Depuis des années, la France n’est plus vraiment ce territoire de grèves qui ont marqué l’histoire des avancées sociales qui en font un pays hors norme. Depuis longtemps, la résignation a remplacé la tentation de la révolution.
Lorsque je visite le Gucci Garden à Florence, un musée installé dans un palais de la renaissance italienne (sommet de la culture européenne), je suis frappé de voir sur tous les murs, reproduit des slogans, des cris de manifestants entendus pendant les folles heures de mai 68. Liberté j’écris ton nom ! En rouge, en noir, s’étale le bonheur de s’exprimer avec force pour un avenir plus souriant.
Pourquoi cette inspiration née d’un mouvement colérique ? Comment un créateur de mode peut-il, revendiquer des mots de la rue et en faire usage pour se situer hors du temps ?
Tout à l’heure, les manifestants ne défileront pas en Gucci. Leur envie est de montrer que le pouvoir ne devrait pas essayer de leur imposer des évolutions, des changements qu’ils et elles ne souhaitent pas, ou ne comprennent pas.
Pourtant celui qui ose, qui crée autre chose, celui qui choque, qui surprend, ce créateur peut tout proposer, y compris ce que nous ne comprenons pas. Il n’y aura pas de manifestation, pas de protestation contre les créations de Gucci ou d’autres créateurs de mode. Les fans, les adeptes de la mode, sont également des militants. D’un autre genre. De ceux et celles qui osent ce que la majorité n’imagine même pas trouver beau.
Colère ou fascination ?
Lorsqu’on croit à la beauté, il est difficile de s’insurger contre ce qui est extraordinaire, inhabituel, et même choquant. Lorsqu’on s’accroche au réel, au vécu, à ce qui était une référence d’hier, la beauté nous échappe, simplement parce que nous ne pouvons la voir dans ce qui a déjà été vu.
Alors puis-je faire d’une grève une marque ? N’est-elle pas tout simplement un symbole protestataire en même temps qu’un droit d’expression ?
Si la grève était une marque, de quelle marque s’agirait-il ? Lorsqu’on interroge les porteurs de grève, ils prennent le plus souvent quelques valeurs en otage, en bon défenseur du peuple opprimé. Les voilà qui affichent la solidarité, la générosité, le courage, la ténacité, le respect, l’humanisme, comme autant de vérités que l’autre camp, celui des gouvernants voudrait écraser. Est-ce que la revendication de valeurs largement partagées par tous, y compris par ceux qui ne font pas la grève, permet de construire une marque ?
J’ai lu, tout à l’heure, un florilège de valeurs assez proches de celles citées plus haut, sur le site internet d’une société industrielle. Est-ce à dire que cette marque est sur la même longueur d’onde que la marque grève ? Naturellement, il est impossible de confondre, voire de comparer les deux. Mais une vraie marque ne se confond, ni ne se compare avec les autres.
Gucci est unique en son genre. Justement parce que dans son Garden, il est facile de se perdre tant les inspirations sont plus folles les unes que les autres. Pour ce créateur de mode, la création n’est pas une opposition à l’existant. Etre créatif, paraître génial aux yeux de certains, c’est précisément être une marque. Et pas seulement le symbole que l’on pourrait brandir à bout de bras.
La marque rassemble elle aussi mais parce qu’elle permet de s’affirmer par la différence. La marque permet d’exprimer ce que nous aimons et non ce contre quoi nous nous battons (à tort ou à raison). La marque est positive et ne doit pas être une forme de résistance.
Et Greenpeace alors ?
Greenpeace est à la fois marque et symbole. Symbole d’actions de résistance, de lutte, de combats contre certaines pratiques, certains usages ou choix, elle est également une marque d’engagement pour un meilleur futur. Elle devient une marque dès lors qu’elle propose autre chose.
La question du why devrait être assortie de la question du pour ? Pour qui ? Pour quel changement positif ?
A quand une grève POUR quelque chose ?
#onenparle