Time is emotion ! Et j’ouvre cette interview par un profond remerciement à Jack qui a pris le temps de me transmettre sa passion, son enthousiasme pour son projet qui pourrait (qui va) révolutionner notre rapport au temps. A l’heure où tout est devenu instantané de Messenger via Facebook à la livraison par drone (désormais annoncée par La Poste autant que par Amazon ou Alibaba), pourrions-nous attendre un peu avant de découvrir un message ?
Pourrions-nous également enregistrer des messages pour dans 1 an, dans 10 ans et pourquoi pas dans un siècle ? Imaginez que vous vous filmiez aujourd’hui et que vos enfants (déjà nés ou à venir) vous regardent dans 25 ans ? Quelle émotion !…
Alors Jack, cette idée de donner du temps au message, d’où vient-elle ?
Jack : « C’est d’abord mon histoire personnelle. Ayant perdu mes parents quand j’avais 3 ans, suite à un accident d’avion, j’ai toujours eu envie de recevoir des messages d’eux. Ils me manquent évidemment et j’aimerai partager des instants de leur vie. Alors j’ai pensé qu’ils auraient pu s’enregistrer, m’écrire pour me souhaiter chaque année mon anniversaire, Noêl ou tout autre moment de ma vie, comme la naissance de ma fille. Bien sûr il aurait fallu que je n’ouvre ce message qu’au bon moment. Et c’est que l’Appli propose. »
Patrice : « Est-ce que le temps écoulé entre le moment de l’envoi et celui où l’autre le découvre, est déclencheur d’émotion ? »
Jack : « Oui ! Quand j’étais jeune, j’envoyais des lettres à mes petites amies et j’attendais avec des papillons dans le ventre que leurs réponses parviennent jusqu’à ma boîte aux lettres ! C’est l’attente qui amplifie l’émotion. Retrouver le temps d’attendre, c’est se procurer des émotions fortes. Aujourd’hui on envoie un « je t’aime » à n’importe quel moment, sans se soucier qu’il arrive au moment opportun et du coup, il n’est plus aussi significatif, aussi apprécié. L’émotion a quelque peu disparu… »
Patrice : « Est-ce qu’on peut mesurer la charge émotionnelle en fonction du temps ? Avez-vous des études sur ce point ? »
Jack : » Non, je n’en ai pas mais c’est une piste à explorer. Je me concentre aujourd’hui sur le changement de comportement qu’induit mon Appli. On a déjà 8000 téléchargements en Belgique et ce en 6 semaines, et je constate que ce n’est pas aussi générationnel que prévu. En fait, les jeunes ont plus de mal à renoncer à l’instant, mais les plus anciens sont sensibles à l’idée de laisser des messages pour plus tard. »
Patrice : » C’est une mission sociale finalement ? »
Jack : « Oui certainement ! On pense souvent à ce qu’on voudrait dire à sa fille, à un parent ou à un ami, alors qu’il n’est pas présent et on se dit, tiens je lui dirais lors du repas dimanche, ou à la réunion de la semaine prochaine, ou pendant les vacances, et puis on oublie. A l’inverse, on s’envoie quantité de messages sans intérêt ou peu porteur d’émotions, de même qu’on en reçoit trop. Mais si on prenait le temps ? Le temps d’enregistrer tout de suite, ce qu’on dira plus tard, et aussi le temps de penser au moment où l’autre sera dans les meilleures conditions pour recevoir notre message, ce serait totalement différent. Je crois donc que l’Appui va devenir un réseau social. »
Patrice : « Est-ce que ce manque d’émotion dans nos conversations n’est pas propre à nos sociétés post moderne ? »
Jack : « En tout cas, c’est un combat que je veux mener. Redonner de l’émotion ! Lorsque je suis invité au Web Summit de Dublin, lorsque j’échange avec des gens à propos du projet, je vois bien que j’interpelle, que ça les bouleverse. On ne peut pas tromper le ressenti, et c’est justement ça le principe du projet. Une histoire bien racontée peu vous toucher très profondément, surtout si vous la lisez au meilleur moment. Je suis considéré comme une sorte d’évangéliste du ‘prendre son temps’, et je crois que l’émotion transmise par le temps peut changer beaucoup de choses, dans le futur de l’économie du partage. Le ‘prendre son temps’, aura alors plus de sens. »
Merci Jack pour cette conversation que nous poursuivons pour évoquer les prochaines évolutions du projet : recherche de financement pour travailler tranquillement, nouvelles évolutions et fonctionnalités de l’Appli à venir en début d’année prochaine et internationalisation de You Have a Jack. Bien sûr nous allons rester en contact. Je me demande même si je n’aurai pas dû enregistrer cette interview comme un « Jack » à découvrir plus tard…
Je suis très touché par la sincérité du propos et par l’ambition humaine de Jack : aider les autres à retrouver du temps ensemble et à partager de belles émotions, c’est un projet de vie. Bravo !