuadé que parler de lui, c’est créer de l’émotion et une connexion aux autres, inviter chacun de nous à imaginer être un autre est courageux. Cette résonance évoquée par Siri dans son essai, est une évidence pour les clients qui aiment une marque. S’ils ne savent pas forcément l’expliquer, la résonance comme l’amour, c’est précisément parce qu’elle est une partie (importante) de leur moi. Que sommes-nous ? est précisément un texte qui résonne pour ce qu’il nous interroge des deux côtés de la page. Que voulons-nous donner à lire (ou à entendre) aux autres, et comment créons-nous cette résonance chez certains, qui deviennent nos lecteurs, ou nos clients ?
Comprendre que c’est la capacité à imaginer l’autre au travers de sa communication qui forge un lien durable, une envie de voyager ensemble et de vivre des expériences, est l’essence du marketing moderne. Dans une perspective de relation affective, ce que nous sommes n’existe que dans les yeux et le cœur des autres. Alors seulement s’immisce, s’installe et se cristallise une résonance à la fois « sensuelle, rythmique, émotionnelle et intellectuelle ».
L’histoire qu’une marque raconte permet de créer cette résonance. Toute la difficulté est de définir ce que nous sommes, dans l’histoire.
Un travail qui exige du conseil qu’il entre en résonance avec ceux qui portent la marque en question. Un travail absolument passionnant et unique.
#onenparle

PS : lire aussi « Tout ce que j’aimais » ou « Un monde flamboyant » de Siri Hustvedt