Dans les deux premiers épisodes, nous avons vu que la RGPD posait quelques problèmes aux enseignes de retail et que leur vision des programmes de fidélité avait du mal à évoluer. Dans ce dernier épisode, en analysant quelques éléments chiffrés (de l’étude de Generix Group et Univers Retail), je voudrais insister le tropisme nocif dont souffre les services marketing des retailers : l’obsession de l’omnicanalité !
Certes il est important de relier l’expérience on-line à celle vécue dans un lieu physique (bien que cela ne puisse être la même chose). Evidemment, le client anticipe que l’on pourra faire le lien entre lui en tant qu’humain à la recherche d’un produit en magasin et lui en tant qu’internaute commentant et donnant son avis sur les réseaux sociaux. Mais est-ce un aboutissement ? Vous ne pourriez pas imaginer une solution ou un outil marketing proposé aujourd’hui sans l’incontournable « dashboard ». Le marketer est obsédé par le tableau de bord, celui qui lui permet de « lire » les résultats de ses actions, de modéliser et d’extraire de magnifiques graphiques pour nourrir ses présentations au comex ou lors de conférences. Pourquoi cet engouement pour le suivi en temps réel ? Pourquoi cette folle envie de contrôle ? Sans doute pour répondre à l’injonction de l’entreprise qui veut absolument des résultats, et à la pression infernale du marché. Mais quel rapport avec le programme de fidélité ?
Les humains sont une espèce qui s’adapte très vite à l’environnement (même si aujourd’hui la peur l’envahit justement parce que l’environnement deviendrait incontrôlable). Et puisque nous aimons bien compter, que nous adorons jeter un oeil sur un écran pour visualiser la situation (Waze, Instagram, les Apps santé et comptes bancaires, etc…), pourquoi ne pourrions-nous pas suivre l’évolution de notre fidélité ? Car il me semble que c’est un enjeu important pour le client, que de savoir à quel stade relationnel et affectif il se trouve face à une marque ou une enseigne. Est-il un client respecté ? un client aimé ? fait-il partie de ce club élite ou des clients préférés ? Quand recevra-t-il un cadeau, une marque d’amour ? Que lui a-t-on réservé comme surprise pour sa prochaine visite ?
Vous le constatez facilement, si le suivi de vos points est disponible via une App, il est encore exceptionnel que vous ayez accès à votre historique d’achat et encore moins, à votre histoire dans la relation avec tel ou tel conseiller. D’ailleurs, comment s’appelle-t-il (ou elle) ? Aucune trace de ce qui constitue pourtant la base de la fidélité ! A nouveau pourquoi cette absence de transparence, ce manquement dans l’accès à l’information ?
Quand seulement 8% des enseignes interrogées proposent un tableau de bord à leurs clients fidèles, c’est probablement signe que la récolte des informations est orientée vers l’entreprise, pour qu’elle seule en fasse usage. La volonté de contrôler, de valider, ou encore de vérifier, la recherche permanente de similitudes permettant de classer les clients, finissent par éloigner le retailler de l’objectif premier : donner envie de revenir !
Si le client accepte de télécharger une App ou d’accéder régulièrement à son compte personnel, c’est pour suivre et entretenir sa relation privilégiée avec l’enseigne. Il souhaite alors y trouver un intérêt, une nouvelle expérience qui pourrait l’inciter à se rendre à nouveau en magasin. Lui aussi a besoin de contrôle ! Lui aussi veut savoir si l’enseigne prend en considération ses efforts, ses préférences et ses désirs. L’ergonomie des programmes de fidélité, le savant calcul financier qui délimite l’accès à certains avantages, ne prennent que trop rarement en compte le consommateur final.
Je voudrais terminer cette analyse sur la fidélité dans le monde du retail sur une note optimiste. J’aime les marques et je travaille sans relâche pour qu’elles perdurent autant que possible. Il est essentiel pour leur survie qu’elles se préoccupent davantage de la générosité, de la qualité des intentions et de la simplicité avec lesquelles elles s’adressent leur clientèle. Simplifier la vie du client fidèle n’est pas une option. C’est renforcer le sentiment qu’il est reconnu, respecté, et récompensé à chaque fois qu’il vient dans un magasin, partout où il va, comme à chaque fois qu’il se connecte à son compte sur le site internet de l’enseigne. Keep it simple, est une excellente maxime pour relation client.
Keep it human, me semble la seule voie possible pour les programmes de fidélité.
Enfin optimiste… quand je lis un article qui met en avant la « formidable nouvelle vision » de certains, il y a tout à refaire… cf Linéaires (à qui j’ai emprunté la photo de cet article – merci).
Si vous n’avez pas lu les épisodes précédents …
Episode 1 : https://wp.me/p3ja7f-3kP
Episode 2 : https://wp.me/p3ja7f-3kZ