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Mange du chocolat et tu seras un Prix Nobel !

Oui il existe quelque part une étude qui a démontré qu’il y a une corrélation entre le nombre de prix Nobel qu’a obtenu un pays et la quantité de chocolat consommée par habitant ! Et alors ? Faut-il se jeter sur les tablettes de chocolat, afin d’améliorer notre QI ou les performances jamais suffisantes de nos enfants à l’école ? Evidemment non !

En revanche vous pourriez faire attention au prénom donné à votre enfant, parce que là encore, on a réussi à montrer qu’il y a un lien statistique avec la réussite au baccalauréat ! Une autre absurdité tirée d’une corrélation mathématique pourtant incontestable.

Quand je dis à mes étudiants que les études sont la plus grande source de mauvaises décisions, c’est en connaissance de cause (constater ce qu’en font les gens qui lisent des statistiques m’a convaincu il y a longtemps qu’enseigner cette matière était une cause perdue). Ainsi je lis dans un mémoire qu’une étude a été réalisée sur internet, pour décrire les comportements des consommateurs face à la révolution digitale, que 150 personnes ont répondu et que parmi elles se trouvent 42% d’étudiants, dont l’âge est compris entre 18 et 24 ans, l’autre segment étant borné par les âges magiques de 25 et 35 ans ! On peut tout de suite en tirer une conclusion : poubelle ! Rien, aucune conclusion n’aura la moindre valeur, ne serait-ce que parce qu’il y a des gens qui utilisent et travaillent dans le digital au-delà de 35 ans (et en deçà de 18 d’ailleurs).

Mais revenons au sujet ! La corrélation : « En probabilités et en statistiques, étudier la corrélation entre deux ou plusieurs variables aléatoires ou statistiques numériques, c’est étudier l’intensité de la liaison qui peut exister entre ces variables. » source Wikipedia.

Patrick Modiano

Or le fait qu’il y ait un lien fort entre deux variables statistiques n’indique en rien que l’une serait la cause de l’autre. Si les lecteurs de Modiano ont aussi lu Albert Camus, cela vous permet-il de penser que si j’achète son dernier livre, alors j’achèterai aussi l’Etranger  ? Il se trouve qu’en cette rentrée littéraire, j’ai le choix entre 607 autres romans, et même lorsque vous m’affirmerez que 10% des gens qui ont acheté le dernier Modiano ont aussi acheté le dernier Foenkinos, le résultat est que 9 fois sur 10 vous m’enverrez une proposition ridicule ! (vous vous doutez que l’on est très loin de 10% dans la réalité étant donné le nombre de choix de livres possible…).

Pour l’instant, on en est là ! Bien sûr on pourrait tenir compte d’autres variables pour affiner notre analyse. Vraiment ? Mais sauriez-vous calculer un coefficient de régression pour 25 variables ? Pour 250 ou mieux pour 607 ? Et croyez-vous que les résultats en seraient plus fiables ?… Pas vraiment ! Alors arrêtez d’essayer de deviner ce que je vais lire la prochaine fois… vous perdez votre temps et le mien. Le mien surtout ! Que sera la vie le jour où chacune de vos décisions sera induite (fortement) par la précédente ? Avez-vous vraiment envie que quelqu’un (Amazon par exemple) vous dise ce que vous devez lire ? Où aurait disparu le plaisir de la sérendipidté ?

La bonne nouvelle ? Nous pouvons continuer de manger du chocolat, cela ne fera pas de vous, ni de moi, un Prix Nobel ! Ouf !…

En même temps, c’est dommage, parce que Modiano a vendu 150 000 livres en 15 jours depuis qu’il a reçu cette distinction !…

