Comment synthétiser nos idées foisonnantes ? Comment réussir la transition entre le brainstorming intense et échevelé, proposé sans contraintes et vécu comme un défouloir (si les participants sont en forme !) ?
Faut-il un ordinateur pour rassembler, pour regrouper, pour classer, ou est-ce une conviction qui doit émerger de façon intuitive ? Comment passons-nous du coq à l’âne sans perdre l’équilibre ?
Suite de ma conversation autour l’arrivée de la sémantique dans le monde digital et des transformations qu’elle induira dans notre approche du client, avec Thomas Hourriez, directeur marketing de Sépage :
Quels sont les champs d’application de ce nouveau mode de « pensée » sur internet? Et pourquoi pas ailleurs aussi ?
Sur le Web, la surcharge informationnelle croissante est souvent perçue comme un obstacle. Et de fait, elle l’est. Elle l’est pour l’utilisateur, qui est saturé d’information, notamment avec la multiplication d’espaces publicitaires plus ou moins pertinents, elle l’est aussi pour les entreprises du Web, qui peinent à faire le tri dans ces données et à capter des internautes toujours plus avertis et difficiles à cerner.
S’il existe aujourd’hui des méthodes de tri de l’information, elles ne laissent que peu de place à l’inattendu, critère pourtant naturel et positif dans toute réflexion humaine, mais aussi dans le processus d’achat. Satisfaire l’internaute passe déjà par lui proposer une approche personnalisée. Très concrètement : si j’achète le DVD Star Wars Episode I sur un site d’achat, les approches statistiques tendent à me suggérer Star Wars Episode II et III, car c’est ce que les acheteurs de l’épisode I ont également acheté le plus souvent. L’approche sémantique ne prête aucune attention à la masse d’utilisateur, mais traite chaque utilisateur individuellement. En cherchant dans les graphes sémantiques le « sens profond » de Star Wars, elle parvient à comprendre qu’il s’agit d’un film de science fiction, dont les auteurs se sont inspirés d’auteurs de science fiction comme Isaac Asimov, mais aussi d’auteurs classiques (l’Iliade, l’Odysée), etc. Les propositions faites à l’internaute peuvent alors être beaucoup plus riches et inattendues, tout en restant très pertinentes. C’est le principe de la sérendipité.
L’approche sémantique permet donc de mobiliser toutes ces informations disponibles en s’affranchissant des limites que sont leurs différences de nature et leurs espaces de manifestation. Il est alors possible d’en donner un accès simplifié et plus performant aux individus, tout en intégrant dans le résultat une part d’inattendu qui peut être systématisée. Contrairement aux modèles statistiques, qui tendent à niveler la créativité et la diversité, en proposant aux utilisateurs des solutions du type « les individus qui aiment ceci aiment aussi cela », contrairement aussi aux formes de marketing plus traditionnelles du marqueteur qui, à partir de sa vision du marché, propose ses solutions aux consommateurs, le marketing sémantique place l’humain au centre du processus de proposition.
Nous avons décliné ce modèle au e-tourisme car nous pensons que la recherche de pertinence est ici encore plus importante qu’ailleurs : on repart rarement plusieurs fois par ans au même endroit, et la méthode du collaborative filtering (« les individus qui aiment ceci aiment aussi cela ») s’applique mal aux achats touristiques. Il y a pourtant une vraie problématique de choix, puisque 70% des voyageurs indiquent ne pas savoir avec précision où ils partiront lorsqu’ils se connectent à un site de voyage (cf. Google & Ipsos, the 2012 traveller). La sémantique permet de proposer des destinations susceptibles de plaire aux individus car elle ne tient compte que des seules spécificités (préférences exprimées, historique d’achat, etc.) de l’utilisateur concerné, sans faire appel à des modèles statistiques.
Sur Internet, les champs d’application de ces technologies sémantiques sont infinis. On peut par exemple très bien imaginer cela appliqué aux sites de rencontres, avec des systèmes de recommandation faisant l’analyse sémantique des descriptions des utilisateurs pour les mettre en relation. Aussi, il existe déjà des systèmes de recommandation sémantique appliqués à la musique (http://seevl.fm/http://seevl.fm/).
En dehors du Web aussi, il y a des possibilités. Par exemple, nous avons déjà déployé ces solutions dans des grands groupes souhaitant améliorer la performance de leurs systèmes d’information interne. En « sémantifiant » leurs données, il devient beaucoup plus facile de retracer et de manipuler l’information. Cela sert aussi bien le chef de produit qui recherche une étude portant sur un sujet spécifique, que l’ingénieur R&D qui va trouver une solution à un problème analogue déjà traité précédemment.
Un dernier exemple pour finir, nous travaillons actuellement sur un outil de mise en relation lors d’évènements professionnels. A partir de l’analyse sémantique du CV, du compte Twitter ou Facebook, ou même d’un texte descriptif rédigé par un individu, le moteur de recommandation sémantique peut chercher dans les graphes d’informations d’autres individus avec lesquels il pourrait échanger. De la même manière que le sémantique en ligne limite la saturation en faisant un « tri » dans l’information, le sémantique hors ligne fait ici un tri préalable en suggérant les informations les plus pertinentes. Dans le cas présent : les personnes avec lesquelles nous serions susceptibles de vouloir échanger parmi les centaines ou les milliers d’invités présents sur un salon.
Voilà qui devrait vous inspirer pour l’avenir du marketing. Connecter les bonnes informations, les data riches émises volontairement par les clients sera certainement synonyme d’amélioration du dialogue et des offres en direction du consommateur. Serait-ce la voie de l’innovation marketing ? Qu’en pense Fleur Pellerin, notre ministre ?…