Tout a commencé comme d’habitude, par un arrête sur un stand. Quelque part dans une allée du salon E-Marketing et Stratégie Client 2019, je jette un oeil sceptique sur un logo souligné par une base-line que mon radar détecte immédiatement : prédictive marketing. Houlala ! Je ne peux m’empêcher de répondre à celui qui voudrait me renseigner sur sa boite que cela n’existe pas. Non, je ne crois pas que l’on puisse prédire le comportement ou les achats d’un client. Je n’y arrive pas ! Je veux que l’homme reste imprévisible.
Alors Elias (@Elias_Ohayon), le directeur des opérations de Sailendra, prend le relai de son collaborateur (sans doute légèrement agacé) et tente d’expliquer et de répondre à ce visiteur impertinent que je suis.
Ma première question, est d’ailleurs inspirée d’une conversation avec Stéphane Amarsy (relaté dans un post précédent : https://wp.me/p3ja7f-3dN ), et consiste à souligner le paradoxe entre « algorithme prédictif » nourri avec des masses de données et décision individuelle d’un client potentiel : que pensez-vous de cette contradiction ?
Elias : « Nous ne sommes pas sur ce métier. Nous ne faisons pas de prévision au sens de la prévision météo. Notre métier est ailleurs. Il s’agit d’optimiser les décisions et les propositions du e-commerce. Il est désormais indispensable de posséder de gros volumes de données pour affiner un modèle algorithmique. La masse des données permet d’intégrer les paramètres comportementaux des clients et d’en sortir les insights nécessaires à la définition de l’offre. Sans data, on ne peut pas déterminer ce qui a plu ou ce qui plaira. Pas forcément à un individu seul mais plus certainement à une quantité d’individus. »
Patrice : « Mais alors pourquoi parlez-vous de marketing prédictif ? A quoi servent les prévisions si ce n’est à rassurer les services marketing en panne d’idées ? »
Elias : « D’une part, il est évident que l’on demande de plus en plus des résultats, du ROI, au marketing, aux actions qu’il engage et aux décisions qu’il prend tant pour acquérir que pour fidéliser les clients. D’autre part, il me semble difficile de manager ou de diriger une entreprise sans faire de plan. Tout décideur doit planifier, et par là-même prévoir. Donner la direction à suivre, définir les solutions, les décisions à prendre face à des changements possibles, bref anticiper les évolutions et les perturbations exogènes. J’ai pris la direction de l’entreprise il y a environ un an, et je peux vous dire que la présentation d’un plan à 3 ans à mes équipes, habituées jusqu’ici à une direction plus opaque, a engagé tout le monde. Une voie à suivre, un cap à tenir, une perspective à laquelle on peut se référer. Cela ne signifie pas que la prévision sera juste, mais cela donne un cadre et crée un dynamisme pour atteindre des objectifs. »
Patrice : « Je comprends bien mais le marketing ce n’est pas un business plan ! non ? »
Elias : « En réalité pour nos clients nous leur proposons surtout d’être plus efficaces dans la recommandation de l’offre. Sur le web nous jouons et nous améliorons le rôle du vendeur du magasin. En magasin, le vendeur ou le conseiller peut savoir ou se souvenir de ce que vous avez acheté, ce que vous aimez, ou vous dire en ce moment nos clients sont très contents de tel ou tel produit, mais comment le faire sur un site e-commerce ? Ce que nous offrons via les algorithmes, c’est une meilleure recommandation qui va améliorer la pertinence et l’efficacité des produits proposés à l’internaute. »
Patrice : « Sans doute mais ne risque-t-on pas à terme d’acheter tous la même chose, de perdre notre liberté à force de suivre les recommandations d’un algorithme ? »
Elias : « je peux comprendre cette inquiétude naturelle. Mais j’insiste sur le fait que nous ne pouvons pas prévoir la décision individuelle, et nous ne le souhaitons pas. Nous essayons de lui fournir la meilleure information, exactement comme un vendeur bienveillant pourrait le faire. C’est davantage une logique de tendance. Nous prévoyons une tendance comportementale en quelque sorte. Nous sommes dans l’influence positive. »
Patrice : « Et dans ce cas, je vais me retrouver à acheter un produit « tendance ». Or suivre la tendance n’est-ce pas encourager la médiocrité ? »
Elias : » Non, je ne le pense pas. C’est un débat intéressant mais je crois que nous avons toujours eu besoin de tendances, de la même manière que nous avons besoin de suivre une direction pour l’entreprise, l’humain veut savoir où il va, et les autres peuvent l’aider à trouver cette route. Pour l’université Paris Diderot, nous aidons les étudiants à trouver leur chemin vers les ressources pédagogiques dont ils ont besoin pour avancer dans la connaissance. Là encore, c’est une logique de recommandation positive qui nous anime. »
Patrice : « merci Elias pour cette conversation animée et passionnante. »
Je comprends en quittant Elias que la base line d’une marque est quelque fois trompeuse. Je me rends compte aussi que le prédictif est tendance dans les salons marketing, un peu comme la lecture de l’horoscope dans le métro. Nombre de marketers aimeraient tant prévoir les comportements insensés de leurs clients ! A l’opposé, bon nombre de consommateurs sont totalement perdus dans la jungle des offres et ont certainement besoin d’un recommandation pertinente au moment de choisir.
Est-ce alors un enjeu marketing que d’optimiser le choix du client ? Comment être certain que le goût des autres me correspondra ? A force de nous en remettre aux algorithmes allons-nous perdre le sens de nos décisions ? Abandonnerons-nous le pouvoir de décider aux machines ?…
Je n’y crois pas ! J’ai #confiance !