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CEO Eforbrands Consultant / Speaker / Formateur / Auteur du Marketing Emotionnel Fondateur du Club du Marketing Emotionnel - Intervenant pour les MSc MBA Inseec Paris et l'ISCOM en marketing émotionnel, stratégies de fidélisation, relation client... Auteur des livres : Tout savoir sur Le Marketing Emotionnel aux Editions Kawa - nov 2013 La Fidélité, du chaos à la zone de confort aux Editions Kawa - Janv 2017 Marketing ZERO avec Philippe Guiheneuc, chez 1min30 publishing - juin 2021 Fondateur de Eforbrands et de LePartenariat Rédacteur du blog marketingemotionnel.com

6 commentaires

  1. Yannjouv dit

    Bonjour,

    Article très intéressant et tourné de manière amusante comme souvent (le « lien » entre les prénoms et la réussite au bac m’avait déjà désespéré la première fois où j’en avais entendu parler).

    Néanmoins, je me souviens que dans votre billet du 8 février dernier (Non, je rigole, je ne me souvenais plus de la date exacte 😉 ) , vous citiez le directeur marketing de Sépage qui affirmait qu’il serait plus judicieux d’utiliser l’analyse de données (et a fortiori les techniques statistiques inhérentes) à des fins d’approche sémantique, pour proposer des articles inattendus tout en gardant un lien avec l’article acheté.

    L’analyse de données et les techniques statistiques associées, en particulier l’analyse des corrélations, auraient tout de même un peu de sens ? 🙂

    Ou l’analyse de données et la sérendipité seraient-elles totalement antinomiques ?

    (Cela dit je vous rejoins en partie sur le fond, la suggestion personnalisée manque peut-être souvent sa cible, apparemment pour vous comme pour moi la plupart du temps, mais elle peut se révéler utile lors de l’achat d’un cadeau pour quelqu’un, ou simplement lorsque l’on a déjà découvert quelque chose par sérendipité et que l’on veut en connaitre plus !
    Aussi improbable que cela puisse paraître, certaines personnes sont sûrement en train de découvrir Star Wars pour la première fois et seront ravies qu’on leur propose l’épisode II dont elles ignoraient l’existence…)

  2. Quelle mémoire ! Merci ! 😉 Serais-je en contradiction avec moi-même ?.. hum.. voilà qui pose question ! Je tente de vous répondre en deux points : 1/ il ne s’agit pas de dire qu’il n’y a pas de corrélation ni qu’elles sont totalement dépourvues de sens ou d’intérêt, y compris dans un traitement statistique des observations du réel. Il s’agissait en effet de souligner que la sérendipité ne peut être prise en compte dans l’analyse statistique et donc risque d’être écrasée par le recours incessant à des corrélations très normatives (de l’emploi ignorant de la loi normale)…
    2/ l’analyse sémantique mise en avant aujourd’hui (par Sépage mais aussi par Google par exemple) n’est justement pas du tout la corrélation. L’idée de départ est de repérer des occurrences de mots qui laisseraient penser à des associations intelligentes ; on peut sans doute y lire par la suite des corrélations mais cela n’aurait guère de sens (pour établir une corrélation entre deux variables il faut un nombre élevé d’observations). Le recours à la sémantique propose donc une autre vision : par exemple, si je réussis à lire dans votre commentaire les mots cadeau, star wars et épisode 2, ne serait-il pas pertinent de vous proposer de l’offrir à l’un de vos proches pour Noël ? si je lis sur votre profil Facebook que vous aimez particulièrement certains bars, que vous publiez régulièrement des photos de vos sorties du vendredi et que vous habitez à 20 kms de Paris, ne serait-il pas pertinent de vous proposer (à votre nom) un service nocturne de voiture avec chauffeur ?… A contrario, utiliser des « corrélations statistiques » nous aurait amené à déduire de l’analyse de milliers de profils, que les jeunes habitants à 20 kms de Paris fréquentent les bars et qu’il faudrait leur envoyer une offre pour « notre bar » (si possible par une publicité ciblée identique pour tous et proposant un happy hour). Il y a de fortes chances que cela ne fonctionne pas vraiment pour une très grande majorité des profils qui savent parfaitement où aller le vendredi soir… Mais il y aura des retombées positives aussi et c’est ce qui trompent les marketers (obtenir 1% de retour sur une audience ciblée est un résultat quasi nul sachant que n’importe quel vendeur présentant une offre devant une assistance prise au hasard, obtiendra 3% de résultat…).
    Est-ce plus clair ?

