Enfin ! Oui il y aura ceux qui sont morts avant de connaitre ce moment où E Leclerc avoue enfin que le prix n’a pas tant d’importance que la qualité de l’expérience (ou pour les retardataires de la qualité du produit). RIP guys, vous avez vécu en paix dans un monde dominé par la guerre des prix dans la distribution française.
Oui la qualité c’est ce que veulent les clients ! « Mais quand c’est mieux, c’est pas plus cher ? » demande le gars qui fait semblant de savoir lire… « Bah oui » répond le décérébré qui avait pourtant prévenu que « c’est mieux quand c’est mieux ! »…
Dans la deuxième version on verra des joueurs en maillot verts prendre le dessus sur les rouges (vraiment ?), ce qui autorisera notre héros hirsute à proclamer : « les gens veulent des produits verts » et plus tard de nous gratifier d’un mémorable : « c’est mieux quand on sait ce qu’on veut ».
Je sais bien qu’on peut rire de tout, surtout en ce 30ème anniversaire de la disparition regrettable de Pierre Desproges, mais tout de même ! La bonne nouvelle vient de ce que E Leclerc admet dans ces 2 films publicitaires qu’il serait temps de parler d’autre chose que du prix. Non pas directement en nous révélant, d’une part que l’enseigne n’est pas toujours la moins chère, ni d’autre part que les gens ont les moyens de tout payer à n’importe quel prix. Mais il s’agit en tout cas de réaliser, de rendre plus évident que la qualité a un prix. Ou plus exactement une valeur ! Or les français le disent depuis un moment : ils ne sont pas prêts à renoncer à la qualité pour le prix. Sont-ils prêts à payer plus cher une meilleure expérience ?
Le modèle de « c’est qui le patron » en a fait la brillante démonstration : tout dépend du pourquoi ? Si je sais pourquoi je paye un produit plus cher que le prix marché ou plus cher qu’un produit similaire, c’est uniquement à la condition que l’on m’ait expliqué pourquoi ce serait plus pertinent. Soit que la marque a une réelle mission d’amélioration de la vie des gens (y compris des éleveurs / producteurs de lait par exemple), soit que l’expérience procurée soit significativement supérieure en terme de ressenti. La communication du distributeur indépendant leader en France est d’ailleurs assez claire : il ne s’agit aucunement de montrer des produits (ou des marques) mais bien d’évoquer des expériences (un produit plus vert ou respectant la santé des consommateurs). Si le produit n’est plus un argument. Son prix ne peut pas l’être davantage…
Pourquoi ?
Principalement parce que le consommateur a le choix. C’est sa décision. Il la prend en connaissance de cause et souhaite que son identité et son éthique personnelle soient respectées par la marque et l’enseigne. Un meilleur produit n’est pas forcément plus cher. Même si meilleur ne veut pas dire la même chose pour tout le monde, et si, la force de l’engagement justifie un effort financier, la valeur du produit est une notion individuelle et fluctuante. Consommer mieux, c’est certainement avoir le désir et l’opportunité d’acheter uniquement ce qui contribue à nous rendre la vie plus belle. Peu importe le prix !
Affirmer que les gens n’ont pas ou plus d’argent (qu’avant) n’est pas une vérité. Affirmer que la mission de E Leclerc serait de permettre aux gens de consommer mieux avec l’argent qu’il ont… Est-ce bien raisonnable ? Pire ! Est-ce beau ? Dans une troisième version qui frise le ridicule (et les cheveux de nos deux compères) l’enseigne a eu cette tentation ultime de faire dire que « défendre votre pouvoir d’achat, ça c’est beau ! »
Beau ? Comment cela ? Il ne s’agit pas d’une beauté artistique car comme Hegel l’écrit, la beauté serait alors une oeuvre de l’esprit, « présentant une réalité sous une forme sensible qui permet à l’homme d’accéder à la conscience de soi ». Peut-on suggérer, qu’en référence à Kant, le beau soit une satisfaction désintéressée ? Si oui, le beau prononcé par E Leclerc serait donc une forme de morale de la consommation. Le distributeur serait désintéressé et proposerait aux clients de leur fournir des produits pas chers mais de qualité : un geste de bonté qui tendrait vers le beau !… (si mon.ma lecteur.trice veut voir les 2 types chez le coiffeur, qu’il.elle ne se gène pas : https://youtu.be/Rb8LeUH7GEA ).
Or le beau est associé très naturellement, y compris dans notre cerveau, au plaisir. Ce que nous trouvons beau fait naitre en nous un désir et une sensation de plaisir (cette fois c’est chez Platon que l’on trouvera la source du concept). Mais quid de ce qui est mieux ? Faut-il payer pour avoir mieux ? Ou est-ce un rôle dévolu aux marques que de proposer mieux pour le même prix ? Qu’est-ce qu’une meilleure expérience ? A-t-elle un coût ?
Les deux guignols de E Leclerc ne sont pas prêts à nous vendre du beau. Du mieux, on peut déjà en douter puisque chacun sait que le mieux est rarement à trouver chez E Leclerc. Certes c’est possible mais depuis 40 ans, on nous a appris à fréquenter cette enseigne parce qu’elle défend notre pouvoir d’achat, et non parce qu’elle est meilleure…
Pas certain que le message passe ! A lire les commentaires négatifs (plus nombreux que les positifs), il y a un risque de rejet assez fort sur cette série de films..
Arrêtez de parler du mieux et du prix dans le même temps. Créer de la valeur pour vos clients et ils vous suivront sur le prix…