C’était une conférence formidable avec des gens formidables et même connus pour certains. C’était ce matin à l’Ecole des Mines de Paris, la salle se remplissait doucement d’un public fourni en devices (smartphone et tablette), prêts à tweeter le moindre propos, la plus originale des paroles que les grands patrons glisseraient dans leur intervention. A la tribune, des passionnés, des ambassadeurs du média social sur lequel tout le monde prend la parole, mais aussi des résistants, de ceux qui estiment ne pas avoir de temps à perdre dans des conversations ou avec des informations dont ils prendront connaissance si et quand cela vaudra le coup (et donc par d’autres moyens).
Il faut souligner ici l’excellent travail des organisateurs et partenaires de cette conférence : Média Aces, Ipsos (pour l’étude quali) et Les Echos (pour l’animation de la table ronde par Nicolas Rauline).
Alors pourquoi twetter ? Et aussi comment font-ils, comment ont-ils investis ce média, eux les patrons éclairés ? Pour y trouver de l’information, tout le monde en convient : Twitter est un outil de veille que l’on peut facilement personnaliser, configurer selon sa curiosité et sa capacité à absorber des informations, des connaissances provenant d’experts jusque là inabordables. Mais Twitter est aussi un moyen de diffuser des messages aux gens qui nous suivent, d’échanger des idées, de partager des points de vue, d’exprimer ses engagements ou/et ses valeurs. Le compte d’un patron sur Twitter reflète aussi sa personnalité, ses passions, ses sujets de réflexion. Bien !
On en vient au coeur du débat : Tweeter, c’est rentable ! Tweeter ça crée du business, ça développe la visibilité du patron, donc de l’entreprise… A condition toutefois qu’il y ait suffisamment de followers pour amplifier la conversation. Oui c’est un amplificateur de prise de parole pas cher !
Ainsi même Nicolas Bordas qui est venu pour convaincre les derniers patrons récalcitrants qu’il faut y aller, semble oublier par moment que la conversation s’établit entre personnes, entre des humains, par affinité, par goût, par passion commune, et pas seulement par intérêt (il me dira après et en off, que c’est pourtant sa conviction, et qu’il est d’abord et avant tout un passionné humain). Or, à bien écouter les motivations des patrons ou leurs craintes exprimées dans l’étude, à observer le comportement frénétique des twittos de la salle (auquel je me mêle un instant au début), je réalise que tous ces gens tweetent par intérêt ! Et ça c’est moche !..
Est-ce que quand j’entame, j’initie ou je participe à une conversation, je ne le fais que par intérêt ? Intérêt pour moi, en me montrant intéressant, ou intérêt pour mon business, afin de gagner en visibilité ?… Brrr… Ca fait froid dans le dos non ! Et si Twitter se résumait à une gigantesque caisse de résonance pour personnes « prétendument intéressantes » ? Faut-il un objectif pour entrer en conversation ou même en relation avec l’autre ?
Le seul objectif humain serait celui du partage. De faire part aux autres et gracieusement de ses réflexions, de ses passions, par pure générosité en quelque sorte. Et puis, on peut aussi être sur Twitter pour écouter et apprendre de l’autre. Là encore sans autre intérêt que le partage… On pourrait même se rencontrer. Et Twitter serait alors réellement social.
Bruno Witvoët, est le pdg de Unilever France et il n’est pas (encore) sur Twitter ! Oui ça semble incroyable aux yeux et aux oreilles des participants connectés de cette conférence et pourtant c’est, nous dit-il, une question de liberté. Alors quand les twittos repartent satisfait d’avoir été retweetés pour une excellente citation de Gonzague de Blignières : « je suis moderne, je suis venu en scooter », l’autre patron qui ne tweete pas, je m’approche de lui et j’ai envie de l’écouter m’expliquer ce qu’il entend par : « Twitter n’est pas très humain »…
Bruno Witvoët pourrait prendre part à un mouvement, à une conversation pour soutenir une cause (humaine), il en aurait l’envie. Comme je lui fais la remarque que le patron d’Unilever est légitimement un leader d’opinion, il s’offusque et me répond que non ! Non, il n’est pas un leader d’opinion ! Et lorsqu’il a un avis, une décision à rendre (ce qui est son quotidien), il prend le temps de l’analyse, de la réflexion, du partage des idées avec ses collaborateurs. Il n’est pas le patron dans sa tour d’ivoire. Il est un patron connecté aux autres, un patron humain. Sans aucun doute, il a moins besoin de tweeter que de réfléchir. « Un patron d’entreprise ne doit pas tomber dans l’obsession de l’instantané », ajoute-t-il, »la folie du court terme est l’ennemi du patron et de l’entreprise ». D’ailleurs, en visite chez Google comme au cours d’un tennis avec un dirigeant de Microsoft, Bruno Witvoët fait le constat que même les entreprises du monde internet sont en train de revenir vers plus d’humain dans les organisations (et donc moins d’outils, moins de technologie). Et voilà !
Je suis sorti de cette belle matinée, heureux d’avoir rencontré des vrais gens à qui j’ai pu parler et surtout que j’ai eu l’immense plaisir d’écouter. Dois-je vous dire que c’était, de très très loin, une bien plus belle expérience qu’un échange de tweets ?…
Merci à eux !
PS : si vous tweetez ou commentez cet article, ne le faites pas par intérêt ! 😉
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