  3. Yannjouv dit

    Merci pour cette réponse rapide ! J’y vois déjà un chouia plus clair.
    Hum… Que la sérendipité ne puisse être prise en compte dans l’analyse statistique m’arrangerait, cela m’éviterait de me poser des questions existentielles le soir en regardant le ciel étoilé (on s’occupe comme on peut).
    Néanmoins, je ne peux m’empêcher de penser que la sérendipité est expliquée par une cause (propre à chaque individu, j’en conviens) et que cette cause doit nécessairement pouvoir être « trouvée » par une analyse statistique.
    Attention, je ne dis pas que je sais le faire ! Mais j’aimerais bien 😉

    Pour le second point j’ai un peu plus de mal.
    Bon, même s’il s’agissait d’une question rhétorique je pense, ce ne serait pas pertinent de me proposer d’offrir l’épisode II de SW… les gens téléchargent voyons 😉
    Plus sérieusement, je suis totalement ok avec le fait que l’analyse sémantique offre une autre vision, et pour être franc, ça me botterait même de pouvoir en faire.
    Cependant, j’ai du mal à comprendre pourquoi une analyse de corrélations ne permettrait pas de pouvoir également proposer une voiture avec chauffeur à un client (ou toute autre proposition sortant de l’ordinaire).

    Le fait de proposer une voiture, plutôt qu’une offre pour un happy hour, ne dépend pas de la technique utilisée, que ce soit une analyse des corrélations ou une analyse sémantique, mais plutôt du bons sens de la personne qui mène l’étude et de son inventivité. A mon sens en tout cas… D’autre part, une analyse des corrélations ou tout autre type d’analyse de données n’empêche pas de pouvoir proposer une offre personnalisée, ni de faire un ciblage fin. Ok, il y a peut-être beaucoup de gens qui ne procèdent pas de cette manière si j’en juge par la quantité de mails que j’envoie à la corbeille, mais à nouveau, je pense qu’il s’agit d’un manque de bons sens. N’êtes-vous pas de cet avis ?

    PS : Proposer une voiture pour le retour d’un bar inciterait les jeunes à boire ! Ils ne se souviendront même plus de leurs expériences clients positives 😉

  4. Pour que les choses soient encore plus claires (même la nuit dans un ciel moins étoilé) : la sérendipité étant l’art de trouver ce que l’on ne cherchait pas, vous avouerez que cela pose un réel problème existentiel pour les mathématiciens (et les Data Scientist !) qui, par principe, cherchent à démontrer l’existant ! 😉 Bon, je veux bien admettre qu’une pomme soit tombée sur la tête de Newton mais il s’agissait là d’un phénomène physique inattendu plutôt qu’un résultat d’une prévision (Exercice pour mathématicien averti : calculer la probabilité pour qu’une pomme vous tombe sur la tête pendant que vous êtes assis sous un pommier… diriez-vous que c’est un événement trop faible pour être pris en compte ?).
    Toutes les erreurs actuelles viennent de là : à partir de quel moment un signal faible (un événement ayant peu de chance de survenir) doit-il être rejeté comme improbable ou au contraire envisagé en tant que réponse à la sérendipité ?… Bon, à ce niveau, je crains d’avoir perdu mes lecteurs… Et si nous allions prendre un verre au bar ? 😉

    Tout à fait d’accord pour rejoindre votre conclusion sur le bon sens : les études (y compris statistiques) ne peuvent, ni remplacer le bon sens, ni la créativité. Sur ce dernier point, c’est malheureusement le handicap majeur du marketer du 21ème siècle qui à défaut de créativité (qui lui demande un effort), cherche une issue de secours dans les outils et la technologie, au risque de tuer son client… Une étude publiée par Highco aujourd’hui annonce que 84% des shoppers (qui utilisent leur smartphone en parcours d’achat) déclarent qu’ils reçoivent des offres qui ne leur correspondent pas !… Et on s’étonnera que les marques soient peu aimées !

