Alors que je voulais écrire un mot pour Julien, rencontré dans un TGV de Annecy à Paris, la semaine dernière, alors que je viens de lire le dernier livre de Jean d’Ormesson, quelques fous ont semé la terreur chez nos amis belges. Je me faisais cette réflexion en prenant l’avion dimanche, que le temps avait passé depuis le tragique 13 novembre parisien et que cette année entrant dans son printemps nous laisserait plus d’espace pour vivre en paix…
Mais le temps n’existe pas ! Et ce n’est pas l’académicien, le journaliste, le directeur du Figaro ni surtout l’écrivain amoureux de la vie et de ses beautés qui me contredira, puisque reprenant pour lui-même la vision de Spinoza et surtout celles des mathématiciens physiciens de toutes les époques, Jean d’Ormesson termine son faux procès contre lui-même (et non pas ses mémoires – quelle belle idée !) par cet aveu que si l’amour est tout, le temps n’est rien..
Alors affirmant une fois de plus, ici, mon optimisme et ma foi dans l’humain, je me permets de reprendre deux textes cités dans ce très beau et très érudit livre, que mon grand-père libraire aurait adoré, l’un pour dire qu’aimer est ce qui fait la beauté de la vie, l’autre pour dire que nous devrions y consacrer tout le temps qu’on nous a donné :
« J’arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front
Souffrez que ma fatigue à vos pieds déposée
Rêve des chers instants qui la délasseront
Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête
Toute sonore encore de vos derniers baisers
Laissez-la s’apaiser de la bonne tempête
Et que je dorme un peu puisque vous reposez » – Paul Verlaine
« C’est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m’en irai sans avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces matins d’incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes
Il y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin là sera l’aube première
Il y aura toujours l’eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n’est le passant
Je dirai malgré tout que cette vie fut telle
Qu’à qui voudra m’entendre à qui je parle ici
N’ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle » – Louis Aragon
La fidélité n’est pas une affaire de temps. Elle ne se compte pas, elle ne se monnaye pas davantage. Les marques sont comme nous : elles cherchent désespérément ce qui pourraient nous rendre fidèles. Elles ne peuvent pas continuer à croire que nous serions assez stupides pour aimer cumuler des points et les transformer en remises ridicules. Nous aimons parce que nous ne pourrions imaginer une vie sans amour, fut-elle encombrée par des marques et des objets. Nous pourrions être fidèles aux marques, si elles nous aimaient comme des humains dotés d’une intelligence émotionnelle, plongés dans la vie à la recherche du temps pour aimer, et non comme des clients à portefeuilles rétrécis…