Dans le premier épisode, je vous exposais les limites de l’exploitation des données personnelles des clients par les enseignes et les difficultés de ces dernières à appliquer correctement la RGPD (selon l’étude diffusée par Generix Group et Univers Retail). Le fait que ni les clients, ni surtout les employés des magasins ne soient correctement informés, ajouté à une vision hyper limitée de ce que la personnalisation permettrait de faire, n’inspire pas vraiment à l’optimisme pour la fidélité. Or sans fidélité, ces enseignes vont disparaitre ; aujourd’hui, c’est devenu une évidence économique.
Face à ce sombre constat, on pourrait penser que les programmes de fidélité auraient été ou vont être remis en question. On imagine que les marques et leurs services marketing auraient mis en action leur immense créativité et leur orientation client, pour sortir de l’ornière. Mais la lecture de quelques chiffres tirés de cette étude remarquable, nous laisse noyé dans la déception et l’uniformisation bornée. Tout le monde fait exactement la même chose, en moins bien.
Comment peut-on comprendre que la seule possibilité offerte à un client demeure de cumuler des points qui se transformeront avec un seuil de générosité bloqué en-dessous de 4% en moyenne, en magnifiques et si séduisants bons d’achat (ou chèque fidélité) à dépenser dans la même enseigne ? C’est consternant ! Depuis plus de 20 ans, les enseignes n’ont fait aucun progrès (presque toutes). Elles ne comprennent rien à la fidélité du point de vue du client. Elles voient le programme de fidélité comme un moyen supplémentaire de prélever des budgets sur le dos des fabricants et de trier les clients selon leurs pouvoirs d’achat et parfois selon leur niveau de fréquentation. Nombre d’opérations de promotion sont montées selon les critères discriminants issus du CRM adossé à la carte de fidélité. Il n’y a, en conséquence, aucune personnalisation possible, aucune espèce de surprise ou d’attention généreuse dans ces systèmes. Et le client le sait et s’en trouve déçu !
Ainsi la lecture des scores de « burn » (d’utilisation ou de transformation) des points cumulés sur le compte du client montre que l’on atteint un point critique : moins de 20% pour la plupart des enseignes (hors sport et bricolage). Plus de 80% des points émis ne sont pas consommés ! On est dans le ridicule absolu ! L’utilité de ces programmes pour le client est proche du zéro. Ils coûtent de plus en plus cher aux enseignes, pour toujours moins de résultats. A ce sujet, on notera que les députés s’insurgent contre la grande distribution française qui se servirait des programmes de fidélité pour masquer de fausses réductions de prix (illicites). Tiens donc !
Seuls 3% des points sont transformés en cadeaux ! Lamentable vision de ce qu’est l’émotion suscitée par un cadeau aussi léger soit-il !… Comment vous dire, vous qui confondez encore la fidélité et la fidélisation, que les consommateurs n’en peuvent plus d’être pris pour des ânes ou des pigeons ? Comment vous expliquer qu’être fidèle, c’est avant tout recommander une expérience que l’on a aimée ? A quel moment pourriez-vous prendre en compte ce que vos clients fidèles aiment et qui n’est certainement pas un bon de réduction ? Personne n’aime les bons de réduction !
Pourtant l’idée de revenir est au coeur du business du retailler. Si ses clients ne reviennent pas, voire ne recommandent pas son enseigne, ses magasins, comment peut-il espérer survivre face à la concurrence ? Hier, chez Castorama, un très sympathique vendeur à l’accent toulousain a refusé de prendre ma commande, au prétexte qu’il ne souhaitait pas commettre d’impair, n’étant pas le spécialiste du rayon (lequel avait disparu depuis un bon moment…) ! Certes, l’intention était louable. Mais tout de même, qui voudrait revenir dans un magasin où l’on ne prend pas votre commande ? Est-ce que l’on m’offrira quelque chose si je reviens, prenant ainsi en compte l’effort que je consentirais, le temps que j’ai déjà perdu, la sympathie que je conserve présente néanmoins dans mon esprit pour ce gars honnête bien qu’incompétent ? Je n’ai pas la carte de fidélité de cette enseigne, et je sais que l’unique raison pour laquelle je pourrais la prendre sont les 5% de remise sur mes achats le jour de sa souscription. Paradoxe ? Désillusion ?
Lorsque les enseignes du retail comprendront comment fonctionne le client, lorsqu’elles voudront bien envisager une réelle récompense de la fidélité, sans oublier le respect et la reconnaissance de l’individu (et non de la masse uniformisée de la clientèle), nous aurons fait un (grand) pas en avant. Quand ?
Demain peut-être ?…
A suivre dans le prochain épisode…
L’épisode précédent est à lire ici : https://wp.me/p3ja7f-3kP