  5. Yannjouv dit

    Navré de ma réponse tardive. (Au moins avec le retard il y aura, je l’espère, un léger effet de surprise)
    Hum…nous allons entrer dans des considérations philosophiques et ça me plait assez 🙂
    Peut-être me suis-je exprimé un peu rapidement et de manière confuse, je vais tenter d’expliquer ma perception de la chose :

    Je suis d’accord avec la définiton de la sérendipité que vous donnez. Néanmoins, la « chose » que l’on ne cherchait pas, même si on ne la connaît pas (ou pas encore), existe malgré tout. Le fait que nous l’ayons trouvée est la résultante d’une succession de causes, qui, je pense sont identifiables (par de l’analyse statistique ou autre).
    J’imagine qu’il y a beaucoup de choses en ce monde qui me plairont, dont j’ignore l’existence, et que je trouverai peut-être par sérendipité. Je suis cependant convaincu que chaque cause menant à « ce que je ne cherchais pas » peut être identifiée avant ma découverte.

    Bon, que la façon de procéder soit compliquée ou non est un autre problème 🙂

    (D’ailleurs cela soulève un autre problème : le monde serait déterministe ?!)

    Pour revenir au sujet, point de problème existentiel pour moi puisque je ne cherche pas à démontrer l’inexistant mais un existant dont je n’ai simplement pas la connaissance à l’heure actuelle.

    J’imagine que cela pose un problème de sémantique, supposons que j’arrive à identifier pour une personne donnée toutes les causes qui mèneraient à quelque chose qu’elle aimera (disons un groupe de musique pour faire simple) mais qu’elle ne connait pas encore. Si je lui propose ce groupe nous ne pourrons peut-être plus réellement parler de sérendipité… plutôt de sérendipité « arrangée » (ok, c’est tout de suite moins sexy).

    Je me demande si ces quelques explications n’ont pas au final eu l’effet d’un épais brouillard haha. En tout cas cette cette vision des choses m’amuse assez et suscite mon intérêt 🙂

    Ainsi, pour trancher à la question entre considérer un évènement comme improbable ou comme réponse à la sérendipité, je dirai que l’ingrédient manquant est la prise en compte des émotions de la personne considérée. Je sens que bientôt l’on va m’affubler du terme « hérétique » pour mélanger émotions et analyse statistique haha.

    Pour finir, ce serait avec plaisir pour le verre au bar le jour où je serai de passage sur Paname 😉 (ou si vous passiez quelques jours de vacances sur Metz !)

    Bon, je ne vais pas non plus jeter la pierre sur les personnes qui se réfugient derrière la technologie ou des modèles mathématiques purs, je me retrouve dans ce que j’étais dans un passé pas si lointain… certaines rencontres permettent un déclic.

    L’étude dont vous parlez ne m’étonne guère, j’imagine que les entreprises qui procèdent ainsi sont de grosses structures qui fonctionnent bien de toute façon et continueront de bien fonctionner dans les quelques prochaines années. Dès lors, « pourquoi changer la façon de faire du marketing » ? Je suis assez confiant en l’avenir pour leur apporter la réponse 😉

    PS: Je comprends maintenant le petit clin d’oeil « (et les Data Scientist !) » que je n’avais pas saisi de suite 😉

  6. Avec plaisir ! mais plutôt à Paris que dans la jolie ville de Metz… Oui ‘l’ingrédient manquant’ est justement la prise en compte de l’autre (et de ses émotions) en tant qu’individu (sensible et unique à la fois). Et vous posez très bien la bonne question : pourquoi changer de vision du marketing tant que l’on continue de vivre (y compris à défaut de bien fonctionner) ?… Merci Yannick et à très bientôt !

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