Bien sur, nous souhaitons tous que quelqu’un nous recommande. Les marques espèrent, elles aussi, que leurs clients le feront. Qu’ils seront gentils et qu’ils diront tout le bien qu’ils pensent d’elles à leurs amis et leur entourage. A quoi servirait d’investir dans les réseaux sociaux sinon ?… Or recommander, ce n’est pas donner son avis sur Tripadvisor ou noter l’hôtel du week-end dans Booking.com ni même attribuer des étoiles au film vu sur Allociné.fr. Certes donner son avis peut influencer les futurs clients qui hésitent et qui pourraient s’y fier. Tandis que recommander est un engagement bien plus fort et bien plus personnel.
Mais la recommandation de quoi, au juste ?
Prenons un exemple : hier, vers 14h dans le restaurant de Natalie… 2 hommes d’une trentaine d’années ont fini leur déjeuner, se lèvent pour régler l’addition et sont visiblement satisfaits de cette expérience (nouvelle). Alors que je discute avec Natalie de la fidélisation de la clientèle et de la nécessité de montrer de la générosité envers les clients, je décide de tester en live, le principe de l’enquête client…
Question 1 : « Seriez-vous prêt à revenir dans ce restaurant ? » (j’ai annoncé 3 petites questions à mon interlocuteur pressé et peu enclin à se faire interroger par un inconnu…)
Lui : « Absolument ! » (réponse courte acceptée)
Moi : Q2 : « Seriez-vous disposé à le recommander ? »
Lui : « Bien sûr ! »
Moi : « et maintenant la vraie question…. suspense : que diriez-vous alors pour le recommander ? »…
Lui : léger blanc le temps de la réflexion… « le cadre est sympa, différent… et c’est bon ! »…
Moi : « vous croyez que ça suffirait à décider quelqu’un à venir ? » (question subsidiaire et imprévue…)
Lui : « Ca dépend à qui je le dis… » (Hum.. vraiment ? fin de notre discussion, je le laisse repartir avec son ami).
Et la démonstration est parfaite, comme je le dis à Natalie quelques instants après. D’une part, il ne sait pas pourquoi il devrait recommander ce restaurant, alors même qu’il en a envie, et d’autre part, il sort du restaurants sans aucun « outil » pour l’inciter ou lui rappeler cette recommandation (qu’il devrait faire à quelqu’un… mais pas à n’importe qui). Et donc, nous pouvons en conclure, que si jamais il se souvient de notre conversation, il sera tenté en effet de recommander le restaurant sur la base d’un « le cadre est sympa et c’est bon », ce que nous dirions volontiers de n’importe quel établissement et qui constitue le minimum attendu d’un client. Bref, soit il aura oublié, soit il ne sera pas convaincant.
Pourquoi ?
Parce que Natalie ne lui a pas donné de raison ni de moyen pour le faire. J’ai bien écris donner (et non pas vendre). Il se trouve que ce restaurant a un thème, une personnalité, et que la cuisine est assez raffinée et uniquement à base de produits frais. Il lui manque de donner quelque chose, de créer la surprise pour les clients qui sont (visiblement) très satisfaits et qui seraient d’accord pour le recommander. C’est ce petit geste, ce petit cadeau inattendu, improvisé, qui fera toute la différence et fournira le contenu de l’histoire que racontera plus tard le client content à son entourage. Ils ne viendront pas pour le cadre sympa ou parce que c’est bon, mais parce qu’ils auront été sensibles à l’histoire et à la surprise. Ils auront été touchés par cette envie de partager au-delà d’un échange économique codifié. Cette démarche altruiste, désintéressée du restaurant, se transformera en une autre démarche généreuse, du client cette fois, qui voudra en faire profiter les autres.
C’est tout le sens de la générosité : elle se transmet. Mathilde Thomas, fondatrice de Caudalie, a eu cette idée pour lancer les boutique de la marque : les « Instant Beauty Pick-Me-Up », qui sot des soins de 10 minutes sans rendez-vous et offerts (gratuits) sans aucune condition. Insensé ? « Je suis persuadé qu’on ne peut que tomber amoureuse de nos produits. D’ailleurs, le taux de conversion est de 95% ; rares sont celles qui bénéficient d’un soin et qui ne ressortent pas avec un achat. »
Et on pourrait ajouter, encore plus rares sont celles qui ne recommanderont pas ces produits !
« L’altruisme se cultive. Il faut l’enseigner dans les écoles. Ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité. » Matthieu Ricard. (dans le magazine Clés n°85)