Ou même 2% diront certains critiques irrémédiablement déçus par cette nouvelle tentative du réalisateur français le plus déroutant qui soit. Lucy, c’est la première femme de l’humanité nous rappelle-t-il au début du film, dans un plan peut-être un peu long pour des enfants de 5 ans. Lucy, c’est ensuite l’héroïne du film (au moins au début), jouée par Scarlett Johansson, une vraie actrice de talent pour une fois dans sa carrière de cinéaste. Mais Lucy, ne serait-elle pas la vision rêvée de Luc, au féminin ?.. Vous avez dit transfert ?
Il y a un vrai sujet passionnant en trame de ce film qui laisse croire pendant environ 30 minutes, que Besson a quelque chose à nous dire, à nous transmettre, comme c’est d’ailleurs sa fonction, son rôle de producteur d’entertainment de qualité et aussi d’être humain. D’ailleurs, cette mission est au coeur du suspense, puisqu’il faudra que Lucy choisisse entre l’immortalité et la reproduction, comme tout être humain qui doit assurer une meilleure vie aux générations suivantes. Nous voilà en pleine réflexion philosophique, et j’avoue que pendant quelques minutes, j’ai cru que Luc était enfin devenu social, humain.
Hélas, la suite n’est jamais venue. Lucy s’est perdue dans le scénario, pardon, dans l’empilage de scènes déjà vues et ridicules qui nous mèneront au bout du compte à une sortie en catastrophe du cinéma ! Prouesse ou folie auto-destructrice, le débat est lancé.
Mais Luc Besson a finalement cédé à la tentation de la démonstration de sa virtuosité. Il est comme tant d’autres hommes, passionné par lui-même et sa capacité à faire mieux que les autres, dans son domaine, de la cascade en bagnole à la scène de boucherie terroriste. Il est vrai qu’il y avait de quoi relever le défi, après les films de Tarantino et de Johnnie To (par exemple). Luc est donc le prolongement de Lucy question super pouvoir et force de frappe, mais si Lucy court à la vitesse de la lumière vers l’immortalité, on en dira pas autant de Luc !
Lucy Luc aurait pu se borner à nous transmettre une réflexion, sa vision de l’intelligence humaine en constante évolution, soumise à l’envahissement des informations, de la data, à la vitesse de remplacement d’un fait par un autre, à l’abolition des distances terrestres, des cultures, ou même dépasser le simple constat et nous proposer un avenir à choisir entre l’ordinateur et l’humain. Il aurait peut-être entre-aperçu le niveau de maîtrise de Kubrick dans 2001 (dont il semble s’inspirer dans un final maladroit). Hélas, il n’a pas assumé son cerveau droit de créatif et s’est retrouvé coincé dans un hémisphère gauche dénué de sensibilité, perverti par la soif des dollars faciles.
Lucy Luc réussit cette prouesse d’atteindre le degré zéro de l’émotionnel ! Une performance hors du commun des mortels. Respect Luc ! Sans aucun doute un message à l’attention des marketeurs (d’ailleurs visés par la critique de Libération), pour leur montrer comment désespérer leurs clients en versant dans le show-off.
Inutile d’employer plus de 10% de votre cerveau si les 10% se situent uniquement coté gauche. Pensez davantage à utiliser votre cerveau droit : celui où vivent vos émotions et votre intelligence sociale.