Intuitions, le plaisir et la fidélisation
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Faut-il joindre l’utile à l’agréable ? #stratégie #marketing #2021

Je lis la tribune de mon amie Cyndie, éclaireur de marque et directrice marketing de Cision France, relayée par le Siècle Digital et qui nous propose en trois points de préparer notre stratégie marketing pour 2021. Et, oh surprise, la première recommandation pour passer à l’après 2020 est d’inviter les marques à faire la démonstration de leur utilité ! Vieux débat économique s’il en est, l’utilité (et même celle d’une marque) existe-t-elle ? Rappelons que ce principe introduit par John Stuart Mill, prescrit d’agir pour tendre vers la maximisation du bien-être collectif. Amusante interprétation contre-intuitive de ce que l’utile pourrait être agréable et contribuer au bonheur !

Alors que dans ce que je crois comprendre de la préconisation de Cyndie, il serait davantage question de montrer ce à quoi sert la marque dans la vie des gens. Est-ce la même chose ? Devons-nous prouver notre utilité afin de nous rendre agréable ? Est-ce que j’achète un objet pour me faire plaisir ou parce qu’il a une réelle utilité ? En tant de crise économique, on en conviendra facilement, la priorité est l’utilité dans son sens premier, dans nos quotidiens. Mais si l’on retient ce principe de priorisation de nos décisions d’achat, quelle sera la place de l’émotionnel ? Et surtout, devrons-nous acheter un livre, prendre un repas au restaurant, aller chez l’esthéticienne, avant même de penser retourner au cinéma ou partir faire du ski ? Si l’on se réfère à la croissance vertigineuse du nombre de personnes déprimées par le second confinement (conséquence probable de l’abandon de tout ce qui n’est pas utile), il y a de quoi douter ! non ?

Alors quand Cyndie nous invite à réfléchir à la difficulté que nous aurons à vendre du nice to have et à l’urgence d’offrir un must have, je m’interroge sur le sens de ces mots là. Must have ?? Pour qui et pour quoi ?

Car le conseil est pertinent ! Must have, renvoie à la notion d’impératif et peut-être même d’urgence, pour le client ou le consommateur. Dans son équilibre d’évaluation d’une situation, la décision penche le plus souvent vers ce qu’il est impératif de faire, et donc d’acheter (notamment pour conserver son statut ou sa place dans la communauté). Un must have, est-il réellement utile, au sens de notre survie d’après crise ? Qu’est-ce qui rendrait votre marque indispensable et surtout différente de toutes ces marques sympas mais seulement « nice to have » ? Car si le nice to have n’est plus suffisant en 2020, nombre de marques sont en grand danger, en effet. Alors quelle est la différence et comment passer du nice to have au must have ?

Tout est une question de communication. Tout est une question de vision marketing. Un produit ou une marque deviennent must have lorsque le client ou le consommateur considère qu’il ne peut renoncer au(x) bénéfice(s) que cet achat lui procurera. Et ce bénéfice est le sien, perçu et estimé selon sa culture et ses préférences, son contexte du moment. Il n’est pas nécessairement ce que la marque croit et communique comme étant un avantage concurrentiel. Or il me semble que nous vivons dans une économie connectée et mondialisée, ce qui implique que très peu de produits (hors du luxe) sont uniques et qu’en effet, la différence statutaire se joue intégralement sur la marque. Sinon les sneakers de Lidl ne seraient pas devenues un must have pour une communauté de passionnés. Et soudainement, nous retournons au débat initial : et si le must have était ce qui nous procure du plaisir ?

Et si se faire plaisir était la priorité absolue en sortie de crise ? Auquel cas, l’utilité paraîtrait… futile ! Si je n’ai pas besoin d’un nouveau livre (après tout, je peux en relire un ancien, ou en emprunter un à quelqu’un), j’ai une furieuse envie d’acheter ce qui vient de paraître (par exemple le must have prix Goncourt), ne serait-ce que parce que cet achat pourrait rendre heureux un libraire local (et au passage, augmenter mon capital de bonne conscience, avant de re commander sur Amazon… oui je pointe un peu trop nos faiblesses humaines ici, mais bon..). Alors utile pour quoi et pour qui ? Utile pour la Société, avec un grand S, ou pour la France et son économie, sont des résolutions émergentes chez nos concitoyens qui ne devraient pas résister à l’hiver. Encore que le changement de vision sur les conséquences de nos décisions d’achat, peut inspirer quelques évolutions positives, pour le responsable, le produit local, le fait avec amour, ou comme à la maison. Mais tout cela est tellement facile à dire et à copier sur son voisin. Ainsi par exemple, pas une seule marque de la grande distribution ou du retail qui n’ait participé au grand déballage sentimental du soutien à nos soignants, puis à nos libraires disparus. Ah, quelle belle unité pour l’utilité !

Heureusement le retour du black friday, et pire encore du green friday, sont pour vendredi ! Ouf ! Enfin, nous allons pouvoir nous lâcher et acheter n’importe quoi ! Tout sauf des livres évidemment ! Et que dire des masques, ou des gants de protection contre ce foutu virus ?… bref rien d’utile mais ce sera tellement agréable !

Aussi, si je suis d’accord avec la nécessité de répondre à la question « à quoi cela sert ? » dans ma vie de client ou de consommateur, je crois fortement au plaisir d’abord. Une marque qui ne me promet pas une partie de plaisir, n’a que très peu de chance de figurer dans ma liste des must have ! Le must have ne trouvera pas sa source dans l’analyse rationnelle (et comparative) d’une marque mais davantage dans son impact émotionnel. Qu’elle me donne la banane, ou qu’elle me permette de m’imaginer en membre du club, en happy few, en client star, est une toute autre exigence. Je prends ici le pari que les gens vont se ruer sur le foie gras, les huitres et autres produits de fête, quitte à manger moins de nouilles ou à baisser le chauffage. Parce que nous avons besoin de nous faire plaisir pour ressentir la nécessité, l’utilité de la monotonie du quotidien.

Ainsi, je pense que les marques devront en 2021, non seulement répondre à la question pourquoi elles et pas une autre, mais aussi promettre qu’avec elles la vie sera plus heureuse. Plus encore que jamais, les marques d’amour nous seront indispensables.

De l’utilité de l’amour, ferait un beau sujet de réflexion stratégique pour 2021…

PS : merci Cyndie pour avoir éclairé ma réflexion du jour sur l’utilité…

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CEO Eforbrands Consultant / Speaker / Formateur / Auteur du Marketing Emotionnel Fondateur du Club du Marketing Emotionnel - Intervenant pour les MSc MBA Inseec Paris et l'ISCOM en marketing émotionnel, stratégies de fidélisation, relation client... Auteur des livres : Tout savoir sur Le Marketing Emotionnel aux Editions Kawa - nov 2013 La Fidélité, du chaos à la zone de confort aux Editions Kawa - Janv 2017 Marketing ZERO avec Philippe Guiheneuc, chez 1min30 publishing - juin 2021 Fondateur de Eforbrands et de LePartenariat Rédacteur du blog marketingemotionnel.com

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